2 16 VII. LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE.
en majeure partie, dans une collection de documents connue sous le nom de «livre noir de la cathédrale
d’Àbo». Il faut se rappeler que la sphère d’action des évêques en Finlande, au moyen âge, était si
étendue, que l’exposé n’en pouvait constituer seulement un travail d’histoire ecclésiastique, mais devait
toucher à la plupart des domaines de la vie sociale.
Erik Lencqvist, Kristfried Ganander et d’autres se livrèrent à des recherches historiques sous la
direction de Porthan, mais le plus distingué de ses disciples fut Ja k o b T engstrôm (1755— 1832), qui
étudia à l’Université d’Âbo, devint professeur de théologie en 1790, évêque d’Âbo en 1803 et archevêque
de Finlande en 1817 (voir la gravure p. 88). Il se voua de bonne heure aux études historiques, s’occupant
de préférence des questions qui touchaient à l’histoire de l’église finlandaise et de l’instruction
publique vers le milieu du dix-septième siècle. Son Mémoire sur Johannes Elai Terserus (1795) se
distingue autant par le sérieux des recherches que par l’attrait de l’exposition; on y sent partout l’intérêt
que lui inspire Son héros Johannes Terserus, esprit distingué, mais d’humeur batailleuse, qui fut successivement
évêque d’Àbo et de Linkôping. On trouve moins de mérite littéraire dans sa biographie d’un
des prédécesseurs de Terserus au siège épiscopol d’Âbo, laquelle parut, de 1796 à 1813, en une série
de mémoires en latin sous le titre de Vita et menta Isaaci Rothovii; mais cet ouvrage aussi offre en
abondance des renseignements sur l’église et l’enseignement en Finlande pendant la grande époque de
l’histoire de Suède. Plus tard, l’attention de Tengstrôm fut détournée des recherches
d’érudition par le grand nombre de ses occupations, mais même alors des
publications remarquables témoignèrent de sa prédilection constante pour l’histoire
du pays.
Ainsi donc, à l’époque où la guerre de 1808— 09 sépara la Finlande
de la Suède, les fondements d’une littérature historique finlandaise étaipnt
déjà posés. L ’attention du public était éveillée, et même à l’étranger, l’historien
allemand Friedrich Rühs tenta, dans un ouvrage publié à Leipzig en
1809, «Finnland und seine Bewohner», de faire connaître en Europe les travaux
des historiens finlandais. Mais la guerre et le changement de la situation
politique de la Finlande retardèrent le mouvement progressif en ce domaine
comme en beaucoup d’autres. A l’activité suscitée par Porthan succède une
Johan J ak o b Tengstrôm. période de dix ans pendant laquelle ne parut aucun travail historique de quelque
importance.
Ce ne fut qu’après 1820 qu’un réveil se fit sentir. De l’Université d’Âbo partit un appel exhortant
au travail pour la création d’une culture indépendante et nationale. Il est évident que le passé et les
souvenirs historiques de la patrie devaient constituer les sources principales où l’on puiserait les éléments
de ce travail; aussi tous ceux qui y prirent part, même s’ils n’étaient pas proprement historiens, dirigèrent
leurs regards vers le passé. Souvent ces tendances nationales, lorsqu’elles ont prévalu dans la
direction des recherches historiques, ont conduit à une appréciation exclusive des éléments purement
indigènes, sans tenir assez compte des influences venues du dehors. Mais encore, sous l’inspiration de
l’esprit large et des vues impartiales de Porthan, les jeunes historiens finlandais surent, au commencement
du moins, éviter cet écueil.
Parmi les historiens les plus sérieux de cette époque, il faut citer F. W. P ipping (1783— 1868);
longtemps bibliothécaire de l’Université, ses fonctions le mirent à même de prendre ample connaissance
des_ documents littéraires de la Finlande. Il s’appliqua surtout à rassembler et à enregistrer les anciens
écrits en langue finnoise, souvent peu importants en eux-mêmes, mais rares et d’un intérêt notable pour
l’histoire de l’érudition. Il consigna les résultats de ses longues recherches, entre autres, dans un Catalogue
des écrits imprimés en langue finnoise, ouvrage très apprécié, publié de 1856 à 1857, et dans des
Recherches historiques sur la Calendariographie de la Finlande.
Le professeur de philosophie Johan Ja k o b T engstrôm (1787— 1858) travailla aussi avec succès dans
le même domaine. Son ouvrage, intitulé Catalogue et notes chronologiques, sur les vice-chanceliers et
professeurs de l ’Université (1838), se compose d’une série de biographies des hommes qui ont pris part
au travail de l’Université finlandaise. Cet ouvrage n’est pas, à proprement parler, une histoire de l’Université,
mais il en contient des éléments importants. J. J. Tengstrôm publia encore des études sur les
deux Gezelius, ces; évêques et vice-chanceliers qui exercèrent une si profonde influence sur le mouvement
des idées en Finlande, que la fin du 17e siècle est appelée d’après eux, dans nos annales, «l’époque
des Gezelius». Ces travaux, Johan Gezelius l’aîné (1825) et Gezelius le jeune (1833), doivent au sérieux
et à l’étendue des recherches, aussi bien qu’à la limpide élégance^'du style, la place distinguée qu’ils occupent
dans la littérature historique finlandaise. .
V ilhelm G a b r ie l L a g ü s , professeur de droit, fut aussi un historien zélé. Son Histoire de la cour
d’appel d’Àbo (1ère partie, 1834) contient des biographies soigneusement étudiées des hommes qui ont
siégé à ce tribunal depuis sa fondation. Dans un autre ouvrage, Les domaines et les familles nobles de
la Finlande (1858), on trouve en grand nombre les matériaux d’une histoire de la noblesse finlandaise.
M. A kian d er (i 8o2:—1871), professeur de langue russe, dont on citera plus loin les travaux d’histoire
ecclésiastique;; fournit, dans une publication sur Les Donations
dans le gouvernement de Viborg, des renseignements
utiles sur les domaines cédés à titre de donations dans
l’est de la Finlande.
Pendant que ces hommes se livraient, en dehors de
leurs fonctions officielles, à des recherches sur l’histoire
nationale, G a b r ie l R ein (1800— 1867) fut pendant longtemps
le représentant de l’histoire à l’Université, d’abord
comme agrégé, puis, de 1834 à 1861, comme professeur.
Il revint aux questions d’histoire du moyen âge déjà abordées
par Porthan. Sa première dissertation académique,
De vétere Carelia ante occupationem svecanam (1825— 30),
ne fut pas achevée, mais avait déjà fait augurer que le
jeune auteur serait un digne successeur de Porthan. Plus
tard il traita dans plusieurs mémoires l’époque de l’introduction
du christianisme en Finlande; le plus remarquable
de ces travaux est F évêque Thomas et son temps (1838—
39). Cette étude savante, fondée sur de vastes recherches
documentaires, est une des plus instructives que nous
ayons sur le moyen âge en Finlande. Comme professeur,
Rein contribua à éveiller et à entretenir l’intérêt pour les Gabriel Rein,
recherches d’histoire nationale en en faisant fréquemment l’objet de ses cours. Ces cours, publiés après
sa mort sous le titre de Conférences sur Vhistoire de Finlande (2 vol., 1870—71), et qui offrent un tableau
assez détaillé des destinées de la Finlande depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1809, mirent à la
portée du public les fruits dé son enseignement universitaire. Cet ouvrage résume avec impartialité les
résultats auxquels les recherches historiques en Finlande étaient arrivées avant 1850, mais on y aperçoit
trop, aussi bien dans le fond que dans la forme, que l’auteur n’y avait pas mis la dernière main. Parmi
ses derniers ouvrages, il faut citer La guerre en Finlande, en 1788, 1789 et 1790 (1ère partie, publiée, en
1860, dans les Contributions de la Société finlandaise des Sciences). Rein était habitué à chercher dans
les bibliothèques les renseignements sur le passé ; les méthodes modernes de recherches dans les archives
lui restèrent étrangères. Il en résulta que, vers la fin de sa carrièrè, ses méthodes historiques ne satis-J
faisaient plus les exigences actuelles de la science. Il a élaboré la statistique de la Finlande d’une manière
très méritoire pour l’époque.
A côté des représentants de l’émdition objective, il faut donner une place toute spéciale à un écrivain
dont la forte et originale personnalité est non moins marquée dans ses travaux historiques que dans