vieille tour d’où je dessinais la vue de la ville que
j’ai donnée, II série, Pl. 20, j’en dominais l’ensemble
et rien n’échappait à mes regards ; je pouvais
suivre d’un extrémité de la ville à l’autre jusqu’aux
cimetières, les longues processions qui
conduisaient les morts au repos ; les croix, les
drapeaux et tous ces costumes se montraient
à demi par-dessus ces maisons basses, et leurs
chants lugubres et monotones venaient expirer
jusqu’au pied de la tour. Le dernier de ces
chants terminé sur le cimetière, je voyais la
pompe religieuse et les prêtres courir en toute
hâte vers un autre mort qui attendait son dernier
office.
Tel était l’Akhaltsikhé que j’allais visiter. Je me
présentai avec mon guide Nicolas chez le commandant
de la forteresse, avec l’ordre dont on
m’avait chargé pour lui ; le colonel Afanase Iva-
novitche Xénaxaref me reçut avec la plus, grande
cordialité, et me fit assigner aussitôt un logement
en ville. Le maître de police mit à ma
disposition une vaste maison sise près du bazar
de la vieille ville et qu’on n’habitait pas. 11 y
avait plusieurs chambres avec cuisine et écuries ;
mais aucun appartement n’avait d’autre fenêtre
que des darbases, ou de petites lucarnes placées
dans le toit ; j’étais très-embarassé pour y dessiner.
Ce qui me gêna encore plus , ce fut
qu’aussitôt que j’y fus installé, je vis les gens du
prince Elisbar Eristaf envahir la maison avec
le bagage de leur maître, ses chevaux, etc., sans
nul égard pour moi, me laissant à peine un coin
pour travailler. Je supportai patiemment la
chose et je n’eus pas même besoin de m’en
plaindre; car le colonel s’étant informé du logement
qu’on- ûi’avait donné, fit venir aussitôt
le maître de police, pour chercher à m’en trouver
un plus commode. Il y avait une maison
de la vieille ville qui ayant appartenu à un grand
personnage des Turcs, et se trouvant ensuite
sans maître, était tombée de droit dans le domaine
du gouvernement. Etant vacante, un chef
de quartier, prince géorgien, s’y était logé.
Le colonel le pria de partager sa maison avec
moi, et d’avoir soin de moi. Dès cet instant rien
ne me manqua. Je pris avec moi J. B. Démangé
et Nicolas , et voyant les gens du prince Eristaf
encore disposés à me suivre, je défendis de les
recevoir, et ils furent obligés d’aller chercher à
se loger ailleurs. Nous avions une fort belle
chambre, peinte à la turque, avec des divans,
des alcôves et fort bien éclairée; le chef de
quartier fut la complaisance même. Le colonel
ne voulut pas que j’eusse une autre table que
la sienne ; J. B. Démangé et Nicolas firent leur
ménage avec le chef de quartier et s’arrangèrent
fort bien. Il n’y eut que Nicolas que j’entendis
grommeler entre ses dents. Son outre de vin