plus haut et presque aussi étroit qui vous tierq
lieu de table; on Ta un peu raclé pour le nettoyer
des restes qui s’y sont attachés la dernière fois
qu’on en a fait usage. Cela n’empêche pas qu’il
ne porte les traces et les reliquats encroûtés et
desséchés de vingt à trente repas , car on ne lave
ces tables dans le pays que quand il pleut et qu’on
peut les mettre sous les gouttières.
Cette table n’est que pour les grands seigneurs,
les personnages de distinction , la haute volée
des convives; les autres s’arrangent comme ils
peuvent sur des troncs, sur des poutres, par
terre, attendant tout de la générosité de ceux qui
occupent le haut bout. L’homme à la chaudière
de millet commence aussitôt son office ; avec sa
pelle de bois, il entasse devant chaque convive en
commençant par le plus digne un tas de cinq à
six pellées de pâte de gômi, comme si c’était du
mortier ; sa tournée faite, il distribue à ceux qu’il
veut favoriser la pâte qui s’est un peu roussie en
s’attachant au fond du chaudron. Puis on vous
apporte du pain de farine de maïs, cuit devant le
feu, dans des formes exactement semblables à
des dessous de vases de fleur, et qu’on a chauffées
préalablement, du mouton bouilli ou rôti,
quelques légumes, tels que haricots ou pois, des
ragoûts, des oeufs cuits sous la cendre ; le meilleur
de ces repas consiste en poulets rôtis, qui
ne sont pas au-dessous de leur renommée, car
les poulets et poulardes d’Iméreth et de Min gré-
lie, qui ne se nourrissent que de millet, de figues,
de mûres, de blé de Turquie et de cent autres
fruits en abondance, sont célèbres dans le sud
du Caucase, et c’est un grand objet de luxe sur
les tables. de Tiflis. On les assaisonne souvent
avec du jus de grenade qui n’est certainement
pas à dédaigner; mais le vrai plat de cérémonie
ou de compliment consiste dans une sauce au
kindzi ou à la feuille jeune de coriandre, dont
tous ces peuples font leurs délices.
Tout est pêle-mêle sur la table, fort heureux
quand il y a quelques vieux plats en bois ou en
terre pour contenir les sauces et les ragoûts.
Un prêtre ou quelqu’un d’autre récite alors la
bénédiction ; puis chacun commence par ce qui
lui convient, se servant proprement et gracieusement
de ses doigts. On découpe un poulet fort
nettement en le tirant par les pieds, ensuite par
les ailes ; les pièces tombent les unes après les
autres sans effort; un coup de main sépare le
croupion de la poitrine et l’affaire est faite. Si
quelque tête de mouton offre trop de résistance,
on tire sonkindjal ou coutelas pendu à la ceinture
, et un coup de revers la fend en deux comme
une poire.
Les os rongés et les débris de poulets passent
de la table privilégiée à la classe inférieure des
assistants, qui l’oeil attentif, un morceau de pâte