A. LES ARTS PLASTIQUES.
Non seulement l’étranger «qui passe dédaigneusement à côté de nous», mais nous-mêmes, nous
aurions certainement considéré la Finlande ancienne comme trop pauvre et trop barbare pour
avoir pu offrir aux beaux-arts les premières conditions d’existence; mais 1-archéologie est venue nous
prouver qu ils ont eu leur domicile dans nos solitudes depuis le temps où le christianisme les a éclairées
de ses lumières.
Nos vieilles églises, bâties avec les blocs de granit dont les glaciers préhistoriques ont semé la
terre de Finlande, sont encore debout dans leur solide simplicité, monuments vénérables de l’art architectural
des époques disparues. Et le zèle religieux les remplissait de statues de saints et de triptyques
importés des pays étrangers, ou au besoin fabriqués sur place, et couvrait les murailles et les voûtes
d’images peintes à la gloire de Dieu et de ses saints pour l’ornement du temple et ¡’édification des fidèles.
La réformation elle-même ne réussit pas ici, comme ailleurs, à rompre la tradition transmise de génération
en génération et dont le dernier représentant, M ic h a e l T o p p e l iu s , grand-père du poète, travaillait encore
dans ' lés premières années de notre siècle comme peintre d’église dans les contrées les plus écartées
du paÿs.
Il est vrai de dire que ni ¡’originalité ni l’habileté de main n’étaient grandes chez ces maîtres intrépides
qui ne reculaient jamais devant les plus hauts problèmes de l’art. Mais toute primitive qu’est leur
peinture, elle suffit à prouver que la Finlande a possédé dès les temps reculés cet art naïf qui ne demande
qu’une foi sincère pour fleurir dans lès lieux écartés.
En revanche, on ne trouve qu’accidentellement des traces d’un art supérieur. Les grandes époques
artistiques se succédaient dans les grands pays de l’Europe, mais il n’en arrivait à nos rivages que de
faibles remous. L ’architecture gothique éleva sur les bords de l’Aura un monument du triomphe du
christianisme, la cathédrale d’Abo, et, après son passage en Suède, fournit un modèle affaibli aux temples
des campagnes. L ’église catholique au quinzième
siècle et la noblesse riche du seizième importèrent
quelques échantillons remarquables de l’art de la
renaissance ou du style rocoeo. Mais ces objets
étaient -trop rares pour exercer une influence sur
la vie artistique dans le pays. Ce ne fut que sous
le règne de Gustave III, au temps des «joyeux besoins
», que l’intérêt pour les beaux-arts se répandit
chez nous, -bien qu’il s’y montrât plutôt par le
désir d’orner les maisons de beaux meubles et de
cultiver les arts en dilettante, comme le voulait la
mode, que par une véritable production artistique.
Et cê commencement même fut bientôt étouffé
par les soucis politiques des temps qui suivirent.
Si tout de suite après la séparation d’avéc la Suède
il était encore quelqu’un qui osât rêver un grand
avenir pour la Finlande, personne à coup sûr n’avait
l’imagination assez vive pour faire aux beaux-arts
une place dans ces espérances. Le petit nombre
d’artistes que l’ère gustavienne avait suscités étaient
allés chercher l’instruction et faire leur carrière en
Suède — tel le sculpteur E r ik C a in b e r g (né de paylag®
de l’Ostrobothnie en 1771, mort à Àbo en 1816). qui
fut rappelé pourtant pour orner de bas-reliefs la
grande salle de l’Académie d’Âbo; tel aussi l’éminent
peintre de genre A lexander L au ræ u s (né à H
U n e m è r e a v e c s e s e n f a n t s , d’ap rès un tableau
de A . L a u ræ u s .
Abo en 1783, mort à Rome en 1823), qui-fut tout à fait perdu pour la Finlande. L ’histoire de G u st a f
W ilhelm F innberg (né à Pargas en 1784) paraissait pouvoir servir d’illustration à l’avenir artistique de
la Finlande. Tout de suite après 1808 il partit pour Stockholm, et d’ouvrier peintre en bâtiments il
s’éleva au rang d’artiste. Revenu à Àbo en 1817, il y mena une vie de privations et de rêves artistiques
désappointés jusqu’à, ce qu’après l’incendie, en 1827, réduit à la misère, sans feu ni lieu, il chercha un
refuge à Stockholm et y mourut en 1833. Quelques peintures d’église et un petit nombre de portraits
attestent à la fois son talent et les circonstances absolument adverses qui entravaient ses progrès.
Mais en 1808 naquit à Nystad R o b er t V ilhelm E kman, dont le nom est indissolublement lié au
souvenir de la naissance de l’art finlandais. Lui aussi, il parut devoir prendre le chemin de ses devanciers.
Il reçut son éducation artistique en Suède, voyagea, comme autrefois Lauræus, pendant bien des
années à l’étranger avac une bourse suédoisé, devint membre de l’Académie, reçut le titre de peintre de
la cour et paraissait définitivement installé en Suède, quand il rompit la tradition et revint au pays.