qu’ils ont contribué pour leur part à la formation de la langue littéraire. Nous ne nommerons que K a llio
(S. G. Berg), le poète aveugle, qui surpasse les autres par la profondeur du sentiment et les qualités
du style. Les premiers essais dramatiques en finnois parurent aussi à cette époque et méritent .de nous
arrêter davantage. L ’auteur des premiers drames finnois fut un vétéran de la guerre de 1808, le major
Ja ko b F red rik L a g e r v a l l (1787— 1865); il y employa le vers épique, qui ne s’y prête pas du tout.
L’oeuvre de P et er H annikainen (né en 1813), arpenteur et publiciste, a plus de mérite. Sa petite comédie
populaire, d’une composition très simple, Le sorcier (1847), Contient quelques types de campagnards
admirablement dessinés et a prouvé bien des fois à la scène qu’elle a la faculté d’amuser le public.
En outre, Hannikainen a adapté à la Finlande, sous le titre de Antomus Putronius, la comédie du Danois
Holberg «Erasmus Montanus». Il s’est aussi essayé dans la nouvelle, non sans quelque.succès (par
exemple Les cousins). Quand plus tard, après 1870, on eut fondé un théâtre finnois permanent, le vieux
écrivain fournit à son répertoire deux ou trois comédies (Les amis d’enfance, en 4 actes). Enfin le
; pa steur A nders V a r e l iu s , qui a beaucoup éc rit en_ différents
g en re s, a publié une piè ce b u rlesqu e, Vekkuht jd Kekkuht.
Nous avons déjà dit que l’épanouissement de la littérature
finnoise date d’après 1860, c’est-à-dire de l’époque où une extension
de la liberté politique avait provoqué un réveil dans toutes
les directions. Cette Coïncidence est si naturelle qu’il n’est pas
nécessaire d’insister. Du reste, il va sans dire que l’augmentation
de la production littéraire originale est en relation directe avec la
diffusion de l’instruction dans la population finnoise par le grand
développement donné à l’enseignement primaire et par la fondation
d’établissements d’instruction supérieure; mais il se fait à côté
de cela un infatigable travail systématique tendant à fournir, soit
par des traductions, soit par des ouvrages originaux, tous les
éléments qui constituent une littérature nationale. La Société de
M a k k o n e n e t K ym â lâ in e n .
littérature finnoise a inspiré et dirigé ce travail, se posant généralement pour principe de cesser elle-même
de favoriser activement la diffusion d’une branche, aussitôt que le cercle de lecteurs es: devenu assez
considérable pour permettre à des éditeurs particuliers de se- tirer d’affaire: De cette façon, la Société
n’a pas dû se borner à satisfaire au besoin de livres populaires et de manuels d’instruction: elle a pu
éditer aussi des ouvrages destinés au public cultivé ou savant, ainsi que des productions purement littéraires.
Mentionnons, dans cette dernière b ran ch e -seulement, la publication en finnois* non seulement de
la plupart des ouvrages de Runeberg et dé Topelius, mais encore des oeuvres, des grands maîtres,
Sophocle, Shakespeare (excellente traduction de d ix drames, par P a a v o C a j a n d e r ), Goethe, Schiller,
Lessing, Molière, etc.
Lorsque, en 1881, la Société de. littérature finnoise célébra le cinquantième anniversaire de sa fondation,
elle put à bon droit jeter un coup d’oeil de satisfaction sur l’oeuvre (accomplie jusque-là; l’exposé
détaillé de cette oeuvre, publié à- cette occasion, est vraiment une,: belle page de l’histoire du progrès des
lumières en Finlande, A ce moment, E l i a s L ô n n r o t , qui avait p o s é l e s bases d e cette oe u v r e et n’avait
cessé dès lors d’y travailler, était encore aussi actif, à quatre-vingts ans, que dans, S e s jeunes années.
Parmi ses derniers ouvrages, il faut citer le premier manuel de botanique rédigé en finnois, et un grand
dictionnaire finnois-suédois; enfin il contribua largement par des psaumes originaux ,et des remaniements
d’anciens psaumes au nouveau psautier par lequel l’Église finlandaise remplaça, en 1886, celui qui servait
depuis deux cents ans: — Lônnrot avait ainsi payé une partie de la dette qu’il avait contractée envers
le. peuple finnois pour les chants recueillis sur ses lèvres. Se s obsèques furent une fête funèbre pour
le peuple tout entier; au regret de ce qui n’était plus se mêlait un sentiment de v iv e gratitude pour une
v ie -d o n t pas un jour n’avait été perdu pour la patrie; le deuil et la douleur se transformaient en espoir
et en foi dans l ’avenir.
Au moment de passer en revue les productions littéraires des trente dernières années, il est bon
de rappeler que le travail intense réclamé pour satisfaire aux besoins pour ainsi dire pratiques de la
culture intellectuelle, devait dans une certaine mesure entraver l’essor de la production originale. Il faut
noter, en effet, que les meilleurs écrivains ne crurent pas déroger en se livrant à des traductions, car il
est nécessaire, pour qu’une littérature originale se développe, que les meilleures oeuvres de la littérature
universelle soient rendues accessibles au public de langue finnoise; ainsi seulement peuvent se développer
chez, lui le sens et le goût littéraires. D’un autre côté, il est à peine besoin de faire observer que la
•••langue devait gagner énormément en précision et en souplesse par ce travail même.
■Au commencement de cette période, nous nous trouvons en présence d’un volume de vers intitulé
Étincelles. L ’auteur, A. O ksan en (A u gü st E nge lbrekt A h lq v ist , voir p. 236), était déjà connu comme
publiciste et linguiste. On savait donc d’avance qu’il ne s’agissait pas d’un dilettante, et les poésies le
prouvèrent bien en effet. Jamais la lyre finnoise n’avait rendu des sons si pleins; l’auteur se montrait
l’émule des meilleurs poètes finlandais en langue suédoise. Malheureusément Ahlqvist produisit peu
comme‘-poète. Digne successeur de E. Lônnrot et de M. A. Castrén, il consacra sa vie en première
ligne à là-philologie finnoise; la poésie, qu’il aimait beaucoup pourtant, ne venait qu’en second ordre;
En 1868, ïi publia une seconde collection d’«Étincelles», mais depuis il ne reprit que très rarement, là
lyre; aussi le volume définitif qui contient toutes ses poésies, ne compte-t-il qu’une centaine de pièces.
Mais la véritable- cause de ce petit nombre, c’est bien, après tout, le tempérament poétique d’Oksanen.
En effet, sa poésie ne crée pas de grandes figures comme celle de Runeberg; elle n’est pas non plus
doucement musicale ou brillamment éloquente comme celle de Topelius; elle se rapproche le plus du
lyrisme de Stenbâck, elle réfléchit la vie intérieure d’une âme forte, qui, d’habitude renfermée en elle-
même, ne rompt qu’ainsi cet isolement. Son style n’est pas fortement imagé, mais il ne fait jamais
douter de la sincérité et de la profondeur du sentiment. Ce qui séduit le lecteur, c’est précisément l’intensité
du sentiment rendue par une expression naturelle et juste, la souplesse et l’harmonie du style.
A cette franchise simple s’ajoute un penchant marqué à la mélancolie;, on Reconnaît bien là les traits
caractéristiques de la poésie finnoise en général. Comme trait particulier il faut signaler une certaine
rudesse d’accent qui devient facilement de l’amertume, lorsque le sujet amène l’auteur sur le terrain des
luttes du jour. Les sujets sont assez variés. La patrie, les luttes de la politique intérieure, des impressions
religieuses, les amours de jeunesse; la vie du foyer, les luttes et les expériences du coeur, tels
sont ses principaux motifs. Parmi les chants patriotiques, la première place appartient au Savolaisen
laulu (Le chant du Savolaksien). ‘ Ce chant, mis en musique par K. Collan, était dans la pensée de
l’auteur un hommage à son lieu natal; il est devenu un de nos chants patriotiques les plus populaires
après le «Vârt land» de Runeberg. Le morceau intitulé Suomen vatia (La puissance de la Finlande)
contient là plus haute expression du mouvement national en faveur de la langue du pays et de l’éveil
du peuple à la conscience de sa nationalité. Nous ne nommerons parmi les autres pièces que Kosken-
laskijan morsiamet (Les fiancées du batelier), presque aussi populaire que les précédentes. Oksanen
a puissamment contribué par l’exemple de ses poésies à' développer la langue littéraire et à en
fixer lés formes; ce mérite, il l’a augmenté encore par des traductions magistrales, surtout celle de la
Cloche de Schiller, et aussi par des- travaux de critique. Il a pris part en outre comme traducteur,
comme auteur et comme critique au long travail de renouvellement du psautier finnois.
Julius L. F. K rohn (voir p. 237) se fit connaître à peu près en même temps qu’Ahlqvist. Bien
que né de parents allemands, il s’était complètement assimilé le finnois; d’une activité aussi infatigable
que Lônnrot, il 11’a pas eu d’égal dans l’histoire de la littérature finnoise pour la diversité des dons.
En vérité, si on considère son oeuvre dans son ensemble, on y voit l ’incarnation du mouvement national