nos toits de bardeaux. Du moins sur le sommet
de notre rocher nous étions sûrs d’échapper à
toute inondation.
Le bon vieillard ne me tint pas à sa pitance
qui était par trop sévère ; car ces religieux ne
mangent jamais de viande, et ce n’est que fort
rarement qu’ils se permettent du poisson. Leur
nourriture ordinaire consiste en gômi, en pain
plat, en galettes de maïs, en fèves, pois, racines
de céleri, de porreaux, en fruits, etc. Ils se
permettent l’usage du vin qui est la seule compensation
de tant de privations. On me servit
chaque jour du poulet rôti, ou quelqu’autre chose
que je mangeais à côté de mon religieux qui évitait
cependant tout contact avec les mets qu’on
me présentait ; mais jamais cela ne fit le sujet de
l’une de ses réflexions, ni d’une marque de son
intolérance.
Il avait à sa table un jeune moine, bon jeune
homme, qui, en commun avec son supérieur,
instruisait à lire et à écrire trois ou quatre jeunes
garçons, et j’ai été vraiment étonné de leur assiduité.
Comme chez nous dans le moyen âge, ces
monastères sont presque les seules écoles du
pays; c’est là qu’on va étudier, et c’est là que
ceux qui se destinent à être prêtres, vont obtenir
leurs ordres.
Nous étions servis par un frère laïque ; chaque
moine a le sien : ce sont ordinairement des personnes
âgées qui se retirent du monde, ou qui font
le voeu de passer ainsi quelque temps au service
d’un monastère ; quelquefois aussi ce sont des
coupables que les tribunaux ont condamnés pour
quelques délits à faire ainsi pénitence pendant
une ou plusieurs années. Notre frère laïque nous
apportait notre ration de la cuisine commune,
coupait le bois, râclait les tables. Ce fut une
bénédiction cesjours-là; car on put les mettre
sous les goutières, et elles devinrent d’une propreté
à faire plaisir ; mais dans le fait on s’habitue
à tout ; et cela ne me coûtait plus rien de
manger sans assiette sur une table qu’on a simplement
râclée avant d’y déposer les mets et la
pâte de gômi.
La vie austère de nos compagnons de cellule
ne consistait pas seulement à jeûner strictement •
de combien d’autres pratiques n’était-elle pas
composée ! Assister aux offices pendant le jour ;
prier et méditer n’en faisait qu’une petite partie4
mais se relever plusieurs fois chaque nuit et
courir à l’église, au milieu de la pluie et de la
tempête, revenir mouillés et tremblant de froid,
telle était la vie sévère que prescrivait leur règle,
et notre veillard ne s’en dispensait jamais.
D’ailleurs, rentré dans sa cellule, on ne peut
pas dire qu’il fût gâté par un bon lit bien tendre
où il pût se réchauffer. Quelques planches et un
mauvais tapis en faisaient la façon. Tout l’appar