Le kélossan de Pichari nous engagea à passer
au village de Tehekoïchi (1), où nous serions
beaucoup mieux. Il nous y mena lui-même, car
les deux villages se touchent, et il nous remit au
kélossan son confrère, qui en nous menant à
notre logement, disait aux paysans : «Enfants,
il nous est venu un hôte; apportez-lui votre part
de son dîner. »
Pendant qu’à la mode du pays chacun apportait
sa quote-part , l’un du vin, l’autre des oeufs,
des poulets , des fèves, un troisième des galettes
de farine de maïs ou de froment, j’allai faire une
promenade jusqu’à la ruine d’une forteresse de
Dadian qui domine le village, nichée sur un
rocher isolé de calcaire crayeux avec débris
tertiaires, dans lequel 011 peut à peine trouver
quelques restes de pétrifications : j’y reconnus
cependant le Nautilus Aturi, Bast., du bassin
de Bordeaux. Les couches sont renversées et
suspendues en face d’un cône porphyrique qui
est à quelques cents pas de là : les supérieures
sont fissurées par petits débris angulaires, comme
le calcaire de la source du Karasou en Crimée.
Le vieux château, à moitié démantelé, ne sert
plus au prince Dadian, qu’à y garder les koup-
cbines de vin de sa recette.
Ap rès le dîner qui ressemblait à ceux de l’Imé-
( 1 ) Dschkhvischi, et Dszkwiszi, carte Khatof.
reth, car les Letchekoumiens sont de race géorgienne
et parlent la même langue que les autres
branches de cette race, nous nous hâtâmes d’atteindre
le monastère de Saïermi, car le temps
mena.ç0ait.
L’aspect du pays change ici tout à coup de face.
Une puissante formation de calcaire crayeux,
entremêlée de lits minces d’un grès marneux,
étend au long et au hirge ses couches horizontales.
Par un effort plutonien quelconque, d’énormes
fissures, des fentes profondes l’ont entaillée
dans plusieurs sens. Je me crus tout à coup
transporté dans les grunds de la Suisse saxonne,
quand on me fit descendre dans le premier ravin
qui longe le village, pour escalader la pente
très-escarpée qui circonscrit le premier de ces
massifs isolés. Le sommet que nous traversâmes
dans le sens le plus long, mesurant 5 à 6 verst,
formait un plateau parfait. Arrivés à l’extrémité
du massif, les accidents du sol gagnèrent en bizarrerie
: car je ne pouvais plus appeler massifs
ce que j’avais devant moi. Par l’effet de la dislocation,
toute la formation crayeuse était pourfendue
de haut en bas comme par Mpcs immenses
à parois à pic, que des abîmes de plus de
5oo pieds de profondeur séparaient les uns des
autres. On ne peut pas se faire une idée plus
juste de ces abîmes qu’en se rappellant VOt—
te waider Grund , ou le W~oIfsschlucht du