Le nombre des naissances a été, pendant les dix dernières années, de 72,436 au moins et de 82,128
au plus; celui des décès a varié entre 42,875 et 51,744. L ’accroissement annuel de la population a été
en moyenne, de 1881 à 1890, de 30,903 et n’a été influencé que dans une mesuré insignifiante par l’excédant
des immigrations sur les émigrations. Cependant l’émigration a augmenté dans ces dernières années.
Des habitants de la Finlande en 1890, 2,048,500 avaient pour langue maternelle le finnois, 322,600,
le suédois. La moitié environ des 9,000 restants étaient de langue russe.
La population des villes forme un peu plus du 10 pour cent du total dés habitants. Il n’y a en
Europe que la Hongrie qui offre une proportion encore plus grande d’habitants de la campagne. 77 pour
cent des habitants sont comptés comme se vouant à l’agriculture ou aux industries qui en dépendent,
tandis que 10 pour cent seulement représentent le contingent de l’industrie, du commerce et des ; communications.
Ces chiffres expliquent en quelque mesure pourquoi la question sociale, ce problème qui agite les
esprits dans tant de pays, n’a pas pris en Finlande un caractère menaçant. Le prolétariat est nombreux
dans les campagnes en plusieurs parties du pays et sa situation laisse beaucoup à désirer. Mais résignés
et disséminés au milieu des paysans propriétaires, auprès desquels ils trouvent généralement à gagner
leur vie, ces prolétaires ne sont pas de l’espèce de ceux qui élèvent la voix contre l’ordre social. L ’État
a déjà adopté diverses mesures, et en prépare d’autres, tendant à améliorer les conditions d’existence dé
cette partie du peuple. — L ’application successive des réformes destinées à faciliter le parcellement des
propriétés foncières et à permettre ainsi à la classe des petits propriétaires d’augmenter proportionnellement
à l’accroissement de la population, offre une garantie de plus pour le maintien de l’ordre et de la
tranquillité qui régnent depuis des siècles dans la population rurale en Finlande.
La fausse doctrine de l’antagonisme entre le travail et le capital n’a pas pris pied dans la population
ouvrière. Les rapports entre patrons et ouvriers sont en général satisfaisants. Très rares Sont ici les
cas où une entreprise industrielle a conduit à une fortune rapide. Toute accusation d’exploitation du
travailleur au profit du capital serait absolument dénuée de fondement en fait. Aussi les efforts des
associations ouvrières ont-ils eu jusqu’ici en vue, non des utopies,., mais des intérêts pratiques immédiats
et l’élévation du niveau de l’instruction. Et il y a tout heu de croire que ces bonnès et saines tendances
continueront à prévaloir, car le gouvernement et les états ont à coeur de travailler activement à l’amélioration
du sort des ouvriers.
On pourrait croire que les distinctions de classe sont fortement marquées dans un pays qui, presque
seul en Europe, a maintenu la division de la représentation nationale en quatre ordres. Il n’en est cependant
rien. Dans la première moitié de ce siècle, la noblesse de naissance conservait encore quelques
prétentions à la préséance dans les relations sociales. Mais les courants vivifiants qui ont régné dans
l’atmosphère politique et sociale depuis l’inauguration de l’ère des réformes ont chassé jusqu’aux derniers
restes d’un esprit de caste aristocratique.
Et il faut ajouter que la disparition des distinctions de caste n’a pas été suivie, comme dans tant
de pays, par une scission marquée en «classe supérieure» et «classe inférieure». Le nombre des grandes
fortunes est relativement faible, et il n’y a rien de plus rare en Finlande qu’un luxe provocateur dans
les habitudes de la vie. Les progrès qu’a faits l’usage de la langue finnoise dans les classes cultivées
ont aussi contribué pour leur part à l’effacement des distinctions sociales. Dans l’application de plus en
plus conséquente du principe de Xégalité des droits, qu’il ne faut pas confondre avec la dangereuse utopie
du nivellement social, la loi a marché de conserve avec le sentiment public. Ajoutons que l’esprit d’association,
très répandu dans la Finlande d’aujourd’hui, et qui s’y exerce dans les buts les plus divers,
matériels et intellectuels, contribue à rapprocher les différentes classes de la population.
La philanthropie, tout en poursuivant son but principal, le soulagement de la misère, s’est proposé
aussi d’autres objets. Philanthropique au premier chef est certes l’oeuvre des nombreuses sociétés de
tempérance qui travaillent par la parole et par l’exemple à combattre l’abus des boissons. Maintenant
que la réforme du code pénal est accomplie, la «Société des prisons» pourra poursuivre dans une mesure
plus étendue ses efforts pour faire des prisonniers libérés d’utiles membres de la société. Des associations
comme «Les amis des aveugles» et la «Société de secours aux estropiés» ont pour objet de mettre
leurs protégés en état de gagner leur vie par leur travail. — Mais il faut borner là cette énumération.
La haute mission de la femme comme gardienne du foyer et éducatrice des forces vives de la nation,
ne l’exclut nullement de la participation à l’activité philanthropique de la société. Mais en outre les
femmes de notre pays se sont vu ouvrir bien des carrières. Dans les affaires, dans les bureaux de l’administration,
dans la littérature, dans les arts et surtout dans l’enseignement, la femme est devenue l’émule
de l’homme. Les avis peuvent 'différer,sur certaines opinions soutenues dans des associations pour la
revendication des droits de la femme. Il n’en est pas moins vrai que tout observateur impartial doit
considérer l’affranchissement des femmes de notre pays des liens étroits où les retenaient les préjugés
d’un autre temps, comme une réjouissante manifestation du progrès social et comme un précieux renfort
apporté aux forces intelligentes de la nâtion.