des caractères, on est étonné de la sûreté d’intuition avec laquelle il rend la physionomie du grand empire
absolu, soit que son récit nous conduise dans la hutte du serf, soit qu’il nous introduise dans les châteaux
de la noblesse ou auprès de Potemkin et de la czarine elle-même. Cette histoire de Nadeschda, la fille
d’un serf, qui inspire de l’amour à deux fils de prince, amour noble et généreux chez l’aîné, passionné
chez le plus jeune des frères, le poète la conduit à un dénouement heureux, grâce à .l’intervention habilement
motivée de l’impératrice, grâce aussi à ce sentiment d’humanité qui pénètre tout et qui n’est
même pas complètement absent du coeur ravagé par la passion ou glacé par la mondanité. Runëberg,
resté toujours étranger à la vie du grand monde, est noble et humain dans la peinture qu’il en fait, comme
quand il raconte la vie du peuple. Et dans le style de Nadeschda nous retrouvons les mêmes caractères
de virilité et de douceur, de sérénité et de sympathie que dans ses oeuvres nationales. Ce même style,
nous le rencontrons encore, mais avec une couleur et dans un ton tout différents, dans «Kung Fjalar»
L e roi F ia la r.
(Le roi Fialar), poème en cinq chants,, dont la scène est aussi en pays étranger. Ici l’action nous introduit
dans deux mondes, celui des vikings de l’ancienne Scandinavie et le monde imaginaire d’Ossian,
agité aussi, mais si plein de poésie et de rêverie. C’est l’histoire de Gerda, la fille de roi, que son père
expose à la mort, selon la coutume Scandinave, mais qui, sauvée et conduite à Morven, est élevée sous
le nom d’Oihonna à la cour du roi Morannal et y devient la belle jeune fille dont tous les héros voudraient
gagner 1 amour. Mais son esprit est tout occupé de la renommée de Hjalmar, le jeune roi de la
mer, que les scaldes célèbrent dans leurs chants; -et quand il vient à la tété d’une expédition de vikings,
met en déroute l’armée de Morven, et emporte Oihonna comme, sa part du butin, celle-ci se trouve être
l’épouse de son frère. En effet, Hjalmar est le fils de Fialar. Malgré le serment de son père, qui avait
juré que la paix régnerait désormais dans son royaume, le jeune héros s’était frayé la même carrière
d exploits guerriers qu’avait suivie Fialar, avant que, devenu vieux, il eût juré de faire régner la paix et
le bonheur par la puissance de sa volonté, de cette même volonté qui l’avait autrefois conduit à la gloire
par le chemin des combats. Or Oihonna est. cette enfant qu’il avait vouée à la mort, quand, au moment
où il prononçait son serment, le «voyant»; l’interprète de la volonté dès dieux, avait averti le roi de ne
pas Se vanter de sa propre puissance, mais de rapporter1 toute gloire aux dieux. Et il en est allé comme
«Döbeln à Jutas» (Récits de l'enseigne Stâl).
le prophète lavait prédit: par des moyens naturels, tirés de la vie elle-même, les dieux ont ordonné les
événements de telle sorte que Fialar, accablé sous les preuves de la puissance divine, reconnaît que
1 homme, quelles que soient sa force et son autorité, est conduit par elle et ne peut rien contre elle; et