La peinture et la sculpture, au contraire, portent de bonne heure les marques de cette influence'
réciproque entre les courants d’idées et les beaux-arts.
La Finlande avait enfin acquis en R o b e r t V ilh e lm E k m a n un peintre finlandais d’un talent incontestable
et d une solide éducation artistique. Déjà avant son retour au pays, il avait subi la contagion
des préoccupations patriotiques qui s’éveillaient alors, et aussitôt arrivé, il s’empressa de mettre son pinceau
au service de ces idées. Abandonnant les sujets de genre hollandais, italiens, suédois, le vif-intérêt
que lui inspira la poésie populaire mise au jour par Lônnrot, le poussa à traiter des sujets comme: le
paysan-poète «Bengt Lyytinen récitant ses runes dans une chaumière finnoise» (1847, v. la gravure p 309)
«Greta Haapasalo jouant du kantele» (1868, à la galerie de la Société des beaux-arts), ou la grande toile
faible d’exécution, représentant Vainâmôinen charmant, comme l’Orphée des-Grecs, la nature entière par
les sons de sa lyre (1866. à la Maison des étudiants). Il avait apporté de Suède, en 1845,. une-scène
des «Chasseurs d’élans» de Runeberg; la galerie de la Société des beaux-arts possède un autre tableau
sur un motif tiré du même poème (1856, v. la gravure p. 269). ■Ekman devint un fécond peintre
d église, non par une vocation intérieure, mais pour
répondre aux demandes de tableaux d’autel que lui
adressaient les paroisses. Nos églises possèdent de
nombreuses toiles signées de lui. De 1850 à 1854, il
orna de fresques le choeur de la cathédrale d’Âbo; on
en remarque deux dont les sujets sont tirés de l’histoire
de l’Église finlandaise.
Ekman a évidemment exercé plus d’influence sur
l’art finlandais qu’Engel, mais cela tient moins à la
valeur de son oeuvre qu’au fait qu’il prouva par la pratique
la possibilité de cet art, au choix de ses sujets
et à son enseignement à l’école de dessin d’Àbo. Au
contraire d Engel, il n’avait pas la forcé nécessaire
pour maintenir son talent au point qu’il avait atteint
dans un milieu plus favorable, et il vit lui-même le
temps où sa réputation, répandue dans toute la Finlande,
pâlit devant la gloire naissante de talents plus jeunes
et plus heureux. Ekman mourut à Àbo en 1873.
La Sculpture aussi revêtit dès le commencement
chez nous une forme patriotique, bien qu’elle eût été
introduite par un étranger. Ce fut la pensée d’élever
une statue en bronze à Porthan,. «le père de l ’histoire
de Finlande», qui attira dans notre pays un jeune sculpteur suédois, C a r l E n e a s S j ô s t r a n d (né à
Stockholm en 1828). Le vif intérêt que son art éveilla ici et le désir qu’il entretenait depuis longtemps
de donner une forme plastique aux figures du Kalevala, le déterminèrent plus tard à se fixer en
Finlande (1863) - décision qui fit de lui le pionnier de la sculpture finlandaise. C’est ainsi qu’outre la
statue de Porthan, faite à Rome, il exécuta ici un «Kullervo déchirant ses langes» (1858, à la galerie de
la Société des beaux-arts), un grand bas-relief, «Le chant de Vainâmôinen- (depuis 1863 dans le vestibule
de 1 Université), une statue colossale de «Kullervo parlant à son épée» (1867. à la galerie de la Société
des beaux-arts, v. la gravure p. 306), et d’autres oeuvres sorties de la même inspiration. La facture un
peu rude, sévèrement simple, de Sjôstrand se prêtait certainement le mieux à la sculpture monumentale
ou à ces sujets héroïques tirés d’un passé légendaire.
D est évident que l’art du sculpteur, moins facilement compris et plus dispendieux, devait rencontrer
des obstacles plus grands encore que la peinture pour se frayer un chemin dans un pays comme le nôtre.
Mais l’impulsion vivifiante de l’enthousiasme patriotique contre-balançait jusqu’à un certain point la