
 
        
         
		pas.  Il  fit même  faire  une  tournée  d’un millier  
 de  verst  à  cette  demi-émine  de  miÎlet  qu’il  
 avait prise  a Bagdad  pour  les  cas de  famine,  et  
 dont  nous  ne  nous  servîmes  jamais.  D’ailleurs  
 notre  outre  de  vin  de Zazan  n’.étàit pas  encore  
 vide  ;  ainsi nous n’étions pas bien à plaindre. Ce  
 qu’il  y   avait de  fâcheux,  c’est  qu’en  nous  traitant  
 il fallait  traiter tout le monde, et  ce  jour-là  
 je vis que Nicolas  se  faisait  scrupule de  toucher  
 à son outre,  préférant que nous nous abreuvassions  
 d’un nectar digne des Strumfwein ou Schul-  
 wein  de la Saxe, que notre  hôte  avait  rapporté  
 du Bas  Ratcha, et qu’il nous  offrait  de  fort bon  
 coeur; Je ne pus me décider à en avaler que quelques  
 gouttes tant il était exécrable, et  bien  que je  
 le noyasse dans du bon vin de  Sazan ,  je ne  pus  
 vaincre mon sort 5  je  fus  malade  toute  la  nuit.  
 Ah !  quelle pauvre nuit que celle-là, passée dans  
 les  soupirs  et  dans  la  fumée,  entassés  les  uns  
 sur  les  autres  dans  ce réduit  si bas  et  si  étroit ! 
 Le  thé  du matin m’eut bientôt  guéri,  et,  gai  
 et dispos, je me moquai  bien de mon prince  qui  
 m’avait  fait perdre  toute  une  demi-journée ,  et  
 qui ne m’avait  en  échange procuré d’autre jouissance  
 que  celle  de  regarder  de  mon  banc  de  
 pierre les femmes vanner  le blé sur  les  aires circulaires, 
   le cribler et  le sécher au  soleil. 
 Pendant  qu’elles  étaient  à  leurs  occupations,  
 une  voisine  ou  parente,  nouvellement  mariée 
 peut-être, venait  leur  faire  visite ;  ôn s’embrasa  
 sait  comme  en  Europe;  on  était  respectueux  
 et complimenteur comme  chez nous. 
 Les  femmes  ont  toutes un mouchoir qui leur  
 passe  par-dessus  la  bouche ;  on  dirait  qu’elles  
 font un secret de leur bouche et de leur menton,  
 tant elles prennent de peine  à les masquer,  tandis  
 qu’elles  ne  feraient  pas  tant  de  façon  pour  
 d’autres  parties du corps bien plus déshonnêtes.  
 C’est  comme les femmes juives  en Lithuanie qui  
 se  coiffent en-cheveux tant qu’elles sont filles, et  
 qui, quand elles sont mariées,  se les coupent et  
 se  voilent,  ou  cachent  toute  la  tête,  qu’elles  ne  
 découvrent qu’à leurs maris. C’est alors un grand  
 crime  contre  l’honnêteté  que  de  laisser  voir  
 quelques mèches de cheveux,  et cependant cela  
 ne leur  coûte  rien  de  se montrer nues  comme  
 mère Eve, excepté les  cheveux,  au bord des rivières  
 ,  ou  près  des  bains  publics,  quand  elles  
 Vont s y purifier en masse,  le  jeudi ou  avant  les  
 grands jours de fête. 
 La  race du  peuple  de§ villages  de  Ghébi,  de  
 Tchiora, de Glola,  est  tout-à-fait montagnarde  
 d’esprit et de moeurs;  ils aiment leur liberté,  ils  
 sont Géorgiens  de  race,  et parlent purement  le  
 géorgien.  Depuis Paravnéchi,  ils  sont  tous habillés  
 à  la  tcherkesse ;  les  femmes  ont  adopté  
 l’usage  du  tchok ou habit  tcherkesse  de  dessus.  
 Ces  pauvres  femmes  sont les  esclaves  de  leurs