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 russe  et en particulier par le  général  
 Vakoulski, je devois  être un objet de haine pour  
 la  princesse  Dadian  qui  abhorre  tout  ce  qui  
 vient du  général. Ceci mérite  quelques  explications. 
 La  princesse  Dadian  tient  plus  de  l’homme  
 que de son sexe.  Elle est née princesse Tsirételli  
 et a reçu de la nature  toutes les grandes proportions  
 qui distinguent cette famille.  Elle est  d’une  
 très-grande  taille, bien faite,  et conserve  toutes  
 les  traces  d’une  grande beauté.  Tout  est mâle  
 chez elle ;  elle  a su s’emparer de l’autorité principale, 
   et  s’assujétir  jusqu’à  son  mari,  prince  
 qui  par sa  taille  mince  et  fluette contraste singulièrement  
 avec les dimensions colossales de sa  
 femme. 
 L’ambition  une  fois  dans  le  coeur  de  cette  
 femme,  elle n’a plus voulu de partage.  Le  frère  
 de Dadian,  général major au  service de Russie,  
 ne pouvait voir qu’avec impatience que son frère  
 se  laissât  ainsi  gouverner.  La princesse  s’était  
 livrée entièrement  à la clique de sa famille,  qui  
 trouvait  un  grand  honneur  à  gouverner  sous  
 elle,  et qui avait beaucoup  contribue a fomenter  
 en elle cette ambition  et à la soutenir.  Et même,  
 pour  être  plus  efficacement  appuyee  dans  sa  
 lutte contre son mari,  elle  était parvenue à faire  
 nommer  à l’cvêché de Mingrélie son propre frere 
 David Tsirételli,  qui passait pour être doué d’un 
 fort méchant coeur. 
 Dès-lors cette clique n’avait cessé de travailler  
 à achever la  ruine  de  l’autorite de Dadian pour  
 en  revêtir  sa  femme  et  la  partager  avec  elle.  
 Tous  les moyens lui furent bons :  c’est  elle qui,  
 pour  colorer  de  quelques  raisons  les  projets  
 ambitieux de la princesse,  répandait partout les  
 bruits les plus  injurieux,  les plus méchants  sur  
 le compte de Dadian ;  qui le représentait comme  
 un ivrogne, un insouciant,  un  homme  sans miséricorde, 
  sans capacité. Dadian  supportait  tout  
 cela. 
 Cependant  la  scission  n’en  était  pas  venue  à .  
 son  comble,  ce  qui  n’empêchait  pas  que  cela  
 n’influât beaucoup  sur  les  rapports  de Dadian  
 avec les autorités russes et surtout avec le général  
 Vakoulski.  Car,  l’un des plus  grands  reproches  
 que  la  clique  Tsirételli lui  faisait,  c’est  qu’il se  
 laissait mener  et gouverner par  les Russes ;  qu’il  
 allait bientôt percLFe  toute  son autorité,  et  en le  
 prenant par  sa propre ambition,  on parvint à le  
 remplir momentanément  de  méfiance  et  à  lui  
 faire  croire que  la Russie  en  voulait  â  ses  états. 
 On  comprend  que  la  princesse  et  son frère,  
 avec leur  ambitieux despotisme,  voulaient  être  
 les  seuls maîtres  et  faire  aller  les  affaires  à  la  
 façon  de  leur  coeur et de leur  intérêts.  Bonnes  
 raisons  pour  détester  la Russie,  pour  chercher