pas de voiture dans ces montagnes, cela ne
cause aucun inconvénient.
Quelquefois des églises blanches se montraient
à travers les pampres ; le château d’Orbèli parut
a notre droite au fond de la vallée, sur un rocher
isolé de calcaire crayeux ; ses tours blanches
irrégulières, unies à quelques corps de bâtiment,
rappelaient d’une manière frappante nos
vieux châteaux suisses.
Le village de Spatagori est sur la rive droite
du Ladsanouri; Latsori sur l’autre rive : nous
passâmes, près de là , la rivière à gué.
Il nous restait encore à escalader, au milieu des
champs et des vignes, la montagne glaiseuse qui
sépare la vallée du Ladsanouri de celle de la
Tskhénitskali. Au bas le schiste noir reparut
sous le calcaire. Au sommet nous planâmes sur
la vallée de Mouri, qui est en effet des plus romantiques.
Le château fort, la ressource, l’espoir,
l’appui et en même temps la prison d’état de
Dadian, se trouve comme celui d’Orbèli sur l’escarpement
d’un rocher qui écluse ici la Tskhénitskali
comme le Phase à Baragone, et forme
rideau dans le fond de la vallée. C’est un nouvel
exemple de la manière dont les rivières du Caucase
passent à travers les bancs jurassiques pour
arriver des vallées supérieures aux inférieures.
Une colline domine on ne peut mieux cette
forteresse, qui n’est composée que de quelques
tours et corps de logis dont la blancheur ressort
sur le paysage couvert de forêts et de vignobles
en arbres. Dadian y a un corps de quelques af-
fidés qui gardent ses prisonniers ; du reste, il n’y
laisse pénétrer personne sous aucun prétexte.
Dadian a bâti au pied meme du rocher a pic
couronné de sa forteresse, sa résidence de bois ;
à quelques pas de là , la Tskhénitskali sort de
son éclüse étroite pour arroser la belle vallée de
Mouri. Cette résidence est aussi misérable que
celle de Laïlache. J’ai vu du reste que le prince
se construisait une nouvelle maison à un étage,
un peu meilleure. Mais l’habitation d’un paysan
suisse du canton de Berne est un palais à coté
de la sacle qui loge le prince régnant de Letche-
koum et de Mingrélie. Cependant cet emplacement
dont on a si mal profité, serait un paradis
dans les mains d’un Anglais et pourrait être mis
à côté de ce que je connais de plus pittoresque ;
c’est grandiose ; la nature y a tout fait ; il faut
seulement l’aider.
On nous reçut fort mal. Le prince Dadian
n’était pas à Mouri, et pendant qu on présentait
mes papiers à la princesse sa femme, on eut la
bonté de me faire entrer dans les écuries de
Dadian. Messieurs les savants qui parcourrez à
l’avenir ces contrées, il faut vous attendre à tout,
jusqu’à être logé au milieu des ânes et des mulets.