Ainsi, bien que la science médicale fût certainement en progrès chez nous, on ne remarquait pas
encore assez vers 1840, ou- même vers 1850, l'influence du grand mouvement de progrès qui, dans les
grands centres européens, entraînait en avant la médecine et les sciences qui s’y rattachent. Bientôt
cependant un changement se fait sentir à cet égard. Plusieurs jeunes médecins avaient achevé leurs
études à l’étranger. Ils en revenaient avec de nouvelles idées, de nouvelles doctrines, de nouvelles
aspirations, qui pénétraient dès lors tout leur travail scientifique. E rik A lex an d e r Ingman (1810— 1858)
publia les observations qu’il avait faites à l ’étranger; dans un travail intitulé Les maladies sont-elles des
êtres organiques indépendants? (en finnois), il battait en brèche les Opinions en partie surannées d’Ilmoni ;
il est aussi l’auteur d’une bonne dissertation sur l’urémie pendant la grossesse. K nut F él ix von W illebrand ,
esprit actif, imagination vive, avait succédé à Ilmoni dans la chaire de médecine en 1856; il avait rapporté
de ses voyages à l’étranger un vif intérêt pour les nouveaux médicaments et la manière de les employer;
de là ses travaux sur l’effet du «tartarus emeticus» dans la syphilis, sur le seigle ergoté, sur l’iode dans
le traitement du typhus et des fièvres intermittentes, et beaucoup d’autres. Joakim W ilhelm P ipping
(1818— 1858), intelligence richement douée, se voua surtout à l’obstétrique et écrivit sur les différentes
méthodes de provoquer un accouchement prématuré et sur la hernie
ombilicale. E v e r t Ju lius B onsdorf f (né en 1810) succéda en 1845
dans la chaire d’anatomie et de physiologie à N il s A braham U r s in ,
qui a peu produit. Par ses recherches sur F anatomie des animaux,
dont il a été parlé plus haut, Bonsdorff avait ouvert Un nouveau
champ d’études à notre Université: l’anatomie comparée. Plus tard,
grâce à, la souplesse de son esprit et à la diversité de ses connaissances,
il publia des travaux sur les sujets les plus variés, physiologie, thé--
rapeutique, balnéologie, médecine légale, entomologie, etc. 1
Pendant près de trente ans, depuis 1840, F r a n s Johan R a bbe
(1801— 1879) publia une suite de travaux intéressants de statistique
médicale et d’histoire.
A cette époque d’actives relations scientifiques avec l’étranger,
parut un esprit original, qui Osa s’aventurer sur des chemins non encore
frayés : c’était G u s t a f S amuel C ru s e l l (1810— 1858), agrégé de physique
médicale. Avant aucun autre il eut l’idée d’employer le galvanisme
dans le traitement des maladies. En1 1838 déjà, il publia- les
premiers résultats de ses études sur ce sujet. Plus tard; il éprouva et appliqua au traitement d’un grand
nombre d’affections locales les effets, soit chimiques, soit caustiques, du galvanisme; il publia à ce sujet
de nombreuses dissertations en Finlande et en Russie, où ses expériences avaient attiré une attention
considérable. On peut dire de Crusell qu’il est le vrai fondateur de la galvanothérapie, bien qu’il ne
soit pas parvenu à se faire généralement accepter. Des savants étrangers développèrent ensuite ses
idées, les portèrent à maturité et leur donnèrent des applications vraiment pratiques. Dans notre pays,
ce fut surtout Willebrand qui mit à profit les recherches de Crusell ; il publia en 1846 un mémoire sur
«le galvanisme comme remède».
Vers 1860, il manquait encore à la médecine finlandaise un élément pour qu’elle pût mériter pleinement
la qualification de moderne. Il ne suffisait pas que l’art médical mît à profit les résultats obtenus
par la science à l’étranger. C’était cette science même qu’il fallait introduire chez nous avec tout son
outillage et dans toutes ses spécialités, telle enfin qu’elle se présentait dans les grands centres européens
de culture. C’est aux hommes de la génération suivante qu’il fut réservé d’accomplir cette mission.
Mais il fallait d’abord que le personnel enseignant fût renforcé et que l’Université fût pourvue de
nouvelles institutions. En 1852 il avait été créé une chaire de pharmacologie, de pharmacie et de chimie
médicale; en 1857 furent instituées: une chaire d’accouchement avec une clinique pour maladies de
l’enfance, et une chaire d’anatomie pathologique et de médecine légale. En 1871 et en 1874, deux nouvelles
chaires vinrent s’ajouter aux précédentes: celle d’ophtalmologie et celle de syphilidologie et de dermatologie.
Il fut créé successivement des laboratoires de chimie physiologique, de physiologie et d’anatomie
pathologique. .
Au rang le plus avancé des savants de cette époque nous trouvons Ja ko b A u gust E stlän d er
(1831— 1881), esprit énergique et pénétrant, professeur de chirurgie depuis 1860. Sous sa direction, la
chirurgie s’éleva chez nous à un niveau qui mettait notre Université au pair avec les grandes cliniques
de l’Europe. Grâce à Estländer, à ses observations et à Ses idées personnelles, notre chirurgie fut connue
à l’étranger. Les travaux d’Estlander sur la chorioïdite consécutive à la fièvre typhoïde intermittente, sur
la gangrène des extrémités inférieures à la suite du typhus pétéchial, sur les tumeurs de la mâchoire supérieure
et de la glande mammaire, ont été publiés dans des journaux de médecine finlandais, allemands
ou français.. Il est l’auteur d’une méthode ingénieuse, publiée en 1872, pour remplacer par un lambeau
pris à l’une des lèvres les parties manquantes à l’autre; ce mode d’opération a été adopté par la science.
Plus célèbre encore est la méthode publiée par lui en 1879 pour amener la guérison des épanchements
chroniques de pus dans les poches pulmonaires par la résection de fragments des côtes, ce qui permet
à la paroi thoracique de s’affaisser sur le fond de la cavité purulente; cette opération est maintenant
appliquée partout Sous le nom dé «méthode d’Estlander». Comme tous les chirurgiens de ce temps,
Estländer avait à coeur tout ce qui pouvait contribuer à faire disparaître les infections traumatiques; il fit
lui-même dès expériences dans ce but, mais n’arriva pas à des résultats satisfaisants.
Quand les maladies des yeux furent séparées de la chirurgie, en 1872, F ra n s Jo se f von B ecker
(1823— 1891), auparavant professeur de pharmacologie et de pharmacie, occupa la nouvelle chaire et prit
la direction de la clinique ophtalmologique; il s’acquitta de ses devoirs avec une scrupuleuse conscience.
Il faut citer de lui un travail intitulé Des transformations des hydrates carboniques dans l’organisme, et
des recherches. sur la structure du cristallin chez l’homme et chez les mammifères.
O tto E d v a rd A u g u s t H je lt (né en 1823) occupa le premier la chaire d’anatomie pathologique;
c’est à lui qu’échut la mission importante d’introduire cette nouvelle branche d’études dans notre faculté.
Le succès couronna ses efforts et il put inaugurer en 1878 le nouvel Institut d’anatomie pathologique,
établissement qui Satisfait à toutes les exigences de la science moderne. Ses nombreuses publications
Se rapportent, soit à des sujets d’anatomie pathologique (de la régénération dés nerfs, aperçu de 1,000
autopsies, etc.), soit à la législation hygiénique en Finlande, au développement de laquelle il contribua
beaucoup, soit encore à l’histoire de là médecine et des sciences naturelles.
S elim O sv a ld . W asa s t je r n a (né en 1831) fit prévaloir une méthode strictement critique dans renseignement
clinique de la médecine interne; il a écrit plusieurs mémoires scientifiques.
Jose f A dam Joakim P ippingskôld (1825—-1892) succéda en 1870 dans la chaire d’obstétrique à
K nut S amuel S ire liu s (mort jeune, auteur d’un travail sur le placenta praevia); il eut le mérite de faire
prévaloir chez nous les principes de propreté et les méthodes antiseptiques, où la science moderne a
reconnu une condition indispensable de la santé des accouchées. Il fut à même d’appliquer ses principes
sévèrement et avec le plus grand succès dans le nouvel hôpital d’accouchement inauguré en 1878. Il
a publié de nombreux travaux d’obstétrique et de gynécologie (sur le mécanisme et les formes variables
du bassin, sur la mortalité parmi les accouchées, sur les fistules uro-génitaies, etc.) ou sur les maladies
d’enfants (notes sur l’épidémie de scarlatine à Helsingfors, etc.).
Il est échu à une nouvelle génération de reprendre et de poursuivre l’oeuvre des hommes distingués
dont nous venons de parler. Des forces toujours plus nombreuses sont venues se mettre au service de
la science et ont défriché des domaines spéciaux qui n’avaient pas encore été cultivés chez nous; les
jeunes s’efforcent de plus en plus à réaliser le principe que les petits peuples ne peuvent conquérir une
place dans la science qu’en prenant part honnêtement et sérieusement au grand travail commun d’exploration
scientifique.
Disons donc encore quelques mots de cette jeune génération, dont la tâche n’est que commencée.