en remontant à son origine; les chants de l’autre groupe commencent par mentionner quelque personnage
biblique frappé par un pareil malheur. Ces chants, ou plutôt cette sorte d’effusions oratoires en vers,
n’ont pas grande valeur poétique; en revanche, ils sont d’un intérêt tout particulier pour le folklore.
La collection des proverbes imprimés jusqu’ici (environ 7,700) ne contient certainement pas la moitié
de ceux qu’on a déjà notés; elle n’en constitue pas moins une source excellente pour quiconque désire
étudier les idées et les réflexions du peuple finnois sur tout ce qui rentrait dans son expérience. . On
trouvera la même utilité dans la collection des énigmes qu’il est d’usage, dans les campagnes finnoises,
de poser et de résoudre pour abréger les longues veillées d’hiver au coin du feu.
Il va sans dire que les contes en prose doivent abonder chez un peuple poétiquement doué comme
le finnois. En effet, la littérature populaire finnoise possède en ce genre des richesses inépuisables;
toutefois, l’originalité de ces contes consiste surtout dans la manière dont le motif est mis en oeuvre,
car la plupart des sujets; se retrouvent chez presque toutes lès nations. Ce qui leur donne un intérêt
tout spécial pour le savant, c’est que les Finnois ont reçu des contes à la fois de Russie et -de Scandinavie
et qu’ils ont tiré de leur fusion de nouvellés combinaisons, en même temps qu’ils ont conservé
une foule de traits disparus des fictions de leurs voisins. Le recueil de . contes rédigé par Eero Salme-
lainen a un très grand mérite littéraire; grâce à lui, le public a entre les mains un livre dont la prose
parfaitement naturelle est un modèle de langue et de diction.
L apparition du Kalevala était d’une inestimable valeur pouf le mouvement national qui avait amené
la création de la Société de littérature finnoisé et qui avait été entretenu et nourri par l’épopée populaire
de Runeberg «Les chasseurs d’élans». A un peuple dont l’histoire obscure n’était pas écrite, le Kalevala
donnait un passé indépendant, éclairé par la poésie, et en même temps lui inspirait la foi dans un avenir
historique. On se répétait avec enthousiasme qu’un peuple qui a produit un pareil poème ne peut pas
être destiné à périr, qu’il a droit à une place à côté des autres nations. Chez les jeunes surtout, le
Kalevala et toute cette riche poésie éveillait l’ardeur au travail et la confiance en -soi, et non sans causé,
car bientôt le verdict des savants étrangers vint confirmer le prix qu’on y mettait dans le pays, et auquel
le coeur aurait pu avoir trop de part.
Quelque profonde et quelque générale qu’ait été l’impulsion reçue, il ne suffisait cependant pas que
la conscience de soi-même et l’aspiration à une civilisation nationale fût éveillée, pour qu’une littérature
finnoise pût naître tout d un coup. Il faut compter jusque vers 1860 le temps de préparation qui dut
s’écouler avant que des écrivains produisissent en finnois des oeuvres d’une valeur durable. Grâce à la
situation respective faite aux deux langues par les conditions historiques, toute la littérature même qui
dut son origine àu Kalevala pendant la première trentaine d’années fut en langue suédoise. Lônnrot
seul publia en finnois des études de folklore dans une revue qu’il rédigeait, le Mehilâinen (L’abeille).
Rappelons en passant que la première édition de l’Histoire de Finlande de J. F. Kajaani, excellent ouvrage,
qui garda le premier rang pendant trente ans, parut sous les auspices de cette revue. Cependant Lônn-
rot rendait par ses écrits finnois un double service, car c’est par eux qu’il fixa la langue littéraire en
fusionnant les dialectes oriental et occidental. Bientôt d’autres écrivains se joignirent à lui et cherchèrent
à éveiller et à satisfaire le besoin de lecture dans les populations finnoises en composant ou en traduisant
des ouvrages à la portée du peuple. Un autre élément vint contribuer au succès de ces efforts: un
réveil religieux sorti du sein du peuple et bientôt accueilli par un grand nombre des pasteurs les plus
éminents. Ces pasteurs, en relations directes et constantes avec les classes populaires, s’appliquèrent à
écrire et à prêcher en un finnois pur, châtié. Plus tard, quand ce réveil religieux eut perdu sa première
rigueur, il en resta chez les masses l’habitude de l’activité spirituelle, et çonséquemment un assez vif
intérêt pour la lecture et la culture intellectuelle; cette circonstance, nous le verrons plus loin, favorisa
puissamment le développement de la littérature.
Les productions originales les plus remarquables appartiennent à la poésie lyrique et au drame.
En même temps que renaissait l’ancienne poésie, et sous son influence, s’épanouissait une nouvelle poésie
populaire, qui fut appréciée même en dehors des rangs du peuple. Semblable à l’ancienne par la forme,
elle en diffère totalement-par le contenu et le caractère. Les nouveaux poètes populaires, dont le plus
célèbre est P a a v o K o rh o n e n (17 75— 1840), traitent de préférence les questions du jour, qu’elles soient
d’intérêt local ou général. Un fonctionnaire civil ou ecclésiastique s’est-il rendu digne d’éloge ou de
blâme? un événement peu ordinaire est-il survenu? oublie-t-on de bonnes vieilles coutumes ou veut-on
en introduire de dangereuses dans le peuple? voilà autant de motifs pour les chants, souvent improvisés,
du poète. Il traite son sujet tantôt sérieusement, tantôt plaisamment, mais le plus souvent avec beaucoup
de verve satiriqqe. On voit donc que le temps est passé de la poésie naïve, qu’avec les motifs
nouveaux, le ton a
changé. Les nouvelles
productions de la
muse populaire ne
sont pas comparables
aux anciennes pour la
beauté poétique, mais
elles ont, elles aussi;
une grande valëür
comme révélation df|
ce qùi sè; passe dàns l
l’âme du peuple. Les
chansons, entre autres,
sur la Société de littérature
finnoise ou à
elle adressées, celles
Sur la position inférieure
faite à la langue
finnoisé, et bien
d’autres, sont un écho
des voix qui avaient
commencé à se faire
entendre dans les classes
supérieures pour
exhorter à travailler à une littérature en langue finnoise. Ces poésies se répandaient dans les campagnes, soit
de bouche en bouche, soit par des copies manuscrites. Lônnrot lui-même publia une collection des poésies
de Korhonen (Korhosen runot, 1848); plus tard a paru une anthologie contenant des oeuvres de non
moins de dix-huit poètes du peuple, dont le plus ancien est ce même Korhonen et dont le plus jeune
est né en 1835. Nommons encore parmi les plus connus L y y t in e n , Makkon en , K ymâlâin en et P u h a k k a .
Il faut noter comme un fait caractéristique des temps que la naissance de cette poésie populaire paraît
s’être produite à l’époque où Judén déployait sa plus grande activité littéraire et qu’elle a commencé à
s’éteindre depuis que, vers 1860, les journaux se répandirent davantage dans les demeures des paysans.
En même temps que ces poètes restés dans les rangs du peuple, l’on voit se produire des écrivains
plus ou moins bien doués, qui revêtent leurs effusions lyriques de la prosodie moderne: plusieurs
d’entre eux appartenaient à l’état ecclésiastique. A peu d’exceptions près, les poètes de ce groupe se
contentèrent de publier leurs ouvrages dans les journaux; aussi n’en parlons-nous ici que pour rappeler