Jusqu’alors les Laizes n’avaient senti que faiblement
le poids de la suzeraineté romaine; j’en
ai dit les raisons. Leur commerce ne consistait
qu’en cuirs, peaux, et en esclaves qu’ils échangeaient
contre du sel et d’autres produits de
première nécessité.
La Lazique devenue le théâtre de la guerre
contre les Perses, avait changé de position. Les
Romains qu’on y envoya au secours de Tzathius,
au lieu de se conduire sagement en auxiliaires,
se crurent maîtres du pays. Pierre, leur chef,
fit encore pis. Au lieu d’être doux et juste avec
les Lazes, il les accabla de son dédain et de son
insolence. Jamais personne, dit Procope, ne se
montra plus avare ni plus grossier. Ceux qui le
remplacèrent ne furent pas meilleurs ; ces chefs
qu’on envoyait dans des provinces si éloignées
du coeur de l’empire, n’envisageaient ces postes
que comme d’heureuses occasions de piller et de
s’enrichir impunément.
Jean , surnommé Tzibus, m’it le comble au
mécontentement des Lazes ; de basse extraction,
il n’avait d’autre titre au poste élevé qu’il occupait,
que d’être le plus méchant des hommes et
de connaître parfaitement l’art de mettre un
peuple à contribution.
Il inspira à Justinien l’idée de bâtir non loin
des rives de la mer, une forteresse qu’on nomma
Pétra. Elle était située dans le Gouriel actuel,
sur une éminence rocheuse qui sépare le confluent
de la Skourdébi et de la Natanébi, l’Isis
des anciens (1), là où l’on voit encore aujourd’hui
les, vastes ruines d’une forteresse que les
habitants du pays appellent Oudjenar. Ce fut là
que Jean établit son repaire, pillant les fortunes
des Lazes. Personne n’eut plus le droit d’introduire
ni sel, ni autre marchandise en Lazique.
Il en fit un monopole à Pétra, y établissant sur
les bords de la rivière, un marché dont il fut le
chef et le factotum. Il acheta tout à bon marché
pour tout revendre ensuite aux Lazes au plus
haut prix possible.
Les Lazes poussés à bout et guidés par Gouba-
zes, fils et successeur de Tzathius, crurent ne
pouvoir mieux faire que de retourner a 1 obéissance
des Perses. Ils envoyèrent, en 53g , des
députés à KhosroësNouchirvan qui avait succédé,
en 531, à son père Kobad, les chargeant d’obtenir
de ce roi, sa parole qu’il ne les abandonnerait
jamais sans leur volonté, au pouvoir des Romains.
Khosroës les reçut parfaitement bien; ils lui
firent leur soumission, et lui expliquèrent leurs
griefs contre les Romains , lui disant que le roi
n’était plus qu’un serviteur qui tremblait devant
(i) Ârriani Periplus ad Adrianum , ed. gen. sans pa^
giuatioD.