Alexandre. Mais on s’aperçut bientôt que cette nomination, qui avait fait dans le pays une impression
pénible, était une faute. Chez Sprengporten, l’intelligence était obscurcie par la vanité, le patriotisme,
subordonné à l’ambition et à la soif de dominer. Toute sa nature était en contraste frappant avec le
caractère national finlandais. Révoqué de son poste avant même la clôture de la diète de Borgâ, il n’eut
plus dès lors aucune influence sur les affaires du pays.
Avant de quitter cette mémorable diète de Borgâ, nommons les hommes qui en dirigèrent les délibérations.
Le baron R. W. de G eer fut maréchal de la noblesse; les présidents des autres ordres furent:
pour le clergé, l’évêque Ja k o b T engstrôm; pour la bourgeoisie, Ch. T r a p p , négociant; pour l’ordre des
paysans, P. K l o c k a r s , paysan. De ces hommes, Tengstrôm a sa place marquée dans les annales de la
Finlande. Il n’a pas seulement rendu des services comme érudit, comme écrivain, comme premier fonctionnaire
ecclésiastique, il a aussi joué un rôle notable comme homme politique.
Toutefois, les hommes qui travaillèrent directement à la réalisation des idées généreuses de l’Empereur
ne furent pas tous des Finlandais. Alexandre trouva un
collaborateur habile et zélé dans la personne de son secrétaire
d’Etat russe, S p e r a n s k y , lequel paraît avoir embrassé avec une
entière conviction les plans de son magnanime souverain pour le
bien de la Finlande en même temps que les véritables intérêts
de l’empire. «La Finlande est un Etat et non une province»:
c’est en ces termes que Speransky a exprimé son opinion sur la
portée politique des actes qui réglèrent la réunion de la Finlande
à la Russie.
Le 17 septembre 1809, la paix fut conclue à Fredrikshamn
entre la Russie et la Suède. Le roi de Suède renonçait en son
propre nom et au nom de ses descendants à tous ses droits sur
la Finlande, dont l’annexiôn à l’empire, déjà accomplie' de fait,
était ainsi internationalement reconnue. Le traité de paix ne contient
aucune stipulation relative à la situation de la Finlande dans
son union avec l’empire, mais seulement une mention du fait que
l’Empereur a déjà assuré les droits de ses nouveaux sujets. Du
reste on peut invoquer l’article 4 du traité à l’appui de l’opinion
W
J a k o b T e n g s t r ô m .
que le vainqueur, tout en ayant garanti à la Finlande, par Pacte du ls/27 mars 1809, son autonomie
intérieure, voulait cependant que relativement aux puissances étrangères, ce pays fût considéré comme
faisant partie intégrante de l’empire russe.
Cet exposé rapide de la crise qu’ont traversée les destinées de la Finlande en 1808 et en 1809,
demande à être complété par quelques renseignements sur la situation antérieure de ce pays. La Finlande
formait, dans l’Etat de Suède, une réunion de provinces qui, depuis le milieu du 14e siècle, étaient
placées sur un pied d’égalité parfaite, à tous les égards, avec les provinces de la Suède proprement dite.
Il n’y avait aucune différence de droits politiques entre les Suédois et les Finlandais. Ceux-ci participaient
comme ceux-là à la confection des lois du royaume, et ces lois étaient communes à tout l’Etat,
sauf où des particularités locales exigeaient des exceptions spéciales. Toutefois, cette unité et cette égalité
politique n’avait pas effacé les différences de race et de langue qui existaient entre la majorité des habitants
de la Finlande et les Suédois,jÉ|- et cela d’autant moins que le gouvernement de la Suède, loin de
persécuter l’élément finnois, exigeait au contraire des prêtres qu’ils instruisissent en finnois les habitants
de langue finnoise et rappelait de temps en temps aux fonctionnaires la nécessité de se servir de la
langue finnoise dans leurs rapports avec les Finnois du peuple. La population d’origine suédoise, qui
habitait une grande partie des côtes, avait conservé le suédois comme langue maternelle; mais au cours
des temps son caractère s’était modifié assez pour la distinguer nettement de ses congénères d’au-delà
le golfe de Bothnie. Ces circonstances et son isolement géographique avaient eu pour résultat de faire
de la Finlande un pays .distinct en dépit de l’unité politique. Ce dualisme était si réel qu’il en était
tenu compte même dans des documents officiels. Ainsi le Règlement de l’ordre de la noblesse, de 1626,
porte que toute la noblesse de Suède et de Finlande sera représentée à la diète; dans les Privilèges de
la noblesse, de 1723, il est dit que le régiment des gardes nobles ne fera jamais de service hors des
frontières de la Suède et de la Finlande; le manifeste royal de 1789 à l’ordre des paysans traite des droits
et franchises du peuple suédois et finlandais, etc.
Il est vrai qu’à l’époque de la séparation de la Finlande d’avec la Suède, le principe des nationalités
n’avait pas acquis le développement et la force qui devait en faire plus tard un des plus puissants leviers
des bouleversements politiques de notre époque. Et bien que le peuple finlandais eût pleine conscience
de sa nationalité, il ne se montra pas accessible à la pensée conçue par quelques cerveaux inquiets d’une
séparation politique des deux peuplés.. Mais cette circonstance n’en est pas moins propre à expliquer
pourquoi la politique russe crut pouvoir s’adresser aux Finlandais comme à un peuple distinct des Suédois.
Elle explique aussi pourquoi, une fois l’issue de la guerre certaine, les classes cultivées purent
agir de concert, comme les représentants d’une nation, quand Alexandre réclama le concours de la diète
pour -l’organisation de l’union avec la Russie sur la base du maintien de ce que. la Finlande avait acquis
de plus précieux dans son union avec la Suède: sa culture intellectuelle, ses libres institutions et sa
forte organisation judiciaire.
LA CONSTITUTION.
Les lois fondamentales de l’État de Suède, confirmées par l’empereur Alexandre, en 1809, pour le
Grand-Duché de Finlande, étaient: la Forme du Gouvernement, du 21 août 1772, modifiée «en différents
points par l’Acte d’Union et de Sécurité de 1789, quelques dispositions législatives se rattachant à
ces lois, concernant des matières spéciales, et un certain nombre de lois de différentes époques, contenant
des dispositions relatives à la composition de la diète et des états du royaume.
Les deux premiers documents, qui dans l’application doivent être collationnés et Comparés, Constituent
encore aujourd’hui le fondement principal du droit ^institutionnel de la Finlande. Et cette constitution
a des racines dans une époque encore'plus reculée, car les lois;-fondamentales du temps de
Gustave III font mention de la forme de gouvernement d’avant 1680, et on invoque encore comme
source légale le Chapitre du roi de la Loi du Pays de 1442. Aussi le légiste doit-il à l’occasion, pour
arriver à une juste interprétation, s’inspirer des principes et des dispositions législatives du droit public
des anciens temps.
Avant d’exposer lès principaux caractères de la constitution politique de l’État finlandais, telle qu’elle
est depuis 1809, il est nécessaire de présenter une observation. Le fait même de la transmission à
l’Empereur de Russie de la souveraineté sur la Finlande, supposait la suppression des lois constitutionnelles
relatives à l’ordre dé succession au trône, à la religion du Monarque, et à quelques autres dispositions
qui n’étaient applicables qu’à la maison royale de Suède; il est dans la nature des choses que
ces matières, qui font l’objet de dispositions dans les lois russes, ne pouvaient trouver place dans la
constitution finlandaise. Il faut noter encore qüè la nouvelle situation politique nécessitait la création
de nouvelles autorités centrales de gouvernement et de législation. Ces matières firent l’objet d’une
proposition impériale à la diète de Borgâ, et le premier acte législatif accompli après la clôture de la
diète, fut le règlement du Conseil de gouvernement du 18 août 1809, dont les principales dispositions
remplaçaient les lois de 1772 et de 1789 quant aux Conseils du royaume et au Tribunal suprême. Mais
ces changements apportés à l’organisation du gouvernement, changements nécessités d’ailleurs par le fait
que l’administration siégerait désormais dans la capitale de la Finlande, c’est-à-dire dans un lieu qui n’était