Sibelius a achevé à Berlin et à Vienne ses études musicales commencées à l’Institut de Helsingfors
sous la direction de Wegelius. Outre la symphonie de Kullervo, il a composé entre autres un quintette
pour piano et un quatuor pour instruments à cordes, une «Scène de ballet» et une «Légende» pour
orchestre; enfin, dernièrement (1893), une imposante suite d’orchestre sur des motifs historiques.
Nous devons encore mentionner, parmi les jeunes compositeurs de talent, A r m a s J à r n e f e l t (né en
186 9 ), O s k a r Me r ik a n t o (né en 1868) et Ilm a r i K r o h n (né en 18 6 7 ) ; tous trois paraissent avoir en
perspective un bel avenir dans la carrière artistique.
Le chant a fait de grands progrès dans notre pays pendant les vingt ou trente dernières années.
Cela est surtout vrai du chant en choeur, cultivé partout chez nous sous la forme de choeurs d’hommes
et de choeurs mixtes.
Même au point de vue purement artistique il faut faire une place dans notre histoire musicale à
certaines sociétés de chant. A part celle qui fut fondée par Pacius et dont nous avons déjà parlé, la
première place appartient à la «Société de chant de Helsingfors», fondée par Faltin en 1871; pendant
les treize ans qu’elle a existé, et avec le concours de l’orchestre de la ville et de solistes éminents du
pays ou de l’étranger, elle a interprété d’une manière remarquable quelques-unes des plus importantes
compositions des grands maîtres. La Société de chant s’étant dissoute en 1884, ce fut la «Société musicale
de Vasa» qui prit sa place comme représentant du chant en choeur dans notre pays. Fondée en
1880, cette Société est depuis 1883 sous la direction du capitaine A x e l S t e n iü s (né e n ' 1856); elle a
donné avec succès les choeurs d’Athalie de Mendelssohn, le «Requiem» de Cherubini, la «Cantate des
promotions» de Faltin, la «Création» de Haydn, et bien d’autres oeuvres difficiles. Les concerts qu’elle
a donnés à Helsingfors ont été très goûtés. A l’heure qu’il est, les meilleures ressources vocales de
Helsingfors sont réunies dans un choeur symphonique constitué par Kajanus et qui a débuté en 1893
par la grandiose «Messe solennelle» de Beethoven.
Mais ce sont les choeurs d’hommes qui sont le plus aimés et le plus répandus dans notre pays.
Le choeur des étudiants, qui a ses traditions établies et reçoit un afflux constant de nouvelles forces, est
ici, comme en Suède, le prototype et la source naturelle des choeurs d’hommes; ses membres, une fois
entrés dans la vie, répandent dans tout le pays le goût du chant comme délassement aux occupations
journalières et forment le noyau de nouveaux choeurs. C’est ainsi que le chant à quatre voix est devenu
un trait caractéristique de la vie de société en Finlande.
Des choeurs d’élite se sont formés de temps à autre avec des éléments puisés dans le choeur des
étudiants. Les premiers en date furent les «triples quatuors» qui parcoururent le pays, entre 1850 et
*870. pour réunir par leurs concerts la somme nécessaire- à la construction d’une Maison des étudiants
à Helsingfors. Ils représentaient le chant universitaire sous sa forme la plus choisie. Plus tàrd il se
forma à l’Université, à diverses occasions, mais toujours avec la pensée d’élever le chant d’amateurs au
niveau du grand art, plusieurs choeurs d’élite, dont il suffira de nommer ici le dernier en date et le plus
connu, les «M. M.» (Muntra Musikanter, Joyeux Ménestrels). De l’aveu de la critique, aussi bien à
1 étranger que dans le pays, les «M. M.». grâce à un travail persévérant (depuis. 1878) sous la direction
de chefs habiles, en particulier de G ô s t a S o h l s t r ô m , leur fondateur, avaient atteint une maîtrise qui ne
peut guère être surpassée sous le rapport de l’harmonie, de la précision et des nuances. Aussi aucune
manifestation de notre vie musicale n’a-t-elle été l’objet à l’étranger d’une attention aussi flatteuse que
les nombreux concerts donnés par les «M. M.» (à Saint-Pétersbourg en 1878, à Moscou en 1882, à
Stockholm en 188 6 , à Copenhague en 1888, à Copenhague, Hambourg, Paris et Berlin en 1889).
Toutefois les chanteurs de profession ne sont pas nombreux. Dans la première moitié du siècle,
J o h a x x a v o n S c h o u l t z ( 18 x 3— 186 3 ) se fit un nom célèbre; elle remporta des succès éclatants sur les
premières scènes de l’Europe (entre autres à l’Opéra italien, à Paris, de 1833 à 1835), ma’s la maladie
interrompit trop tôt sa carrière (18 4 2 ) .
La première après elle q u i se s o i t v o u é e a u c h a n t e s t M lle E m il ie M e c h e l in (n é e e n 183 8 ), é lè v e
de Masset et pendant longtemps u n e d e s c a n ta t r ic e s d e c o n c e r t l e s p lu s a p p la u d ie s à H e l s in g fo r s .
Ses élèves Mesdames I d a B a s i l i e r -M a g e l s e n (née en 1846), Emmy S t r ô m e r - A c h t é (née en 1850)
et Emma E n g d a h l (née en 1852) ont achevé leurs études, les deux premières chez Masset, la dernière
chez Madame Marchesi à Paris, et se sont vouées surtout au chant d’opéra, Mesdames Basilier et Achté
au théâtre finnois et Madame Engdahl au théâtre suédois de Helsingfors. Cependant la carrière d’Ida
Basilier dans notre pays ne fut pas longue; de 1871 à 1876 elle fut attachée à l’Opéra de Stockholm,
et depuis son mariage elle est établie en Norvège. Elle s’est fait connaître à la scène aussi bien que
dans les concerts par la souplesse de son gosier. Madame Strômer-Achté, dont la belle voix et le profond
sentiment musical en firent le principal appui de l’Opéra finnois tant qu’il exista (de 1871 à 1879),
n’a eu depuis qu’exceptionnellement l’occasion de produire et de développer son beau talent scénique;
une de ces occasions a été les représentations organisées par elle à Helsingfors en 1891 et 1892. La
carrière théâtrale de Madame Engdahl fut aussi interrompue prématurément, le théâtre suédois ayant cessé
ses représentations d’opéra à peu près en même temps que l’Opéra finnois. Depuis lors pourtant elle
a appartenu comme prima donna à la «Troupe indigène d’opéra», organisée pendant l’année 1888— 1889
par Aug. Arppe; e lle avait aussi créé le rôle principal dans l’opéra de Pacius «Loreley» (1887).
Deux seulement de nos cantatrices actuelles ont acquis une réputation à peu près européenne; ce
sont: Madame A lm a F o h s t r ô m -v o n R o d e (née en 1856), élève de Madame• Nissen-Saloman à Saint-Pétersbourg
et de Lamperti à Milan, et Mlle H o r t e n s e S y n n e r b e r g (née en 1856), élève de Lamperti.
Après un court séjour à l’Opéra finnois, elles se sont toutes les deux produites avec un brillant succès
sur la scène et dans les concerts de la plupart des capitales d’Europe et d’Amérique; actuellement (1894)
elles sont établies en Russie, Madame Fohstrôm comme prima donna de l’Opéra de Moscou, Mlle Synnerberg
dans une troupe d’opéra ambulante. Le soprano étendu et l’excellente école de Madame Fohstrôm
en font une cantatrice de premier rang. Mlle Synnerberg possède une voix d’alto très profonde et d’une
belle sonorité.
Madame M a r i a C o l l a n (née en 1845), fille de F. Pacius et veuve de K . Collan, est un représentant
distingué du chant des «Lieder»; elle rend avec un charme tout particulier les gracieuses compositions
de-son père et de son mari.
Un assez grand nombre de jeunes cantatrices se préparent actuellement à marcher sur les traces
de leurs aînées et promettent un bel avenir à la musique vocale dans notre pays.
Les chanteurs éminents ont été jusqu’ici encore plus rares chez nous que les cantatrices. Le chant
en choeur, si universellement cultivé, met à contribution les plus belles voix sans contribuer à leur culture
individuelle;'du reste, les perspectives de profit pécuniaire que notre pays offre aux artistes ne sont
guère de nature à les engager dans la carrière. Ainsi N. P a l d a n i (né en 1842), malgré des dons musicaux
remarquables et une voix de ténor d’une beauté peu commune, est resté dans les rangs des amateurs.
L ’Opéra finnois réussit toutefois, pendant sa courte, mais brillante existence, à s’attacher des sujets
distingués, même parmi les hommes. Citons entre autres les barytons E l i s D u n c k e r (1844— 1876) et
B r u n o H o lm (1852— 1881), tous deux enlevés par une mort prématurée, F i l ip F o r s t é n (né en 1852),
engagé ensuite pendant quelque temps à l’Opéra royal de Stockholm, actuellement professeur au conservatoire
de • Vienne, et H j a lm a r F r e y (né en 1856), actuellement engagé à l’Opéra russe de Saint-Pétersbourg,
les deux seuls chanteurs finlandais qui se soient fait connaître hors du pays; enfin A b r a h a m O j a n p e r à (né
en 1857), actuellement professeur de chant à l’Institut de musique de Helsingfors. Le ténor G u s t a f
H o lm s t r ô m (né en 1855) a fait partie de différentes troupes d’opéra en Scandinavie et en Finlande.
L’opéra, faiblement représenté parmi les oeuvres originales de nos compositeurs, n’a été aussi qu’un
hôte relativement rare sur nos scènes. Presque toute son histoire est comprise entre 1870 et 1880.
Auparavant, il est vrai, des opéras avaient été représentés dans la capitale avec plus ou moins de succès
par des amateurs ou par des troupes étrangères, mais ce n’est qu’à cette époque qu’ils figurèrent régulièrement
au . répertoire; le théâtre suédois (1871) et le théâtre finnois (1872) commencèrent à y consacrer
une partie de leurs ressources. Le plus important des deux au point de vue musical fut l’Opéra finnois,
qui, sous l’énergique direction de K a a r l o B e r g b om et avec des ressources presque exclusivement