III. APERÇU POLITIQUE.
LA RÉUNION DE LA FINLANDE A LA RUSSIE.
Le dix-neuvième siècle ne faisait guère que de commencer quand éclata une guerre qui devait
amener un changement radical dans la situation politique de la Finlande
Jusqu’à Pierre le Grand, la puissance suédoise établie en Finlande au 12« et au 13c siècle avait
victorieusement résisté aux efforts d’agrandissement de l’empire russe de ce côté. Mais la grande guerre
du nord se termina par la défaite des armes suédoises: la paix de Nystad, en 1721, consacrait la cession:
à la Russie de la partie sud-est de la Finlande. En 1743 encore, par le traité d’Âbo, te Suède dut consentir
au 1 etrait de sa frontière jusqu au Kymmene. Gustave III ne réussit pas, par la guerre de 1788.
à rien regagner de ce qui avait été perdu.
Quand, en 1808, les troupes russes franchirent la frontière, elles ne rencontrèrent d’abord, presque
aucune résistance. En quelques semaines elles avaient pénétré, au sud, jusqu’à Âbo, au nord-ouest, très
avant dans l’Ostrobothnie; en effet, le commandant en chef de l’armée, süédoise-finlandaise, Küngspor,
n’avait cessé de commander la retraite. - Eé: 3 mai la redoutable forteresse de Sveaborg capitulait. L ’issue
de la guerre paraissait déjà certaine. Cependant lés troupes de défense s'étaient enfin, en avril, décidées
à prendre l’offensive. Sous la conduite T A d ler creu t z, de vo n D öbeln, etc., en Ostrobothnie, de S an-
de l s , en Savolaks, elles avaient remporté les victoires de Siikajoki, de Revolaks, de Lappo, d’Alavo, du
pont de Virta, et avaient fait reculer les agresseurs. Toutefois l’armée russe, renforcée, et commandée,
du reste, elle aussi, par d’habiles généraux, finit par l’emporter. Avant la fin de l’année, les troupes
suédoises et finlandaises furent forcées d’évacuer le pays et franchirent la rivière de Torneâ pour rentrer
en Suède.
Dès le commencement de la guerre, l’empereur A lexan d re Ier avait fait connaître son intention
de conquérir toute la Finlande suédoise. On voit par le manifeste adressé au peuple russe en date du
20 mars (vieux style) 1808 et par un communiqué envoyé peu auparavant aux puissances étrangères, que
l’Empereur s’était représenté alors comme résultat de la guerre l’incorporation de la Finlande à l’État
russe. Ce plan se modifia au cours de la guerre. Dans un manifeste au peuple finlandais du 5 juin
1808, l’Empereur déclarait que les anciennes lois du pays seraient saintement maintenues. Après cela
il délivra l’ordre de procéder à l’élection de députés des quatre ordres pour fournir des renseignements
sur l’état du pays et pour se prononcer sur les moyens d’alléger de lourdes charges. Cet ordre fut
accueilli partout avec réserve; en bien des endroits,, il ne fut pas suivi d’effet. La cause principale en
était que d’après les lois du pays, que le conquérant avait promis de maintenir, une pareille députation
n’était pas compétente pour interpréter les désirs et les besoins du peuple. Une autre circonstance qui
contribuait sans doute au peu d’empressement à voter, c’était que la guerre continuait avec des fortunes
diverses et qüe l’on ne pouvait par-conséquent pàs encore considérer le conquérant comme le souverain
légitime.
L ’invitation au scrutin fut renouvelée, accompagnée cette fois de la déclaration que la députation
n’aurait point la mission d’une diète; les élections s’achevèrent. Lorsque les députés, auxquels les électeurs
avaient enjoint, par des instructions spéciales, de veiller à la stricte observation des lois, arrivèrent
à Saint-Pétersbourg à la fin de l’automne, l’occupation du pays était accomplie de fait et ne laissait plus
aucun doute sur l’issue de la guerre. Le premier acte des députés finlandais fut de remettre à l’Empereur
un mémoire contenant un bref exposé des stipulations de la
constitution suédoise-finlandâisè au sujet de la diète comme représentation
du - peuple. En même temps qu’ils déclaraient qu’en vertu de
ces stipulations ils n’avaiént pas qualité pour prendre part à des
délibérations réservées à la diète, les députés représentaient au Monarque
la nécessité «d’ordoimer une assemblée générale des États,
dans le pays, pour entendre la voix de la nation en de tels sujets
qui concernent le bien et les intérêts de tous».
Ces représentations obtinrent l’approbation de l’Empereur. La
députation ne tarda pas à recevoir communication du fait que'Sa
Majesté l’Empereur avait décidé «qu’une diète serait réunie aussi tôt
que faire se pourrait». Après quelques semaines consacrées à déli-
-L>érer sur diverses mesures tendant à adoucir les maux résultant de
la guerre, les membres de la députation rentrèrent au pays en janvier
1809. La députation s’était choisi pour président le baron C a r l
Mannerheim (1759— 1837); Cet homme, qui à un patriotisme sincère Carl Mannerheim.
joignait la sagacité d’un homme d’État et le tact d’un homme du
monde, a bien mérité de sa patrie, tant par la manière dont il présida la députation finlandaise et conduisit
les négociations avec le ministère russe dés affaires étrangères, que par son attitude à la diète de
Borgâ, et, plus tard, comme membre du gouvernement finlandais.
Le 20 janvier (1er février) 1809 fut promulgué l’ordre que «conformément aux constitutions du pays,
une diète générale serait convoquée pour le dix (22) du mois de mars de cette année dans la ville de
Borgâ». — L ’empereur Alexandre se rendit en personne à Borgâ le 27 mars (n. st.) et signa le même
jour le manifeste suivant en langue russe :
«A to u s l e s h a b i t a n t s de la F in la n d e .
Nous, A le xan d r e premier, par la grâce; de Dieu, Empereur et Autocrate de toutes les Russies, etc.,
etc., etc., Grand-Duc de Finlande,, etc., etc. Savoir faisons:
Ayant, par les décrets de la Providence, pris en possession le Grand-Duché de Finlande, Nous avons
voulu, par le présent Acte, confirmer et ratifier la religion et les lois fondamentales du Pays, ainsi que
les privilèges et les droits dont chacun des ordres du Grand-Duché en particulier et tous ses habitants
en général ont joui jusqu’ici en vertu de sa constitution. Nous promettons de maintenir tous ces privilèges
et toutes ces lois fermes et inébranlables dans toute leur force. En foi de quoi Nous avons signé
cet Acte de Notre propre main. Donné à Borgâ le 15 (27) mars 1809.