IX. LA PRESSE PÉRIODIQUE.
L’histoire de la presse périodique en Finlande ressemble, à bien des égards, à l’histoire d’un défrichement
dans les .solitudes de nos pays du Nord.
Plein d’un juvénile espoir, le colon abat les arbres et sème le grain. L ’automne venu qui doit le
payer de ses peines, une gelée hâtive a tout ravagé, les épis sont des glaçons. Et l’année suivante, le
désert a repris ses droits: le pionnier-de la civilisation a succombé ou est allé ailleurs entreprendre
des tâches moins ingrates.
Mais avant que le temps ait effacé toute trace de la première culture, arrive un nouveau colon. Il
recommence le travail de son devancier et il obtient au moins une récolte là où celui-ci n’avait rien
moissonné. La seconde ou la troisième année, il-succombe peut-être, lui aussi. Cependant le défrichement
a assez progressé pour qu'un troisième ouvrier puisse résister et gagner, à force d’énergie et de ténacité,
sinon l’aisance, au moins la possibilité de subsister.
C’est ainsi que, dans l’histoire de la presse finlandaise, des périodes d’activité intense alternent avec
des intervalles de silence et d’inaction au moins apparente.
La raison n’en est pas difficile à trouver.
La presse périodique exige un travail persévérant. Mais dans un pays peu riche, le cercle des
lecteurs est restreint et ce travail est bien mal rémunéré, quand il l’est. Aussi s’est-il fait pendant
longtemps par pur intérêt pour la cause. Cet état de choses a eu pour effet, d’une part, que la presse
finlandaise a pu compter dans ses rangs l’élite des hommes d’intelligence, d’autre part, que quand ces
dévouements ont manqué, le progrès s’est arrêté, et qu’enfin, pendant longtemps, la presse périodique a
revêtu les formes extérieures les plus modestes.
Mais alors même que les ouvriers dévoués n’ont pas manqué, cela n’a pas toujours suffi. A bien
des reprises la presse a été durement frappée par la réaction et l’obscurantisme qui ont prévalu surtout
dans la- première moitié de ce siècle. La lutte que l’enthousiasme patriotique a eu à livrer contre ces
tendances a paru quelquefois aussi désespérée que celle du nouveau colon contre les rigueurs du climat.
En 1809, la Finlande ne possédait qu’un seul journal, Âbo tidning. Cette feuille était l’héritière
de la première publication périodique en Finlande, fondée, en 1 7 7 1 , par P o rthan et d’autres
citoyens dévoués'.-sous le titre de Tidningar, utgifna a f ett sàllskap i Âbo, et qui devait être une sorte
d’archives pour les recherchés historiques et la littérature indigène en langue suédoise. Et cette
féuille, malgré ses petites dimensions, remplit si bien sa mission, qu’elle ..est encore consultée aujourd'hui
par quiconque a des recherches à faire sur les annales, la langue ou la littérature finlan-
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A partir de 1810 le journal changea de nom et, en même temps, d’objet. Sous le titre de Âbo
allmànna tidning, il devint journal officiel, et pendant neuf ans la Finlande n’eut pas un organe publie
indépendant Car les quelques essais de publications périodiques faits antérieurement ne purent jamais
se Soutenir qu’une année tout au plus. Ce fut le cas entre autres- de la première reviie en langue
finnoise, SuomenkieUset tiètosanomat (1776).
, Avec l’année 1819 commence une période de plus grande activité.- C’est alors que fut fondée la
revue la Mnemosyne; rédigée par quelques jeunes professèurs à l’Université, elle avait à peu près le même
programme que le «Abo tidningar», mais admettait, en outre, dans son cadre la discussion de questions
amenées par le nouvel état politique. L ’année suivante, R. von B e c k er publia lé premier journal proprement
dit en langue finnoise, le Turun viikko-sanomat ; un an plus tard encore, A. I. A rw iOs so n , l'enthousiaste
agrégé, fonda, son Âbo Morgonblad dans le but d’éveiller dans la population cultivée le
sentiment de la, nationalité.
Mais- ces louables efforts ne purent pas être continués.. Le journal d’Arwidsson avait à peine paru
pendant trois trimestres qu’il fut jugé dangereux et supprimé; on a vu ailleurs ce qui arriva au rédacteur
lui-même. En 1823, la Mnemosyne s’éteignit à son tour; mais en 1824 fut fondé lé journal Âbo under-
râttelser, actuellement la plus ancienne feuille finlandaise après le journal officiel Finlands allmanna
tidning, fondé en 1820.
Ce dernier parut à Helsingfors, la nouvelle capitale; là aussi furent fondés en 1829, après le transfert
de l’Université, deux nouveaux journaux qui ont joué un rôle important dans l’histoire de la presse
finlandaise.
Le Helsingfors Morgonblad fut rédigé, de 1832 à 1837, par J. L. R uneberg, le Helsingfors Tidningar,
depuis 1841, par Z. T opeliuS; Un grand nombre des oeuvres de ces poètes virent le jour pour la
première fois dans ces journaux, et les articles de critique littéraire publiés par Runeberg dans son
journal et dirigés contre les tendances de la littérature d’alors en Suède, peuvent être regardés en quelque
sorte comme une déclaration d’indépendance nationale. Le régime de censure qui florissait alors explique
suffisamment la place prépondérante faite à la littérature dans la rédaction de ces feuilles. La loi sur la
censure de 1829 autorisait la suppression des opinions même les plus modérées ; aussi n’était-il pas facile
de faire parvenir au public ce que l’on pensait des questions politiques les plus importantes pour le pays.
En littérature, au contraire, on avait les mains plus libres. Pourtant Topelius tenta de suivre de près
les événements du jour, tantôt dans des aperçus en forme de causerie, tantôt dans un ton plus grave.
Et quand un mouvement d’opinion ne pouvait pas s’exprimer directement, le poète avait encore une
ressource: il voilait souS une allégorie ce qui se passait dans les esprits; ses lecteurs le comprenaient
fort bien et discutaient ensuite la question dans les conversations.. -
A côté de ces deux journaux de la capitale, la presse indépendante de langue suédoise eut pour
représentants, jusqu’après 1840, les deux feuilles d’Âbo (le «Âbo tidningar» vécut jusqu’en 1861), un journal
à Borgâ et un à Vasa. Aucune de ces feuilles ne paraissait plus de deux fois par semaine et leur
format atteignait à peine le quart de celui de nos journaux d’aujourd’hui. En finnois il n’y eut jamais
plus de deux journaux à la fois avant 1846; quelquefois il n’y en avait pas un seul. Ces journaux finnois
ne paraissaient qu’une fois par semaine et aucun ne s’imprimait dans la capitale. Le plus digne de
mention est le Oulun Viikko-sanomia, fondé à Uleâborg en 1829 et rédigé entre autres, mais pendant
peu de temps, par E l ia s L ônnrot.