errer au loin. Quand enfin il revient chez lui, il trouve sa maison incendiée par l’ennemi et sa mère
cachée, dans le désert. Le froid l’oblige à interrompre une expédition de revanche entreprise contre le
Pohjola (Chants 26—30). "— L ’histoire de Kullervo, né pour le malheur, forme un nouvel épisode d’un
tragique poignant (Chants 31— 36), après quoi le poème raconte de longues hostilités entre le Kalevala
et le Pohjola. En effet, Vâinâmôinen, Ilmarinen et Lemminkâinen ont résolu d’entreprendre ensemble
une grande expédition contre le pays du Nord pour enlever le Sampo, ce moulin magique à l’aide duquel
on peut mener une vie sans soucis au sein de l’abondance. En route Vâinâmôinen fait de la mâchoire
d’un brochet le premier «kàntele» et en tire des sons si harmonieux que toute la nature en est charmée ;
les hommes en sont émus jusqu’aux larmes, et les dieux même en ont le coeur joyeux. Les héros
s’emparent du Sampo, mais pendant qu’ils se défendent contre Louhi, qui les a poursuivis, le Sampo
tombe dans la mer et se brise en plusieurs morceaux, dont les plus grands coulent à fond, tandis que
des débris en sont poussés par le vent sur les côtes du Kalevala (la Finlande) et y font l’origine du
bonheur éternel de Suomi. Vâinâmôinen réussit, par sa sagesse et par sa force, à déjouer toutes les
entreprises de l’ennemi contre la prospérité du pays — ainsi il contraint Louhi à délivrer le soleil et la
lune qu’elle a enfermés dans une montagne de cuivre, — jusqu’à ce qu’enfin la paix et la joie sont dorénavant
assurées au Kalevala (Chants 3 7— 49) . -— Le dernier chant reproduit la lutte entre la foi chrétienne
et les idées païennes du peuple. Une vierge nommée Mariatta donne le jour à un fils après avoir mangé
une'' airelle. Vâinâmôinen condamne cet enfant à la mort, mais au lieu de cela il est baptisé roi de
Carélie; alors le héros irrité s’éloigne à la voile, laissant pourtant après lui son kantele et ses chants
pour la joie éternelle de la Finlande (Chant 50).
Le motif central du poème est le forgeage du Sampo et son transfert du Pohjola au Kalevala.
Tous les voyages au Pohjola, soit pour obtenir la main de la belle vierge, soit pour délivrer le soleil
et la lune de la. montagne de cuivre, doivent avoir originairement la même cause que l’expédition de
conquête proprement dite. Nous voyons ainsi développé et multiplié dans ces chants épiques ce que la
légende en prose nous raconte d’un héros infiniment fort qui se fraye un chemin à travers tous les dangers
.jusquà un pays ennemi .pour en rapporter une vierge merveilleusement belle et des trésors immenses.
Oè noyau du Kalevala est incontestablement mythique et commun à la poésie de beaucoup de peuples,
mais, fl n’est pas développé également dans toutes ses parties. L ’événement principal, la conquête du
Sampo, y occupe moins de place que certains faits secondaires ou épisodiques. Il s’ensuit qu’on peut
adresser des critiques sérieuses au poème considéré clans son ensemble, comme un tout artistique. Mais
ces objections perdent de leur importance Si on s’attache au mérite purement poétique des chants et à
ce caractère spécialement finnois qui les relie et en fait l’unité. Quelques éléments étrangers que la
critique comparée ait découverts Ou puisse découvrir encore dans le Kalevala, il faut pourtant reconnaître
que lé peuple finnois a fait siens ces éléments empruntés et y a mis le cachet de son génie propre.
Au point de vue poétique, il faut dire tout d’abord que le récit avance avec la clarté tranquille qui
est le propre de la naïve épopée populaire. Rien d’affecté, rien de réfléchi, mais bien des passages où
la nature du sujet élève la poésie à une énergie grandiose d’expression. Ainsi la description du chant
de Vâinâmôinen :
Puissamment chante Vâinâmôinen: Les collines grondent sourdement.
Les lacs se soulèvent, la terre tremble, Les rochers volent en éclats,
Les montagnes d’airain tressaillent profondément, Les pierres du rivage se fendent.
(Chant 3: 295—300).
Le poème épique finnois peut donc, pour ce qui est de la clarté et de la puissance, soutenir la
comparaison avec les oeuvres de ce genre les plus parfaites; mais, si on le compare aux chants homériques,
le récit des événements paraît souvent maigre, pauvre de détails — ce qui n’empêche pas, naturellement,
que le Kalevala donne dans son ensemble une image tout aussi minutieuse du caractère et
de la vie du peuple que l’épopée grecque. Mais quant aux caractères des personnages, on a dit avec