La critique n’est pas restée neutre en face de ces différents mouvements, de ces tendances diverses.
La Feuille littéraire de Snellman ayant cessé de paraître en 1863 et la Revue littéraire* qui lui succéda,
n ayant duré que jusqu’en 1865, le «Finsk tidskrift» (Revue finlandaise), fondé *dans l’automne de 1876,
a été/depuis lors l’organe de la critique littéraire en langue suédoise; il s’est efforcé dé combattre en
même temps l’idéalisme sans naturel et le naturalisme sans idéal. C. G. E s t l a n d e r publia dans les
mêmes vues un résumé des «Opinions esthétiques de J. L. Runeberg» et un exposé du «Naturalisme
d après Zola». Jo h a n E l i a s S t r ô m b o r g (professeur de lycée, né en 1833) a fait paraître des «Notices
biographiques sur Johan Ludvig Runeberg». Gabriel Lagus a raconté dans un langage chaud et coloré
«L’histoire dé la littérature suédoise en Finlande jusqu’à Runeberg», tandis que V a l f r id V a s e n iu s (vice-
bibliothécaire de l’Université, né en 1848), après avoir fait paraître des études de biographie critique sur
Runeberg et sur Ibsen, a exposé dans un manuel bien fait le développement de la littérature de langue
suédoise en Finlande parallèlement à celle de la Suède.
Quelle direction suivra notre littérature suédoise? Les idées reprendront-elles léur empire dans les
créations de l’imagination'? La réponse à ces questions dépendra naturellement de la voie que suivra
le développement général de la civilisation, mais elle- sera déterminée aüssi par les conditions de l’état
social, en particulier par les courants qui së feront jour dans l’ânttTde la nation. Le principal serait
pourtant que de grands génies naquissent parmi' nous et prissent la direction des esprits, si la Providence,
dans ses voies insondables, voulait nous accorder ce bienfait.
C. G. E s t l a n d e r .
B. LA LITTÉRATURE FINNOISE EN FINLANDE.
A côté de la littérature de langue suédoise, une littérature finnoise s’est formée en Finlande au
cours du siècle et a atteint de notre temps une étendue et une importance correspondant au développement
g é n é r a l q u i s’est produit dans; la nation. L ’action réciproque qu’ont eue l’une s u r l’autré ces deux
littératures prouve suffisamment qu’elles Sont nées toutes deux d’un même esprit national et doivent leur
v i t a l i t é à la conscience que cet esprit national a prise de lui-même. En effet, si, d’un côté, grâce aux
circonstances historiques, la p lu s belle époque de la littérature suédoise a non seulement précédé le développement
de la littérature finnoise, mais encore a été une condition de ce développement, d’autre
part, on ne peut pas nier que le merveilleux épanouissement des lettres suédoises n’ait été en relation
directe avec la découverte de la poésie populaire finnoise.
Bien que ce ne soit que de notre temps qu’on puisse proprement parler d’une littérature finnoise,
les fondements en étaient posés il y a déjà trois siècles et demi. Le mérite en revient aux tendances
populaires de la réformation luthérienne. L ’évêque M i c h a e l A g r ic o l a (1508^1557), fils d’un pauvre
pêcheur, traduisit en finnois le Nouveau Testament (1548) et des parties de l’Ancien Testament et fit
imprimer des manuels religieux et des livres lithurgiques; non seulement il affermit ainsi la réformation
en Finlandé, mais il fut par là le créateur de la littérature finnoise. Pendant les siècles suivants, cette
littérature ne fut guère augmentée que d’ouvrages du même genre. Il n’y a d’exceptions que quelques
traductions de lois, un petit nombre d’écrits populaires de nature toute pratique, et quelques effusions
poétiques bien modestes provoquées par des événements marquants. C’est dans ces dernières que fut
employé pour la première fois en dehors des rangs du peuple Tantique mètre finnois, tandis que dans
les psaumes d Eglise là jeune langue littéraire devait se plier à une versification plus moderne. Dans
les derniers temps de la domination suédoise* on remarque un intérêt croissant pour l’étude de la langue
et de la poésie populaire finnoises, et on commence à en entrevoir l’importance. Cependant la langue
de 1 érudition restait le latin ou le suédois; c’est pour cela que des hommes comme Daniel Juslenius.