L a boite (de l ’instrument) est faite de. jo u rs d e peine, Ni ne chante les tons aimables,
L e bpis en est fait de destinées funestes, Ni la galté, ni l a joie,
■ L e s cordes sont tressées de chagrins, C?est pa rce qu'il a été fait av ec du chagrin,
L e s chevilles sont faites d’infortunes. 7 Ç 'e s t qu’il n'est composé que de soucis.
Et .s i le kantele ne résonne
Ces quelques vers pourraient servir d’épigraphe à toute la poésie lyrique finnoise. La note dominante
en est la mélancolie, et la résignation en forme l’accord final. Çà et là, il est vrai, percent des
tons plus gais ; une humour de bon aloi rompt de temps en temps le sérieux ordinaire. Pourtant, même
-si l’on ne' considère que les chants tristes, on né peut pas les accuser d’uniformité. Le choix des mots
;ét des images est si riche, :si ingénieux, si naïf, le sentiment est si vrai et si spontané, que le lecteur
familier avec la langue jouit sans lassitude. Malheureusement une bonne partie de la couleur et du parfum
s’évapore à la traduction.
- Cette poésie lyrique a autre chose encore que sa beauté; elle fournit la meilleure occasion d’apprendre
a connaître le peuple dont elle est sortie. Il est difficile d’imaginer une destinée heureuse ou
malheureuse ou un état d’âme plus: ou moins accidentel qui n’y trouve son expression poétique, naturellement
dans les limites déjugé que peut éprouver et connaître un peuple vivant dans un milieu très
simple.
Nous arrêtons-nous, par exemple, aux. chants des jeunes filles? Nous en trouvons qui sont faits
pour accompagner les danses et les jeux; d’autres où la jeune fille dont le coeur est encore entier, se
vante de sa liberté ou plaisante avec des jeunes gens; quelques-uns expriment le besoin que le coeur a
de se donner, ou le regret de l’être aimé parti pour les lointains voyages, ou mort, ou infidèle; d’autres
encore où la jeune fille exprime ses sentiments quand elle doit quitter la maison paternelle pour prendre
du service chez des étrangers et obéir aux volontés d’un maître; quelques-uns enfin où elle gémit sur
les calomnies des méchants, sur la misère ou sur d’autres infortunes. En vérité, les matériaux sont si
riches qu’il ne serait pas difficile d’en composer de petites biographies commençant dès les jeux de l’enfance
et parcourant ensuite- tous les bonheurs et tous les chagrins de la vie jusqu’au repos final sous
le gazon du cimetière. Et cela aussi bien pour l’un que pour l’autre sexe. Et considérées dans leur
ensemble, ces poésies nous montrent comment génération après génération a chanté ses douleurs et ses
joies dans le pays de nos pères.
Les sujets des chants narratifs du troisième livre se rapportent à des temps très divers. Les plus
anciens ont pour thèmes des mythes; le second groupe comprend des légendes bibliques datant du moyen
âge et des ballades; le troisième a pour sujets des motifs purement historiques des temps modernes.
Parmi les ballades du moyen âge, il faut mentionner. tout particulièrement celle de La mort d’Elina:
l’épisode historique d’un tragique sinistre qui en fait le sujet mérite, par le dessin des caractères et l’effet
dramatique, d’être mis au rang des plus belles productions de ce genre de poésie. On y raconte, dans
le mode particulier à la ballade et le plus souvent en dialogues, que le chevalier Klaus Kurki épouse
la jeune Elina, mais prête l ’oreille aux calomnies de son ancienne femme de charge, Kirsti, qui ne veut
pas céder la direction de la maison et qui cherche à lui persuader qu’Elina a une intrigue amoureuse
avec Olof, le principal serviteur du château. Kirsti attire Olof, qui ne pense pas à mal, dans la chambre
d’Elina et y amène le chevalier dont elle a excité la jalousie. Aveuglé par la colère, celui-ci met le feu
au château, qui s’écroule sur la tête des innocents. Alors seulement Kurki reconnaît son erreur, s’éloigne
sur son coursier et va chercher la mort dans les flots du lac.
Quant aux chants magiques, c’est un genre de poésie populaire dont on ne trouve que des traces
insignifiantes dans les autres littératures; chez les Finnois, au contraire, ils forment une branche importante.
Comme nous l’avons dit ci-dessus, il entre de ces chants dans le Kalevala, mais le choix que
Lûnnrot en a rassemblé plus tard forme à lui seul un volume aussi gros que tout le Kalevala. Sous
le rapport de la forme, ces incantations, qu’on récitait généralement pour éloigner les maladies ou d’autres
infortunes, se divisent en deux groupes. L ’un, sans contredit le plus ancien, cherche à conjurer le mal