
 
        
         
		pyroxénique,  présentait  ses  flancs  noirâtres  et  
 à pic (1). 
 Le soir,  entourant un feu digne des cyclopes,  
 que  nous avions  fait  avec  de gros  troncs  d’arbres, 
   nous soupâmes  à la belle  étoile, de  lait, de  
 fromage et de mouton que je  fis acheter dans les  
 chalets. Nous  étions à  rire et à  causer,  étendus  
 sur nos feutres,  quand nous  entendîmes un tintamarre  
 épouvantable  dans  le  châlet  qui  était  
 à deux cents pas de notre feu....  Les loups!  les  
 loups !  Les  moutons  de  bêler et  les  vaches  de  
 beugler d’un ton pitoyable; les bergers,  de crier  
 et de  courir de  tous cotés  comme des possédés  
 avec  des  tisons  enflammés ;  les  femmes  d’y   répondre, 
   perchées  sur  leurs  toits,  en  appelant  
 les moutons  épouvantés  : l’obscurité prêtait  encore  
 à  la  bizarrerie  de  ce  spectacle.  L’un  des  
 loups  se sauvant de notre côté, passe à vingt pas  
 de nous;  nous luïlâchons un coup de fusil.  Cela  
 n’empêcha pas deux autres loups, ses confrères ,  
 d’emporter chacun un mouton sans lâcher prise,  
 malgré les bergers qui leur couraient après. 
 La nuit fut  fraîche ;  le  soir,  à  six  heures,  le  
 thermomètre  de  Réaumur  marquait encore  12  
 degrés  de  chaleur;  mais,  au  lever du  soleil, il  
 n’en montrait plus que 6.  Je grelottais sous mon  
 manteau, malgré le feu  qui me  grillait les pieds. 
 ( 1 )  Voyez atlas  I I ,  pl.  20,, 6 . 
 Nous  commençâmes  le  23  août, par  tourner  
 le  pied  de  cet  énorme  rocher qui  était  au-dessous  
 du camp,  et  quand nous  eûmes  atteint  sa  
 base, je  fus bien  étonné,  quand  on me  montra  
 sur  l’angle  le  plus  escarpé,  une  forteresse grotesque  
 presque  inabordable,  qu’on  appelle  en  
 géorgien  Kvélitsikhé, la  forteresse  du fromage ;  
 elle  servait dé  refuge  aux bergers  dans  les  incursions  
 barbares  de  leur  voisin. On  dit même  
 que  sous  le règne  d’Adarnassé,  roi  de Géorgie,  
 qui  régna de  881  à  925,  un  prince  Gobron  et  
 cent  trente  autres princes  et nobles y cherchèrent  
 une  retraite  qu’ils  crurent  inexpugnable  
 contretes efforts d’Amir-Arab,  général d’Aboul-  
 Kassim,  roi de  Perse, qui  venait  de dévaster  la  
 Géorgie  et  le  Sa-Atabago  ;  Amir-Arab  prit  la  
 forteresse  et  toute  la  garnison  qu’il envoya  au  
 roi  de Perse.  Celui-ci voulut  forcer  ses  prisonniers  
 à  renoncer  au  christianisme, ils  persévérèrent  
 dans  leur  foi  ,  et  furent  tous  massacrés  
 (1). 
 Il  n’est  pas  beaucoup  de  châteaux  forts  en  
 Europe, bâtis  à  8,000  pieds  d’élévation;  encadré  
 dans  les pyramides noires des hauts sapins ,  
 cet entourage en rend le coup  d’oeil encore plus  
 extraordinaire. 
 0 )  Chronique georg.,  dans Klaproth. Voyage au Caucase, 
   etc.  ,  t.  I I ,  p.  171  ,  e'd,  ail.