pour jeter de temps en temps un oeil curieux sui*
ces groupes extraordinaires. Par une porte jè
voyais les hommes et par l’autre, les femmes
qui à cent pas de moi soupaient sous l’abavent
delà maison de la princesse, groupées au nombre
de vingt environ, autour d’un autre feu qui les
réchauffait et les éclairait en même temps ç
toutes étaient en parure, mais à demi-voilées*
riant cependant et bavardant comme dans le
reste du monde.
Mon Nicolas eut bien de la peine à retrouver
son feutre et sa selle pour s’y étendre après cette
fameuse soirée, où il ne ménagea pas sa voix.
Il eut cependant assez de présence d’esprit pour
remarquer la grande cruche de vin qu’on avait
laissée à côté de moi. « Voyons, dit-il, ce qu’on
vous a donné. Ah ! c’est autre chose que celui
que nous avons bu ! Il n’y a pas de temps à
perdre : avant qu’on vienne la reprendre, je
vais la verser dans notre outre de voyage. » Ce
qu’il fit effectivement.
Le lendemain, le prince ayant appris que
j’avais trouvé son vin si bon, ordonna qu’on en
versât encore quatre ou cinq autres cruches
d’une dizaine de pintes dans notre outre pour
notre provision. Il nous quitta pour aller à la
fête, mais non sans avoir ordonné qu’on eût le
plus grand soin de nous et qu’on nous trouvât
des chevaux.
Je lui demandai par curiosité combien il consommait
à peu près de vin par an dans son ménage.
Il me répondit en me montrant ses vastés
koupchines , qu’il faisait une récolte annuelle
d’un .peu plus de 4ooo tchapeS ou 24,000 ma-
nirka , qui se buvaient annuellement dans sa
maison, tant par ses Valets que par les hôtes qui
venaient le voir. Que dire d’un ménage qui boit
5o,000 bouteilles de vin par an.
Nous repassâmes près de Sazan les rives de
la Tehélabori, composée d’un calcaire jaune tertiaire
avec coquillages. La craie avec ses rognons
de silex rouge, reparut plus haut sur le sommet
et sur le revers des collines qui encaissent la
Bzoudja entre Kouatsikhé et Sakourtsé. Non
loin de là nous entrâmes dans la gorge de la
Bzoudja. Une haute chaîne de montagnes qui
longe et éperonne le Phase jusqu’à son entrée
dans la plaine de L Çolchide, se détache près
de ses sources, des hautes cimes du Caucase,
dont elle est un contrefort. C’est sur le revers
de cette chaîne opposé à la vallée du Phase, que
la Kvirila, la Bzoudja, la Djoussa, la Tchara,
prennent leur source. Elles s’enfoncent toutes
dans des vallées profondes et passent par des
espèces de gorges ou d’écluses étroites, taillées
dans des roches calcaires ou crayeuses, avant
d ’arriver à la plaine centrale.
Après avoir suivi quelque temps les rives de
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