une troupe, mais seulement comme une sous-division du Cercle finnois de Helsingfors et parmi ses membres;
aidée quelquefois du concours d’artistes distingués, comme Madame Raa et Mlle Ida Basilier, la
cantatrice, cette troupe donna une série de représentations dramatiques et lyriques. Mais au printemps
de 1872 le théâtre finnois permanent fut fondé de fait: des actions furent émises et facilement placées
dans le public, on nomma une direction, on engagea des sujets — six acteurs et six actrices — dont
une partie avaient appartenu à une école dramatique établie par l’acteur suédois Westermarck et qui
avait aussi admis des pièces finnoises dans son répertoire. On plaça à la tête de l’entreprise un homme
à l’initiative duquel on devait la représentation de «Lea» et qui avait dirigé les jeux scéniques du Cercle
finnois: le docteur K a a r l o B e r g b o m . Ses études, ses écrits et son chaleureux intérêt pour le théâtre
le désignaient pour ce poste de préférence à tout autre.
La troupe finnoise donna sa première représentation à Bjôrnéborg le 13 octobre 1872, puis, après
s’être exercée encore quelques mois dans les villes de province, elle joua à Helsingfors au printemps
de 1873.
Dans l’automne de la même année, un nouvel élément vint donner à l’activité des amis du théâtre
finnois une direction inattendue. La présence à Helsingfors de quelques chanteurs et cantatrices de talent
suggéra la pensée de joindre à la scène parlée une troupe lyrique; en dépit des difficultés qu’elle présentait,
la réalisation de cette idée ne se fit pas attendre. Sous peu on eut un «opéra finnois», qui
excita encore plus d’intérêt que la scène parlée. Sous l’excellente direction du docteur Bergbom et avec
un personnel comprenant quelques-uns des talents lyriques les plus distingués- que la Finlande ait eus —
Emmy Strômer, Ida Basilier, Aima Fohstrôm, Bruno Holm — l’Opéra finnois fournit une carrière brillante
de six années, après quoi des difficultés pécuniaires obligèrent de renoncer à l’entreprise. Ces six années
avaient fait beaucoup pour la musique en Finlande — on avait représenté vingt-six opéras, dont
plusieurs des plus célèbres; Faust avait été donné cinquante fois. Mais l’Opéra finnois avait en outre
apporté un puissant appui à la cause de l’art scénique finnois en général et avait justifié aux yeux du
public suédois de Helsingfors l’oeuvre dramatique entreprise dans le camp finnois.
L’histoire de la scène dramatique finnoise n’est pas fertile en incidents extérieurs. Une partie de
l’année dans la capitale, l’autre en province, quelquefois à Pétersbourg — la vie d’une troupe ambulante
avec toutes ses peines, mais aussi avec la compensation d’accomplir une noble mission, d’ouvrir une voie
toute nouvelle à l’amour de la poésie et de l’art national. Tant que l’Opéra exista, la troupe de drame
travaillait plutôt en province que dans la capitale. Maintenant elle tend à devenir de plus en plus
sédentaire.
Mais sa vie intérieure n’en a été que plus riche.
Récemment, lorsque le Théâtre finnois fêta le vingtième anniversaire de sa création, ses membres
et ses amis purent vraiment jeter un regard d’orgueil sur le travail accompli. Qu’on se représente ce
que c’est que de créer une scène nationale pour un peuple dont la civilisation est si jeune que la nôtre,
qui n’a aucunes traditions artistiques, dont la langue n’a commencé que récemment à se former aux
nécessités d’une haute culture intellectuelle et dont la littérature n’offre absolument pas de quoi constituer
un répertoire, pas même en traductions.
Malgré l’influence peu éducatrice d’une vie errante et en dépit d’autres difficultés et de bien des
traverses — plusieurs des meilleurs sujets ont été enlevés par la mort en pleine activité — on peut dire
que le jeu de la troupe finnoise est actuellement de nature à satisfaire pleinement des exigences toujours
croissantes. Ce jeu s’est élevé quelquefois au niveau du grand art: une actrice, Id a A a l b e r g (née en
1858), dont le talent s’est développé dans cette troupe et qui compte maintenant parmi les plus grands
artistes dramatiques du Nord, a tenu les rôles les plus divers dans des pièces indigènes et étrangères,
classiques et modernes, dans le grand et le petit répertoire, et partout elle a victorieusement prouvé que
le talent dramatique n’a point du tout été refusé, comme on est si porté à le croire, à notre peuple
calme et peu expansif. L’art d’Ida Aalberg est ardent et passionné, souple et sûr de lui; il a sa source
dans l’âme plutôt qu’il ne réside dans les moyens extérieurs. Parmi ses nombreuses et inoubliables