Pour ce qui concerne les revues, on en peut signaler une dizaine depuis la Mnemosyne jusque vers
1845, mais une seule, une revue religieuse, vécut plus de quatre ans. Toutefois, il faut mentionner le
Evangeliskt Veckoblad (1839— 1841) de L a r s S t e n b à c k et le Mehilàinen (1836— 1837, 1839— 1840) d’EuAS
L ô n n r o t , la première revue littéraire rédigée en finnois.
Vers 1845 un jour nouveau semble se lever pour la presse finlandaise. Alors paraît sur l’arène de
la publicité un champion tel qu’on n’en avait pas encore vu: J o h a n V ilh e lm S n e l lm a n . Il s’était préparé
à sa tâche par des voyages en pays étrangers et par
l’étude des conditions où vivaient ces pays. Il avait
été en relations actives avec les cercles libéraux de
la Suède et avait même été quelque temps au service
de la presse suédoise. Entre autres écrits, il avait
publié «La théorie de l’Etat» (voir p. 231). Il
voulait maintenant travailler pour son pays dans le
sens des principes qu’il exposait dans cet ouvrage
et en particulier de celui que la durée d’un Etat
«est en proportion du développement de l’esprit
national». La carrière universitaire lui fut bientôt
fermée, comme elle l’avait été à Arwidsson. Il postula
alors et obtint la place de recteur du lycée de Kuopio;
c’est là qu’il commença en 1844 la publication
des journaux hebdomadaires le Saima en suédois et
le Maamiehen ystàvà (L’ami du cultivateur) en finnois.
Il laissa bientôt ce dernier en d’autres mains, mais
un peu plus tard il augmenta le Saima d’un supplément
littéraire.
Dans ce journal, Snellman éleva la voix pour
exposer nos défauts et nos vices ; il attaqua par là
satire l’esprit étroit de notre bourgeoisie, il flétrit sans
miséricorde notre aveugle satisfaction de nous-mêmes,
il réveilla dans les classes cultivées le souci des grandes
questions de l’époque et des intérêts de la patrie
et principalement le sentiment de leur solidarité avec
la masse du peuple et de leur devoir de travailler au
bien de ce peuple. Il ne pouvait pas être permis
alors d’agiter des questions politiques ou constitutionnelles
au sens étroit du terme. Mais il y avait bien
d’autres domaines ¡H- la littérature, l’activité scientifique
à l’Université, le système scolaire, l’industrie,
l’agriculture, le commerce — où l’on pouvait ramener
la vie et où les forces latentes de la nation pouvaient
trouver l’occasion de se déployer.
s q u a r e d e S n e l lm a n , à K u o p io ..
Il était naturel que le langage souvent peu contenu du Saima éveillât des susceptibilités, surtout en
un temps où, par manque d’habitude, on était d’une sensibilité excessive à tout ce qui ressemblât à un
blâme publiquement exprimé. Les vieillards et les sages branlaient la tête aux hardiesses du Saima.
Chez les jeunes, au contraire, elles allumaient un enthousiasme qui ne fut pas toujours éphémère. Mais
le Saima avait surtout contre lui le fait que toutes ses tendances étaient en opposition avec les. principes
gouvernementaux d’alors, tels surtout que les appliquait le prince Menschikoff, gouverneur général.
Toute la politique du prince Menschikoff était la loi du silence: la Finlande ne devait pas se faire
IX. LA PRESSE PÉRIODIQUE. 323
entendre, ni en bien, ni en mal. Aussi toute l’existence du Saima fut-elle une lutte sans trêve contre
la censure, jusqu’à ce qu’enfin il fut supprimé en 1846.
Indomptable, Snellman fonda dès l’année suivante une revue mensuelle sous le titre de Litteraturblad
fo r allmàn medborgerlig bildning (Feuille littéraire pour l’instruction générale); elle parut jusqu’en 1863,
d’abord à Kuopio, ensuite à Helsingfors, où Snellman s’était établi. Cette revue fut un avant-coureur
dans son genre, comme le Saima l’avait-été dans le sien. Snellman y traita, de façon à réveiller l’intérêt
et avec beaucoup d’éclat, des questions littéraires, sociales, politiques, économiques concernant le pays
et l’étranger.
La suppression du Saima fut le prélude d’une série de mesures répressives infligées à la presse et
provoquées par l’esprit ombrageux qui régna dans les sphères gouvernementales entre 1840 et 1850 et
qui atteignit son paroxysme après les mouvements révolutionnairês de 1848, bien que notre pays y fût
resté totalement étranger. Les journaux finnois surtout furent durement frappés. A la voix puissante
de Snellman, on avait tenté au moins de fonder quelques journaux finnois, mais l’un après l’autre subit
le sort du Saima. Ainsi le Kanava, publié à Viborg par P. H a n n ik a in e n (1845*^1847), le Suomalainen
(1846) et le Suomi (1847— 1849), par 0 . A. G o t t l u n d . Et en 1850 fut rendue cette ordonnance inouïe
que rien ne pourrait être imprimé en finnois- qui n’eût trait à la religion ou à l’économie domestique.
C’était un coup de mort porté à la partie: de la presse qui s’adressait
à la majorité de la nation; mais le mouvement qu’on voulait étouffer
était déjà trop puissant pour qu’on pût ainsi s’en rendre maître.
En 1847 une nouvelle feuille hebdomadaire de langue finnoise, le
Suometar, s’était fondée à Helsingfors sous des auspices favorables. Elle
était rédigée par quatre étudiants, au nombre desquels étaient P. Tik-
k a n e n et A u g . A h l q v i s t . Après l’ordonnance de 1850, la feuille paraissait
expirante, mais elle fut-pourtant soutenue. Et en 1851 on osa
même fonder à Àbo un nouveau journal hebdomadaire, 1 e Sanomia Tu-
rusta, qui, lui aussi, réussit à se maintenir, habilement rédigé plus tard
par G. E. E u r é n .
Ensuite les événements vinrent en aide à la presse opprimée,
La guerre d’Orient éveilla à un degré inconnu jusqu’alors le besoin
¿ ’informations chez le peuple, et le Suometar qui, en 1851, avait cent
abonnés, atteignit, grâce à l’énergique direction de Tikkanen et de F. R o b e r t L a ° - e rb o r g .
P o l è n , à un tirage de 2,000 en 1854 et de 4,000 en 1856. Le système
de bâillonnement était impossible à maintenir; la preuve la plus éclatante de son impuissance paraît dans
le fait que le gouvernement, pour faire contrepoids à l’influence croissante du Suometar, fonda lui-même
en 1857 un journal officiel en finnois* le Suomen julkisia sanomia, actuellement nommé Suomalainen
virallinen lehti.
La presse de langue Suédoise eut aussi à cette époque à lutter contre la censure et d’autres difficultés.
De plus en plus souvent Topelius se voyait obligé de remplacer dans son journal l’article de
fond par des vers allégoriques. Et de la petite cohorte, déjà peu nombreuse, des anciens journaux, le
Morgonbladet dut cesser de paraître en 1855, après avoir été rédigé avec verve et entrain, dans ses
dernières années, par A u g . S c h a u m a n (né en 1826). Mais la même année parut le journal Viborg, qui,
pendant six années, sous la direction entre autres de C a r l Q v i s t , plaida énergiquement la cause des
réformes libérales, i :
Ce journal fut le premier en Finlande (à l’exception toujours de la feuille officielle) qui se risqua à
paraître trois fois par semaine (1859). Bientôt (1860) les vétérans de la presse, le «Helsingfors Tidnin-
gar» et le «Àbo Underràttelser», suivirent son exemple, et bientôt on fit un pas de plus. Dès 1862, la
Finlande eut un journal indépendant quotidien, le Helsingfors Dagblad.