moindre sphère, a travaillé avec fruit au même but. Tout paraissait donc promettre une prompte réalisation
du désir de donner à la langue finnoise sa place légitime dans la vie intellectuelle de la nation.
Mais la seconde période, celle de 1850 à 1865, s’ouvrit au milieu de circonstances peu propres à
favoriser, l’oeuvre si bien commencée. La révolution de février avait ébranlé les sociétés européennes
jusque dans leurs fondements. A peine une dernière houle de la tempête atteignit-elle la Finlande, mais
là aussi toute tendance démocratique devint l’objet d’une surveillance rigoureuse. La presse, le droit
d’association, le travail pour l’émancipation du finnois, reçurent de rudes coups, mais la main de la réaction
ne s’appesantit peut-être nulle part plus lourdement que sur la Société de littérature finnoise.
Elle obtint bien, le 27 mars 1850, le droit d’exister, mais à de dures conditions. Il était interdit
aux étudiants, aux artisans et aux paysans d’en faire partie; ses séances ne devaient pas être annoncées;
elle devait veiller strictement à ce que rien ne pénétrât dans ses publications qui pût tomber sous le
coup de la censure, etc. Peu après fut promulguée la loi sur la censure (voir p. 103), qui ne permettait
d’imprimer en finnois que des écrits ayant pour but l’édification religieuse ou l’utilité économique. -
Mais tout durs qu’étaient les temps, la Société de littérature ne perdit pas courage. Elle dut, il
est vrai, interrompre certaines publications. Mais d’anciens ouvrages purent être réimprimés^ et la connaissance
de la poésie populaire finnoise reçut une nouvelle contribution par la collection Suomen kansan
satiija ja tarinoita (Légendes et contes du peuple finnois), rédigée par E ero S almelainen (Rudbeck),
dont les parties I— IV parurent de 1852 à 1866.
En même temps se poursuivait le travail pour la littérature scientifique. Cette époque, où l ’impress
ion d’écrits finnois était interdite, vit pourtant paraître le dictionnaire suédois-finnois d’EuROPÆUS, remarquable
pour ce temps, le Catalogue très exact de F. W. P ipping des ouvrages imprimés en finnois et
la première partie des Opéra selecta de P o rthan. Déjà en 1852, le Suomi contenait une description de
la commune de Tavastkyrô par Y rjô-K o sk in en : après bien des difficultés, la publication en finnois- de
cet article avait fini par être autorisée, et ce fait prouvait déjà l’impossibilité de maintenir la loi de 1850;
aussi fut-elle peu à peu ignorée, puis abrogée en 1860.
Alors la Société de littérature finnoise redoubla de zèle pour regagner le temps perdu, et employa
ses ressources dans différentes directions. Le dictionnaire latin-finnois de R othsten , le dictionnaire suédois
finnois d ’AHLMAN, des manuels de langues, des traités d’enseignement et des livres de lecture d’une
part, le manuel juridique de J. P h . P almén, traduit par L ônnrot, et la nouvelle traduction des lois par
G. C annelin d’autre part, constituaient des secours précieux pour l’enseignement et pour la vie civile,
et servirent de point de départ aux ouvrages du même genre publiés depuis.
La littérature populaire ne fut pas oubliée pour cela. La Société n’avait plus besoin de s’occuper
d éditer des écrits populaires, mais le «Livre de la nature», cet excellent livre de lecture de Z. T o p e l iü s ,
dont l’auteur lui avait cédé comme don le droit de publication, fut pour elle une source intarissable de
revenus (de 1860 à 1889 il en a paru 70,000 exemplaires en 9 éditions). Elle encouragea par des prix
la traduction en finnois de bons ouvrages étrangers, et prépara les voies à l’emploi du finnois sur la
scène par la publication de la collection Nàytelmistô I— IV
Les ressources qu’il fallait pour la grande extension qu’avait prise son oeuvre, la Société les trouva
surtout dans des dons volontaires (entre autres les legs de M. Blomberg, boulanger, et de M. Rabbe,
conseiller de la chambre des. comptes, s’élevant ensemble à 165,385 marcs). Depuis 1858, la Société
reçut annuellement 1,200 marcs sur la cassette privée de l’Empereur; elle obtint aussi des subsides de
l’Etat pour différentes entreprises jugées d’une importance générale. Le réveil de la vie constitutionnelle
èt les lois relatives aux langues, de 1863 et 1865, augmentèrent considérablement l’étendue de sa sphère
d’action. Elle prit l’initiative d’une souscription nationale pour une statue qui, en 1864, fut élevée à
Porthan, le premier instigateur des. revendications de la population de langue finnoise
Le commencement de la troisième période coïncide avec les dures années dé disette, qui réagirent
sur 1 activité de la nation dans tous les domaines. Vers la même époque, la question des droits respectifs
des langues suédoise et finnoise devint l’objet d’une violente lutte de partis. Mais la Société de
littérature finnoise, à laquelle il n’appartenait pas de descendre dans l’arène, poursuivit fermement la
réalisation de son programme, tout en lui donnant toujours plus d’extension.
L ’étude de la poésie populaire s’ouvre un nouveau sillon: Lônnrot publie en 1880 une collection
ayant pour titre Suomen kansan muinaisia loitsurunoja (Antiques incantations du peuple finnois), et dont
il avait rassemblé les matériaux pendant de longues années. Aussitôt après, il entreprit une nouvelle
édition du Kanteletar, mais il ne fut pas donné à l’octogénaire de l’achever. En même temps on préparait
de nouvelles recherches, qui devaient bientôt produire une riche moisson.
Sur d’autres terrains encore on avait obtenu d’importants résultats. La phonologie et la morphologie
finnoises étaient l’objet d’un grand nombre de travaux, publiés dans le Suomi; le dictionnaire finnois-
suédois de L ô n n r o t , très complet, est un beau travail lexicographique de 2,200 pages, grand in-octavo
(imprimé de 1866 à 1880) ; des’ dictionnaires usuels allemand-finnois et français-finnois furent publiés, l’un
par G od en h je lm , l’autre’ par Meurman; enfin on vit paraître des vocabulaires, des livres d’école et des
ouvrages littéraires. Les sciences historiques, jusque-là représentées par des articles du Suomi, eurent
dès lors leur organe spécial, les Archives historiques (en finnois), dont la publication fut reprise plus tard
par la S o c ié té d’histoire; V . V a s e n iu s publia un catalogue alphabétique et systématique des ouvrages
parus en finnois. La publication en finnois (1877) de la loi de 1734 avec ses annexes et les changements
qui y ont été apportés, eut un tel succès qu’il fallut en donner une nouvelle édition en 1885.
Pour- faire face à tant de dépenses, ce n’était plus assez des dons particuliers, des subventions occasionnelles
et du produit de la vente-des livres, montant à environ 10,000.marcs par an. En considération
d’une pétition unanime des états, le gouvernement alloua à la Société, en 1878, une subvention
annuelle de 10,000 marcs pour dix ans, afin de la mettre à même de poursuivre son oeuvre en faveur
de la littérature finnoise. Du 30 juin au 2 • juillet 1881, la Société célébra solennellement le 50e anniversaire
de sa fondation. A cette occasion, elle publia en finnois (plus tard aussi en français) un aperçu,
rédigé par E . G . P almén, de son oeuvre et des progrès de la cause finnoise de 1831 à 1881. Des conférences
et discussions eurent lieu à cette même occasion dans les différentes sections sur des sujets
de linguistique, d’histoire, d’ethnographie et d’archéologie; le compte-rendu en est consigné dans le
-Suomi, Ilj 15.
- Quelques renseignements enfin ¡sur la quatrième période de l’histoire de la Société de littérature
finnoise.
L ’étude de la poésie populaire, qui paraissait épuisée, a pris, avec la troisième génération de travailleurs,
une extension et un caractère nouveaux. Les chants, les mélodies populaires, les contes,
les proverbes, les énigmes, les- conjurations et les formules magiques, ont été recueillis sur toute
l’étendue du territoire des langues finnoises d’après des méthodes; bien plus exactes qu’auparavant et
avec un succès qui a dépassé les espérances. Des hommes du peuple ont pris part à ce travail : le forgeron
H eik k i Merilâinen, à Kajana, mérite une mention particulière pour son activité désintéressée et
fructueuse. Ainsi, en 1889, il avait été recueilli sous les auspices de la Société de littératiire finnoise
22,000 chants épiques, lyriques ou magiques, 13,000 contes, 40,000 proverbes, 10,000 énigmes, 2,000 mélodies
populaires et 20,000 conjurations et jeux; c’est là un folklore qui dépasse en étendue et en valeur
tout ce qu’aucun autre peuple, peut-être, peut produire en ce genre.
La science a tiré parti de cés collections dans des publications dont il sera rendu compte au chapitre
suivant, en même temps que des autres travaux de linguistique finnoise faits en partie sous les
auspices de la Société de littérature finnoise.
Un travail non moins énergique a été accompli pour mettre la civilisation finnoise en relations toujours
plus étroites avec celle du reste de l’Europe. De nouveaux dictionnaires, considérablement augmentés,
ont déjà été publiés ou sont en voie d’exécution pour les langues latine, allemande, française,
anglaise et russe. La part des belles-lettres est représentée dans ce travail par des traductions soignées
des oeuvres remarquables. — La création d’une division parallèle de langue finnoise à l’Institut agronomique
de Mustiala a nécessité la publication en finnois de manuels d’enseignement spéciaux; c’est encore