«et que j ’èusse fait de meilleures études") d’histoire, je m’essayerais dans ce genre». Il reprend ses anciens
essais de vaudevilles dans, la manière de Heiberg; il compose une comédie de famille sous le titre de
«Kan ej» (Impossible!); imprimée en 1862, cette pièce eut ensuite quelques représentations sur différentes
scènes du Nord, mais ne se maintint longtemps qu’à Helsingfors. Les caractères vigoureusement dessinés
et le dialogue nerveux ne s’accordent pas très bien avec l’allure et le ton léger de la comédie. Il considérait
aussi comme un travail d’apprentissage sa tragédie intitulée «Kungarne pâ Salamis» (Les rois à
Salamine); pourtant, cette oeuvre laisse peu à désirer sous le rapport du développement dramatique de
l’action et des caractères, et, comme tableau de l’époque héroïque de la Grèce, elle mérite une place
distinguée dans la littérature universelle. D’autres ont pu faire de l’antiquité une étude plus approfondie,
personne n’a eu une intelligence plus vivante du génie de la Grèce et n’a montré une plus intime parenté
d’esprit avec son réalisme élevé.
Là s’arrête l’oeuvre de Runeberg. Dans l’automne de 1863, au moment où «Les rois à Salamine»
était sous presse, le poète fut frappé d’un coup d’apoplexie; la vigueur de son tempérament le retint
plus de treize ans encore sur le
lit où l’avait étendu la maladie.
Il mourut le 6 mai 1877. Les.
états de Finlande assistèrent à
ses obsèques. Pendant sa maladie,
il acheva la publicàtiôn de
ses oeuvres complètes en six volumes;
mais il n’y admit que les
poésies et les oeuvres de prose
qui satisfaisaient aux exigences
de sa sévère critique. Après sa
mort parurent trois. - ' volumes
d’«OEuvres posthumes». Ge qu’il
avait approuvé, il l’abandonnait
tranquillement au jugement de
- la. postérité; il n’était impatient
de la critique que lorsqu’elle
s’attaquait à son originalité. Ses ‘
ouvrages principaux furent traduits
successivement en plusieurs
I , „ . „ langues; en dernier lieu,, la tra-
L e tom b eau de R u n eb e rg , a B o rg a . 0
duction allemande de toutes ses
compositions épiques par W. Eigenbrodt l’a mis au rang qui lui revient d a n s la littérature universelle.—
Le peuple finlandais a élevé un monument k son poète aimé au centre de la capitale. Cette statue, due
au ciseau d’un fils du poète, Walter Runeberg, fut solennellement inaugurée au mois de mai 1885.
A son chevet pendant sa longue maladie, comme auparavant à ses côtés dans la joie et la douleur,
sa femme, F r e d r ik a R u n e b e r g , n’a pas seulement pris part à ses travaux littéraires; elle a aussi sa place
à elle dans l’histoire de notre littérature narrative. Elle avait commencé par aider à son mari dans la
rédaction du «Morgonbladet», en lui fournissant des traductions et des adaptations, parmi lesquelles elle
glissait parfois quelque petite production originale. Dans sa jeunesse et jusque dans un âge avancé elle
a écrit des vers, vigoureux et pleins plutôt que beaux, mais c’est à ses. écrits en prose, publiés entre
1840 et 1860, qu’elle doit d’être mentionnée parmi nos auteurs nationaux: ce sont des récits allégoriques
en forme de contes orientaux, «Tableaux et rêves» (publiés dans le Necken en 1847 et dans la Feuille
littéraire de Snellman en 1856— 58), et des nouvelles historiques, «Madame Catharina Boije et ses filles»
(1858) et «Sigrid Liljeholm» (1862). La première de ces nouvelles raconte un épisode de l’invasion de
la Fiiïîande par les Russes, sous Charles XII; vivement
contée* et fort goûtée du public, elle repose
sur des mémoires du partisan Lôfving; ces
mémoires entrent bien pour une trop grande part
dans .la composition, mais aussi ils donnent au
récit beaucoup de couleur locale. Dans «Sigrid
Liljeholm», au contraire, l’histoire sert de cadre à
l’expression de la sympathie chaleureuse de l’auteur
pour la destinée1 de la femme et. pour ses
droits à un développement indépendant.
Nervander et Stenbâck s’étaient déjà tus
quand. F r e d r ik C y g n a e u s débuta par des poésies
qui excitèrent plus d’étonnement que d’admiration;
mais avant même que Snellman, revenu de Suède,
eût rompu le- silence* de notre vie sociale, Cygnaeus
avait tenté ses premiers efforts pour éveiller
les sentiments patriotiques au milieu de la jeunesse
studieuse. L ’histoire était l’objet favori de ses
études, et ce fut sa mission de communiquer son
enthousiasme pour tout ce qui est grand dans
l’histoire, et particulièrement dans le passé de la T , , T „ , . TT . . • 1 . ; . L a s ta tu e de’ J-. L. R u n eb e rg , a H e ls in g fo r s .
Finlande. L ’aniïéê après, avoir fait sa licence, il
avait occupé une chaire au Corps dés cadets; là déjà, il avait pu constater le grand pouvoir qu’il possédait
sur les jeunes esprits. Un trait particulier de son patriotisme, c’est qu’à l’enthousiasme pour les
souvenirs de l’époque suédoise il joignait une vive admiration, nourrie par son séjour à Saint-Pétersbourg,
pour les souverains du grand empire auquel sa patrie était dès lors unie. Aspirant à une plus large
sphère d’activité, il prit congé du Corps des cadets en
1838, et fut nommé, l’année suivante, agrégé à l’Université.
Il devint en même temps recteur de l’école secondaire
de Helsingfors et «curateur» de la section des étudiants
ostrobothniens ; cela constituait une position modeste
et peu rétribuée, mais qui lui fournissait des auditeurs
très accessibles aux idées élevées et aux chaleureux
sentiments qu’il désirait répandre par sa prose et ses vers.
Il débuta p a r . deux volumes intitulés «Ispiggar»
(Glaçons, 1837-—1841); ceux-ci furent suivis de deux volumes
de «Vandringsbilder» (Scènes de voyage), composées.
pendant les quatre années qu’il passa à l’étranger
(1843— 1847) comme boursier de l’Université. Les essais
lyriques de Cygnaeus avaient éveillé .chez ses amis des
Veillées du samedi des doutes sur ses dons poétiques.
L ’absence du sens de la forme et le défaut d’empire sur
une imagination puissante, il est vrai, mais déréglée, rendaient
..sa poésie obscure et lourde; à cela s’ajoutait une
humeur renfermée et morose, du moins dans les sujets
empruntés à la vie intime ou au monde de l’intelligence.
Dans les «Scènes de voyage», il cherche à rendre les
F r e d r ik C y g n a e u s . impressions suscitées en lui par les grandes figures
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