naturels peu communs («sejd»). Les Finnois, eux, ne connaissaient pas le culte des images; ils avaient
des arbres, des sources, des lacs, des rochers sacrés. Point de sacrifices: sanglants. Le père de famille
suspendait les . bois de l’élan aux branches de l’arbre sacré; la. mère répandait sur les racines quelques
gouttes du lait des troupeaux.
De cette mythologie païenne si peu sensuelle à la religion du Christ, il semblerait que le passage
dût être facile. Il n’en fut rien. Le christianisme rencontra une résistance acharnée. La raison en est
bien en partie que la religion nouvelle était imposée par lépée; mais il y, avait à cette résistance un
motif plus profond : la répugnance du païen finnois à se soumettre à un Verbe originaire se donnant
pour supérieur au sien, qu’il considérait comme le plus puissant. Une fois cette opposition domptée,
après des siècles, le peuple s’assimila si bien le christianisme qu’encore aujourd’hui il regarde avec une
défiance jalouse la moindre tentative de rien changer à la lettre de cette nouvelle parole de vie.
LE PEUPLE FINLANDAIS.
L ’histoire de la Finlande depuis 1157 a constitué le peuple finlandais tel qu’il est. Ce peuple est
un résultat de la fusion lente et continue de trois éléments originairement distincts et ennemis, dont
deux étaient collatéraux, le troisième, étranger. L ’intervention de la Providence, est visible à travers
toutes .les vicissitudes de ses destinées. Deux rejetons sauvages d’un tronc asiatique décrépit ne pouvaient
se développer sans aide et sans appui. Ils furent confiés à une nation étrangère, assez forte pour les
soutenir et les élever, pas assez pour les fouler aux pieds ou les absorber. Ils grandirent à une. rude
école; mais leur éducation fut libre et européenne. Quand il eut reçu de cette école ce qu’elle pouvait
lui donner, le peuple, uni et mûri, fut confié à un empire puissant pour marcher à d’heureux progrès et
à de nouvelles épreuves. Les grands changements politiques qui ont marqué l’histoiré de la Finlande,
sont survenus chacun en son temps avec une étonnante opportunité. Placé aux avant-postes de l’Europe,
il était nécessaire que ce peuple fût endurci par une lutte constante; mais ses destinées passées sont le
garant de son avenir. Une nation restée vivace à travers les épreuves que ce peuple a subies, ne saurait
mourir tant qu’elle aura conscience d’elle-même.
On retrouve dans tout le pays des légendes populaires qui parlent d'une race de géants; on a
voulu y voir l’indice de l’existence d’une population primitive, dès longtemps disparue. On .ne saurait
dire avec certitude quand les Finnois sont entrés dans le p.ays; il est probable que la prise de possession
s’est faite par invasions successives, au cours de plusieurs siècles, dans les premiers temps de notre ère.
Les Lapons sont venus les premiers, puis les Tavastiens, ensuite les Caréliens, enfin les Suédois.
Cependant bien des raisons portent à admettre une colonisation très ancienne d’Àland et de la côte
ouest. A l’époque de la première croisade suédoise, en 1157, de vastes contrées de l’intérieur étaient
encore des solitudes inhabitées, Quatre peuples se disputaient alors dans des combats sans trêve les
territoires de chasse, les eaux poissonneuses, les pâturages et les défrichements. Tout voisin était un
rival; les familles et les tribus faisaient des incursions armées sur les territoires les unes des. autres;
les populations côtières organisaient des expéditions maritimes ayant pour objet le pillage.
Ce que nous entendons par la nation finlandaise n’existait pas alors. Elle n’est pas fondée sur la
langue ou l’origine, c’est un produit de la tradition historique. C’est la communauté de foi, de gouvernement,
de loi et d’organisation sociale, qui donna à ces éléments discordants l’homogénéité et les rendit
solidaires dans les limites de la première frontière, fixée en 1323. Des amitiés et des inimitiés
communes, la similitude des circonstances favorables ou funestes, rendaient le secours de chacun nécessaire
à tous. Les Lapons restèrent le plus longtemps isolés; les trois autres peuples se rapprochèrent, mais
la fusion se fit si lentement qu’au seizième siècle encore Tavastiens et Caréliens faisaient des incursions
les uns chez les autres. De nos jours même; des différences de coutumes, de caractère et de langue
ont donné lieu à de vaines luttes sur la question de savoir s’il y a un ou deux peuples en Finlande.
Un'fait remarquable, c’est que lès populations suédoise et finnoise en Finlande, bien que se côtoyant
sans se mêler, comme deux courants dans un même fleuve, ne sont jamais entrées en lutte, mais qu’au
contraire elles ont toujours combattu côte à côte sous le même drapeau, aussi bien à l’intérieur qu’en
dehors des frontières- H y a eu rivalité, jamais d’oppression. L ’égalité des droits a toujours été le
fondement de la loi. C’est l’infériorité- sociale, non politique, de la majorité finnoise qui l’a écartée de
la minorité suédoise du peuple finlandais ; et le problème social que se propose notre époque, depuis
1830 environ, c’est d’arriver à aplanir cette différence de niveau.
Après avoir tf'ônquis la Finlande dans trois croisades, en 1157, en 1249 et en 1293, la Suède la
plaça, en 1362, au rang de ses anciennes provinces. Là le peuple était affranchi depuis longtemps. L ’esclavage
avait été aboli dans tout le royaume en 1335, et une tentative faite plus tard par la noblesse
pour établir la servitude, avait échoué. Des retours fâcheux' étaient inévitables à certaines époques de
grandes calamités, mais depuis plus de cinq cents ans, tout .Finlandais naît homme .libre.
La loi et l’organisation sociale de la Suède furent acceptées sans opposition dans un pays qui n’avait
encore ni lois, ni société organisée. Le peuple s’adapta à ces nouvelles formes, lés appliqua selon son
caractère propre et finit par se les assimiler complètement. L’éloignement de ce pays, sa situation isolée
pendant plus de la moitié de l’année, lui donna une sorte d’autonomie, qui devint sensible lorsque,
pendant les luttes de l’Union, le puissant évêque d’Âbo devint le véritable souverain de la province
finlandaise. --La Finlande allait alors de pair avec la Suède, comme une des deux moitiés du royaume.
Mais le besoin d’indépendance politique, la tendance au séparatisme est si peu naturelle au caractère
finlandais qu’à maintes reprises (en 1520, 1562, 1742, 1788) le peuple repoussa unanimement et avec
indignation les tentatives faites pour le rendre infidèle à son allégeance. Il a fallu toute la force d’une
nécessité historique pour, affaiblir peu à peu et rompre définitivement les liens qui l’attachaient à là Suède.
En 1293 la conquête de la Carélie avait conduit la Suède aux portes de la Russie, La Finlande
d’abord, plus tard aussi la suprématie sur la Baltique, ont été depuis lors un sujet constant de querelles
entre lés deux puissances. Il ‘en est résulté des guerres qui, avec de brefs intervalles, ont ensanglanté la
Finlande pendant cinq cents ans. Le peuple grandit au bruit des combats; il partagea avec la Suède les
victoires et les défaites; mais de génération en génération il a semé dans la cendre et moissonné dans le
sang. . De trois hommes en état de porter les armes, l’un devait servir à l’armée; aux époques de péril,
tous les. hommes étaient soldats. Enfin, .lorsque, de 1714 à 1722, le pays ravagé, réduit à la misère,
dépeuplé, était livré en proie à l’ennemi, le peuple perdit l’espoir, mais sa fidélité ne faiblit pas. La
conviction qu’un pareil état de choses ne devait pas durer, Se fit jour peu à peu. Vint la paix, qui
cicatrisa les blessures et repeupla les déserts; puis des alternatives de paix et de guerre; mais le sentiment
du devoir, le respect de la foi jurée, étaient si forts, que quand vint en 1808 le moment de la
séparation définitive, la plupart de ceux qui vivaient alors en Finlande jugèrent que tout était perdu. Ils
se trompaient. Ce ne fut qu’alors qu’il fut possible d’avancer l’édifice auquel tant de siècles avaient
travaillé en vain, tant que la Finlande était le bouclier ensanglanté de la Suède.
Elle est bien admirable, cette foi patiente, indomptable en l’avenir qui, soutenant le peuple finlandais
à travers les guerres et la misère, lui a permis, poussant sa charrue d’une main pendant que de l’autre
il devait tenir l’épée, de conquérir sans relâche des terres sur le désert. La conscience politique de la
nation avait longtemps sommeillé dans cette rude lutte pour la vie; mais elle s’était réveillée pendant la
guerre de trente ans et, un siècle plus tard, elle avait su se faire entendre dans le parlement pendant
l’ère de la liberté. Quand, en 1809, la Finlande devint partie intégrante de l’empire de Russie et
qu’Alexandre Rr déclara magnanimement qu’il l’élevait au rang des nations, ce peuple était mûr pour se
gouverner d’après ses lois constitutionnelles.. Sa situation géographique et historique entre deux puissances,
dont l’une dominait son passé, l’autre, son présent, forçait le peuple de Finlande de consacrer tous ses
efforts au développement de sa civilisation et de sa nationalité. Mais ce travail de développement