signes du mouvement qui devait conduire beaucoup plus tard à l’établissement de véritables écoles primaires.
On entend dès lors exprimer des opinions qui reflètent, bien que faiblement, les nouvelles vues
des philanthropes sur l’éducation et l’enseignement, les tentatives mémorables de Pestalozzi, lés idéés de
Bell et de Lancaster sur l’instruction des masses; et ces points de vue nouveaux gagnent peu à peu du
terrain dans l’esprit des classes cultivées. Au sein même de la société finlandaise,-des .courants d’idées
commencent à sourdre, et, grossis de ces affluents venus du dehors, forment, vers 1840, un courant
d’opinion déjà puissant pour la création d’écoles primaires fixes, comme en témoignent les'journaux
du temps.
A cet égard, comme à tant d’autres, la guerre de Crimée forme la limite entre deux époques. Dans la
note dont l’Empereur Alexandre II donna lecture en séance du Sénat de Finlande le 24 mars 1856, et qui contenait
le programme des réformes les plus urgentes (voir plus haut, p. 99), il était enjoint au Sénat par l’article
3 «d’élaborer un projet tendant à faciliter l’organisation d’écoles pour l’instruction du peuple dans les
communes rurales». Ce point répondait, comme nous venons de le voir, aux voeux déjà conçus et
exprimés par la partie la plus éclairée de l’opinion publique.
La parole Impériale était donnée: on peut compter de ce
jour le commencement de la nouvelle école primaire en
Finlande.
Les chapitres furent consultés d’abord, mais l’école
primaire telle qu’ils la proposèrent n’était qu’un établissement
préparatoire au cours d’instruction religieuse. L ’opinion
publique avait déjà dépassé ce point-là. Une des
plus sévères critiques du projet présenté par les chapitres
fut prononcée par l’homme qui mérita plus tard le nom
de «père de l’école primaire finlandaise».
U no C yg n a e u s naquit à Tavastehus le 12 octobre 1810.
Ses études et les commencements de sa carrière furent
de nature à lui donner à tous égards la préparation qu’il
fallait à l’oeuvre qu’il devait accomplir. Il commença à
étudier les sciences naturelles pour devenir médecin, puis,,
ses idées changeant de direction, il embrassa la carrière
pastorale. Il fut appelé à quitter sa patrie pour l’île de
U n o C y g n a e u s . Sitka, ou, pendant les cinq ans qu’il y passa comme pasteur
de ses compatriotes au service de la Compagnie russo-
américaine (1840— 1845), ü se trouva en relations avec des personnes d’origine et de culture très diverses.
A son retour, il fut nommé inspecteur de l’éçole de la paroisse finlandaise à Saint-Pétersbourg. La colonie
finlandaise de Saint-Pétersbourg, qui se recrute surtout dans les rangs des ouvriers de toutes lés parties
de la Finlande, lui fournit de riches matériaux pour apprendre à connaître l’état de l’instruction du peuple
de son pays; ses fonctions développèrent en lui les qualités nécessaires pour organiser et diriger tout un
ensemble d’écoles; enfin, la fréquentation dés professeurs allemands établis à "Saint-Pétersbourg le mit
au courant de la pédagogie allemande, où il trouva, mais surtout dans la lecture des écrits de Pestalozzi,
de Diesterweg et de Froebel, la réponse à bien des questions qu’il s’était posées au cours de ses méditations.
Il était de nature porté aux idées élevées, aux vues larges; avec beaucoup de sensibilité, il
possédait une volonté tenace, énergique; ces qualités, jointes à sa foi inébranlable en sa cause, lui donnèrent
la force nécessaire à l’accomplissement de l’oeuvre difficile à laquelle il fut appelé alors.
Lorsque les observations auxquelles avait donné lieu le projet des chapitres parvinrent au Sénat,
la brochure de Cygnaeus fixa aussitôt l’attention. Et les premières mesures décisives prises par le gouvernement
furent presque de tous points celles que proposait cette brochure. Une grande part de mérite
à cet égard et dans la conduite ultérieure de la question de l’école primaire révient au sénateur H. V.
, ü
F uruhjelm, alors chef de la section des cultes et de l’instruction publique. Le 19 avril 1858 fut publié
un manifeste établissant les bases du nouvel enseignement primaire, et Cygnaeus fut chargé d’étudier en
détail, par des voyages dans le pays et à l’étranger, l’état de l’instruction du peuple. Dans son voyage
à l’étranger, qui dura une année, Cygnaeus visita surtout les pays Scandinaves, l’Allemagne et la Suisse;
il y trouva la confirmation des principes pédagogiques que ses précédentes études lui avaient inspirés.
Ce fut pourtant en vain qu’il poursuivit la réalisation de son idée favorite: l’emploi des travaux manuels
comme moyen d’éducation formelle dans les ■ écoles. Pénétré des impressions reçues principalement des
écoles primaires de la Suisse, Cygnaeus rédigea à son retour, sur l’ordre du gouvernement, un projet
complet d’Organisation de l’enseignement primaire en Finlande, et, avant même que son projet eût été
l’objet d’aucune décision, il fut nommé inspecteur en chef des écoles primaires. Le gouvernement nomma,
pour examiner le projet de Cygnaeus, un comité, qui comptait parmi ses membres plusieurs hommes
éminents. Soumis à une étude minutieuse par ce comité, puis, pendant plusieurs années, à la critique
des journaux, de brochures Spéciales et enfin du gouvernement lui-même, le projet de Cygnaeus sortit
de cette épreuve victorieux sur tous les points essentiels. Le premier résultat en fut l’institution en
1863 de l’école normale d’instituteurs et d’institutrices de Jyvâskylâ, organisée d’après les principes de
Cygnaeus et dont il fut le premier directeur.- Le second résultat fut la promulgation d’une loi sur
l’instruction primaire, dont
les principaux traits étaient
empruntés à ce projet, bien
que l’avis d’autres personnes
aussi y eût été. mis à profit.
Dix ans après la mémorable
séance du Sénat, Alexandre
II put ratifier cette loi,
qui fut promulguée le 11
mai 18 66.
• Il fut donné à Cygnaeus
d’ordonner et 'de diriger
lui-même les affaires
d e -l’enseignement primaire
pendant plus de vingt ans,
et de voir s’affermir de plus en plus. dans l’appréciation et les sympathies du public l’oeuvre à laquelle
il avait voué ses forces et sa vie. Il mourut, universellement regretté, le 2 janvier 1888. Les instituteurs
et institutrices primaires ont élevé un monument sur sa tombe.
«Tels maîtres, telle école», 'voilà l’idée mère et le point de départ de toute l’organisation scolaire
de Cygnaeus. Aussi consulta-t-il pour l’institution des écoles normales les meilleurs modèles que pouvait
fournir l’Europe. Le cours d’études y est de quatre années; à chaque école normale est attachée une
école primaire modèle, servant aux exercices pratiques des jeunes instituteurs et institutrices. Ces
établissements sont des internats, mais avec les modifications que c'omportent les conditions spéciales du
pays. Un trait particulier aux écoles normales finlandaisés est la part qui y est faite à l'enseignement
des travaux manuels et des industries domestiques («sloejd»); celles-ci y sont enseignées par un professeur
spécial et y ont leurs ateliers et leurs contremaîtres. On a gagné une plus grande concentration de
forces et plusieurs autres avantages par la réunion dans le même lieu, sous la même direction et en
grande partie avec le même personnel enseignant, d’une école normale d’instituteurs et d’institutrices.
C’est sur ce principe que sont organisées les écoles normales de Jyvâskylâ et de Sordavala, cette dernière
fondée en 1880, toutes deux destinées aux populations de langue finnoise. Une semblable école «double»
avec son école primaire modèle a pour personnel enseignant un directeur, une directrice, et 16 ou 17
professeurs, dont 6 femmes. Le nombre des élèves était, en 1891— 92, dans l’école normale de Jyvâskylâ,