plaider dans des brochures et des articles de journaux pour une organisation du théâtre dans un sens
tout à fait national.
Cependant, ce qu’on avait si bien commencé au «Nouveau théâtre» ne fut continué, pendant la première
année, ni par une troupe indigène, ni même par une troupe permanente' Pierre Deland avait loué
le théâtre pour ce temps. Mais dès la seconde année, on avait organisé une troupe permanente, et une
ère d’épanouissement sembla s’ouvrir qui remplissait toutes les ëspérances qu’on avait attachées à ce
projet. Dès 1862 on vit sur la scène une des principales productions de l’art dramatique finlandais, le
«Daniel Hjort» de Wecksell, présageant qu’un grand poète dramatique était né à la Finlande; la même
année fut représenté le drame familier «Kan ej» (Impossible!) de Runeberg. . Les autres pièces du répertoire
étaient bien choisies aussi — la troupe avait débuté par «La vie est un songe» de Calderon, et les
noms de Shakespeare, de Molière, de Sheridan, de Hugo, de Ponsard se lisaient sur l’affiche. Les rôles
principaux étaient tenus par des acteurs distingués, Ô s t e r b e r g , S w a r t z et F r e j a R y b e r g ; en 1862 fut
engagé l’excellent comique F r e d r ik D e l a n d et en 1863 H j a lm a r A g a r d h , qui resta dès lprs près de
trente ans attaché à cette
scène. L ’orchestre r... .etai t
dirigé par un Finlandais,
Filip von Schantz. On
fonda une école dramatique
pour préparer la réalisation
dé l’idée d’une troupe
exclusivement finlandaise
pteiês membres de la troupe
permanente étaient Suédois,
à déüx ou trois exceptions,
près.
Ainsi donc, fin avenir
tranquille et serein paraissait
se lever pour l’art dramatique
en Finlande. Mais
toutes ces belles espérances
furent réduites à néant : dans
la nuit du 8 mai 1863, un incendie
détruisit de fond en
comble le nouveau théâtre.
néanmoins on ne se découragea pas. JLa société propriétaire du théâtre fit des efforts énergiques,
elle obtint une subvention du gouvernement, et dès l’automne de 1866 on put inaugurer un nouveau
théâtre élevé sur les ruines de l’ancien. La Troupe Âhman-Pousette avait donné, dans l’intervalle, des
représentations sur l’ancienne scène qu’on avait transférée dans un autre bâtiment, le théâtre dit d’«Arka-
dia», elle loua le nouveau théâtre pour un an. Mais au bout de ce temps une nouvelle troupe permanente
fut organisée, non plus, cette fois, par la société propriétaire du théâtre, mais par une association
dite «de garantie», basée sur des: actions réparties dans le public de Helsingfors ; cette institution subsiste
encore aujourd’hui. Les meilleurs sujets de la troupe ci-dessus entrèrént dès lors directement au service
du théâtre; c’étaient À hman lui-même, G u s t a f s s o n , M a l l a n d e r , Mlle W ib e r g et avant tout l'ex-mademoiselle
Forsman et son mari, F r it h io f R a a .
Grâce à ces ressources — auxquelles se joignit bientôt un délicieux trio, Mlles F r a n k e n f e l t ,
G r a b o w et T e n g m a r k , — et à un répertoire composé avec goût, le public dé Helsingfors put jouir, pendant
les années qui suivirent, d un art qui mérita souvent le nom de grand. Les souvenirs de ce temps
se concentrent autour du nom de Raa et des rôles qu’il créa. Grand artiste, il joignait à une conception
géniale et délicate la plus merveilleuse facilité pour y donner la forme et l’expression. Ceux même pour
qui ce n’est qu’un souvenir d’enfance que Raa dans le rôle de Gustave-Adolphe (Regina von Emmeritz),
de Daniel Hjort, de Gringoire, n’ont jamais pu oublier son jeu puissant et son merveilleux organe. Mort
en 1872, âgé de trente-deux ans seulement, cette courte carrière lui a suffi pour élever son nom si haut,
qu’aucun autre n’en approche jusqu’à présent dans l’histoire de notre scène suédoise. Il est aussi le
seul des artistes distingués de notre théâtre suédois dont le talent se soit épanoui complètement en Finlande;
c’est pour cela que sa réputation n’a pas franchi nos frontières. A ses côtés sa femme soutenait
le grand répertoire, et surtout dans les rôles tragiques, passionnés, elle déployait un talent qui ne le
cédait pas beaucoup à celui de son mari.
Depuis ce temps le Nouveau théâtre a toujours possédé une troupe permanente, suédoise de langue
et en grande partie composée d’artistes venus de Suède. L ’avantage de pouvoir ainsi recruter la troupe
parmi des sujets tout préparés a eu une influence importante sur la qualité des représentations; d’autre
part, la prépondérance de ces .éléments étrangers n’est guère de nature à encourager les talents naissant
parmi nous à risquer sur la scène leur inexpérience et leur accent provincial. Le théâtre, suédois a aussi
représenté des ouvrages plus ou moins importants d’auteurs de notre pays;; la plus remarquable de ces
oeuvres est «Les rois à Sàlamine» de Runeberg, jouée pour la première fois en 1873. Celle des oeuvres
de nos dramaturges les plus récents qui a eu le plus de succès est le drame de Karl A. Tavaststjerna
intitulé «Les affaires», représenté en 1890. — A côté des pièces parlées on a aussi donné de temps à
autre des opéras et des 'opérettes. La gérance de l’entreprise a été confiée à un intendant, généralement,
lui aussi, venu de Suède. Parmi les directeurs de la Société de garantie, il faut mentionner
N. K i s e l e f f pour le zèle avec lequel il a veillé aux intérêts du théâtre pendant près de vingt ans après
1860. Il faut rappeler aussi un dés- intendants du théâtre, l’auteur suédois H a r a l d M o l a n d e r , qui a
travaillé avec succès à obtenir un bon jeu d’ensémble et à améliorèr la mise en scène.: Par les soins
de l’administration du théâtre, le public de Helsingfors a étë mis à même d’admirer quelques-uns des
plus grands artistes dramatiques de la Scandinavie et quelques sommités étrangères; ainsi nous avons
eu des représentations de Johannes Bruun, de Betty Hennings, de Knut Almlôf, d’Ellen Hartman, de
Judic et de Coquelin. — L’acteur suédois A. L in d b é r g reprit en 1893 la direction de ,1a .scène suédoise;
il a pour successeur’ depuis cette année (1894) un homme du pays, A. A r p p e .
Le travail entrepris avec enthousiasme et poursuivi avec ardeur en faveur de la langue et de la civilisation
finnoises avait déjà, bien qu’il, ne datât pas de très loin, récolté d’amples moissons sur d’autres
terrains, avant qu’on l’étendît à l’art scénique. La pensée d’üne scène finnoise dans l’avenir n’avait pas
été tout à fait étrangère à ceux qui plaidaient la cause d’un art dramatique indigène': cette pensée, sinon
encore distinctement exprimée, se lit pourtant entre les lignes du premier article qui ait été écrit sur le
sujet d’un théâtre finlandais et qui avait pour auteur A. Meurman, alors (en 1844) âgé de dix-huit ans;
elle est plus clairement formulée par Z. Topelius dans le Helsingfors Tidningar en 1847, et e^e prend
la forme d’une réclamation positive dans un article de Fredrik Cygnaeus en 1859. Depuis 1848 d’ailleurs,
quelques pièces finnoises figuraient au répertoire des représentations d’amateurs, entre autres, et le plus
souvent, le « Silmânkâântàj â» (Le sorcier) de Hannikainen — une; comédie populaire qui introduisait sur
la scène divers animaux domestiques et dépassait en réalisme tout ce qui se fait en ce genre de nos
jours. , Toutefois ce n’est qu’en 1869 qu’on peut dire que les fondements d’une scène finnoise ont été
posés. En effet, le 10 mai de cette année-là, quelques amis du théâtre avaient organisé dans la salle du
Nouveau théâtre une représentation en finnois de la «Lea» de Kivi. Madame Raa avait consenti à tenter
la difficile entreprise dé jouer le rôle principal dans une langue qu’elle ne connaissait pas; ne comprenant
que le sens général de s.es répliques, elle apprit son rôle mot par mot et le joua aussi bien que
ses plus grands rôles tragiques en suédois. C’était là un tour de force qui associait pour toujours son
nom à la naissance du théâtre national finnois.
L’enthousiasme soulevé par la représentation de «Lea» n’était pas une impression passagère et
faisait bien présager de l’avenir de l’entreprise. Les années suivantes se passèrent en essais; on forma