sous ces milliers de voûtes, sans prêtre qui officie
sur ces autels abandonnés, sans lampe qui
brûle auprès du tombeau de Thamar, sans cloche
qui résonne dans ce clocher tristement déserté.
Le nom même de cette ville antique s’est effacé
de toute carte moderne, où on le cherche en
vain. Son éloignement de toute habitation l’a
fait oublier. Le nom de Vardsie ne paraît que
dans d’anciennes chroniques, et surtout dans celles
qui décrivent les guerres des atabegs Kouar-
kouaré et Manoutchar Contre les Turcs; Vardsie
fut alors (1) souvent pris et repris. Alp-Arslan
s’en était aussi emparé lors de sa mémorable
expédition qui précéda la prise de Rars et d’Ani
en io64; l’historien de ces guerres lui donne le
nom de Sil-Wardeh (2).
De retour dans notre pressoir, nous trouvâmes
notre cosaque revenu de son expédition ; il
avait fort bien rempli sa commission, et était rentré
dans nos quartiers avec un mouton qu’il
avait tué, écorché, dépecé, à l’aide de son camarade
; ils étaient fort occupés à nous le préparer
sous trois ou quatre formes, ce qui venait
fort à point après les fatigues de la matinée;
(1) Vardsie fut pris par Chah-Thamaz en i 553, aidé
de. l’atabeg Khaikhosro, qui reçut du chah pour sa récompense
la célèbre vierge de Vardsie.
(2) Voyez dans Saint Martin, Mém. hist. sur l'Arménie,
t. I l, p. 227, le récit d’Ibn-Alathir.
mais ce furent eux qui se régalèrent le mieux, et
ils vérifièrent ici le proverbe qui dit : Appétit de
cosaque.
Je ne pouvais me résoudre à quitter ces lieux
si remarquables sous tous les rapports. J’aurais
pu y trouver dé l’occupation pour huit jours.
Ce ne fut qu’à regret que, las de courir, de grimper,
de dessiner, je me décidai à suivre mes
guides, qui, vers le soir, vinrent m’arracher du
milieu des rochers, où j’étais occupé à faire le
croquis de Zéda-Tmogvi, qui fait le sujet de la
planche 22 ; nous retournâmes à Khertvis pour
y passer la nuit.
Le dimanche ?5 septembre, si j’avais été peintre
de paysage et passionné pour le pittoresque,
j’aurais pu, sans aller bien loin, trouver le sujet
d’un magnifique dessin en me plaçant sur les
rives du Kour, en face de la forteresse de Khertvis
; on voit rarement quelque chose d’un effet
plus romantique. Mais je trouvai qu’en conscience
il valait mieux m’occuper de mon étude principale,
Pour pouvoir planer à mon aise sur la vallée
du cratère volcanique, et en faire une esquisse
qui n’a pas, bien loin de là, le charme d’une vue
de Khertvis, j’escâladai la montagne, élevée de
i , 5oo pieds au-dessus du Kour, qui forme l’angle
de rétrécissement de ce cratère vers la forteresse.
Que les géologues viennent contempler
ce tableau mystérieux d’un ancien laboratoire