a* abandonné le camp et les magasins, qui ont été'
en grande partie renversés par le vent. Il n’est
resté que le maire ou gouverneur du district du
Ratcha dont Khotévi est le chef-lieu, et quelques
Cosaques. Il n’y a pas un autre soldat russe dans
tout le district ; par-là on peut juger de l’état
pacifique de ces peuples montagnards.
Le maire, ancien militaire, un peu fainéant,
et que sa conduite fit renvoyer peu de temps
après mon passage, me donna un exemple de la
difficulté d’appliquer et d’exécuter certaines
Ibis dans un vaste empire hétérogène de nations,
de religion, de climat, comme l’immense
Russie.
Jamais il n’a passé au-delà du Caucase un
officier qui se soit dit : «Adieu Russie, j’ai la;
plus ferme intention de m'établir ici. » De sinistres
présages, souvent faux, lès effraient sur
leur avenir dans ces contrées. Ces maladies terribles
, l’isolement complet de la plupart des.
endroits où on les envoie, des privations de
tous genres surtout sous le rapport moral;
l’ignorance de la langue, tout contribue à le u r
conserver le désir d’en sortir le plus vite possible.
Isolés, abandonnés à eux-mêmes, pour
dire le mot, sans nulle société, sans femme, sans,
amie de cette Russie chérie, qui vienne les con-,
soler, par désoeuvrement, par cette nécessité
qu’impose la nature, ils font connaissance avec
fes belles Géorgiennes; ils s’attachent à ce sexe
souvent facile, quelquefois crédule. Mais à l’idée
de les épouser , le souvenir de la patrie les fait
soupire^ encore. Les années se passent ainsi
dans un commerce qui devient de plus en plus
intime, marital. La facilité de moeurs, l’exemple
général, Fhabitude n’y fait trouver rien de mauvais.
On a des. enfants qu’on néglige d’abord,
encor-e intbu de ces préjugés européens, mais
qui retrouvent bientôt la route du coeur de leur
père. C’est alors que commence un combat
cruel : faut-il épouser leur mère, ou ne le faut-il
pas? Qu'on le fasse ou non, il, vaudroit mieux
pour ces pauvres enfants de n’être pas nés. A
quoi sert que leur mère épouse leur père? Une
loi sévère les efface pour ainsi dire de la société.
L’empereur Nicolás voulant arrêter un relâchement
de moeurs inexcusable, qui faisait des
progrès dans la haute noblesse, et les nombreux
désordres qui en étaient la suite, a déclaré que
tout enfant né avant le mariage est et resterait
toujours illégitime. Quoique fils d’un général,
d’un prince, il ne peut exercer aucun emploi
civil ou militaire; il rentre dans la dernière classe
de la société et est forcé d’embrasser un métier
s’il veut vivre. Ce n’est pas encore ici le plus
grand des malheurs ; l’homme est né pour le
travail. Mais qu’on juge d’une famille partagée
ainsi au-delà du Caucase, en enfants privilégiés