accompagnement de piano. En réalité, Collan est le premier de nos musiciens qui ait cherché à appliquer
dans son art la belle maxime de la poésie populaire; «Ecoute la voix du sapin au pied duquel est
bâtie ta demeure», et la popularité dont jouissent ses chants est due en grande partie justement à ce
cachet national qu’ils portent. Citons, parmi les meilleures compositions de Collan, le beau chant «Otaliga
vâgor vandra» (Des vagues sans nombre cheminent), sur des paroles de Runeberg, un favori déclaré de
tous les amis du chant dans le Nord, puis «Stjârnan» (L’étoile), «Rose,-Marie», «Sylvias julvisa» (La chanson
de Noël de Sylvia), «Du âr min ro» (Tu es mon repos), etc. Les plus remarquables des choeurs
d’hommes composés par Collan sont: «Vasa marsch» (paroles de Topelius) et «Savolaisen laulu» (paroles
d’Ahlqvist), chants bien trouvés et bien composés, et, de plus, soutenus et pénétrés d’un sentiment
patriotique plein de confiance juvénile.
La carrière de F il ip v o n S c h a n t z (1835— 1868) s’ouvrit pleine de promesses, mais elle fut courte.
Entré à l’Université en 1853, un conflit avec les autorités l’engagea, en 1855, à quitter les études et à
se vouer à la musique. Après deux ans passés à Leipzig, il put déjà en 1858, dans un concert donné
à Helsingfors, remplir le programme de ses seules compositions, en tête desquelles était une «Ouverture
de Kullervo» et une marche d’étudiants, «Vi âro andens fria folk» (Nous sommes le libre peuple de la
pensée). De 1860 à 1863, von Schantz fut chef de l’orchestre nouvellement formé du théâtre de 'Helsingfors;
après l’incendie du théâtre, qui eut lieu cette année-là (1863), il se rendit en Suède, d’où, après
des alternatives de triomphes artistiques et de revers pécuniaires, il revint à Helsingfors -en 1864 avec
une santé ruinée. Outre les compositions déjà nommées, il faut citer, parmi les principales de von
Schantz, la musique d’un drame en quatre actes de R. R. Rosendahl, «Ainamo» (1861), et «Ynglingens
drômmar» (Les rêves de l’adolescent), cantate avec solos, mélodrame, choeur et orchestré, composée sur
le poème du même nom, de Topelius. Ge dernier ouvrage n’a été représenté qu’après la mort du compositeur;
il met en lumière les plus beaux côtés du talent de l’auteur, mais en même temps il a des
défauts, qui sont sans doute la cause qu’il n’a pas figuré au programme de nos . concerts depuis une
vingtaine d’années, bien qu’il soit resté si cher à la mémoire de tant d’amis de la musique. Malheureusement
l’inspiration dé von Schantz était entravée par l’insuffisance de ses études théoriques; c’est pourquoi
ses ouvrages d’une certaine étendue trahissent les tâtonnements de l’amateur à côté de finesses de
contrepointiste et d’une riche inspiration mélodique. Ce jugement s’applique aussi à la marche d’étudiants
nommée ci-dessus, et dont pourtant le charme entraînant résistera longtemps encore aux variations du
goût. On y sent vibrer, comme dans les marches de Collan, un optimisme lumineux, vivifiant, quelque
chose de cette conscience naissante de la nationalité et de ce retour du courage de vivre qui marquent
cette époque d’après 1860. Plusieurs des chants plus courts de -von Schantz révèlent aussi- une individualité
artistique bien marquée et ont droit à une place éminente dans notre littérature musicale.
Nous dévons mentionner, parmi les contemporains des deux derniers, K a r l G u s t a f W a s e n iu s (né
en. 1821) et A u g u s t T a v a s t s t j e r n a (1821— 1882). Le premier mérite une mention, non seulement pour
avoir été l’âme de la vie musicale à Àbo, mais aussi comme compositeur (les comédies lyriques «L’inventaire
», «La croix d’or», «Trois prétendants», etc.). Tavaststjerna a été un des chanteurs amateurs les
plus fêtés de notre pays; il a laissé un grand nombre de compositions, dont quelques-unes sont remarquables.
Citons parmi les meilleures l’opéra «Semfira» (livret tiré d’un poème de Pouchkine), représenté
à Helsingfors en 1870, et quelques assez grandes, compositions religieuses: «I Jerusalems dôttrar» (O
filles de Jérusalem) et d’autres.
Tous les successeurs immédiats de Collan et de von Schantz sont encore vivants; il appartient à
l’avenir de porter sur eux un jugement tout à fait objectif. Il faut faire observer cependant que les rapides
progrès des vingt dernières années ont singulièrement amélioré les conditions sociales favorables à
l’exercice des beaux-arts dans notre pays et augmenté les exigences du public. On a pris l'habitude de
juger même les productions indigènes d’après la plus haute norme, et le dilettantisme est désormais
exclu de tout succès durable dans l’arène des arts.
Au premier rang de nos musiciens actuels, nous trouvons le successeur de Paçius à l’Université,
R i c h a r d F a l t in (né en 18 3 5 ). Venu très jeune encore de l’Allemagne, où il a fait ses études musicales,
Faltin a consacré dès lors toute son activité à notre pays, ce qui nous autorise à le compter parmi les
nôtrés. Établi à Viborg de 1856 à 1869, Faltin .y a fondé une société de chant et une société de musique
instrumentale; par de nombreux concerts, auxquels il prenait part soit comme chef d’orchestre, soit
comme compositeur ou comme virtupse,' il donna à la vie musicale une activité inconnue jusque-là dans
cette ville. A Helsingfors, où il est établi depuis 1869, Faltin a fait beaucoup pour la musique soit
comme chef d’orchestre, soit Comme professeur, soit surtout comme fondateur et directeur de la Société
de chant, qui a existé de 1871 à 1884.
Les principales oeuvres de Faltin sont: une cantate pour une fête à l’honneur de Topelius (1888,
pour choeur à capella), une cantate pour choeur, solos et orchestre à l’occasion des promotions de 1890,
un des ouvrages les plus considérables, sous le rapport de l’étendue et de la valeur artistique, qui aient
été composés en Finlande, de nombreux chants soit‘pour solo avec accompagnement de piano, soit pour
choeur d’hommes, et un grand nombre d’arrangements (des hymnes Hilariennes, des chants populaires,
des chansons de Bellman, etc.). Faltin a publié, en outre, des chorals pour l’Eglise de Finlande et une
riche collection de préludes-et de finals de cantiques, ouvrage modèle en son genre (1888— 1892).
M a r t in W e g e l iu s (né en 1846) partage avec Faltin la direction de la vie musicale dans la capitale
et par là même dans tout le pays. Il a achevé ses études musicales à Vienne' et à Leipzig; là, les idées
réformatrices de Richard Wagner exercèrent une influence décisive sur son goût et ses opinions en
musique. Soit comme compositeur, soit comme directeur de notre seule école supérieure de musique,
l’Institut de musique de Helsingfors, Wegelius a travaillé activement au progrès de la vie musicale et a
puissamment contribué à faire pénétrer les nouvelles idées musicales dans notre pays. Les principales
compositions de Wegelius sont: l’ouverture de «Daniel Hjort», un concert pour piano et orchestre, deux
cantates: «Le 6 mai», composée à la mémoire de J. L. Runeberg (1878), et «La nuit de Noël», quelques
choeurs à capella, «Necken» (choeur dramatique sur des paroles de G. Wennerberg) et deux ballades:
«La vierge dans le bosquet» et «Mignon», pour solo, et orchestre. De plus, Wegelius a publié deux
ouvrages de mérite: «Théorie générale de la musique» (1889) et «L’histoire de la musique en Occident»
(1893).
R o b e r t K a j a n u s (né en 1856), chef de l’orchestre de Helsingfors, a composé surtout de la musique
instrumentale, spécialement pour orchestre. Élève du conservatoire de Leipzig et de J. Svendsen, Kajanus
débuta, en 1881, par une symphonie intitulée «Kullervo» et qui a été exécutée à Leipzig sous sa
propre direction. On remarque encore parmi ses principales compositions deux «Rapsodies finnoises»
(1882 et 1886), dont la première fut aussi exécutée à Leipzig et à Dresde, une «Marche funèbre à l’occasion
de la mort de E. Lônnrot» (1884), une 'Symphonie «Aino», une «Romance» pour violon et orchestre,
etc. Kajanus est aussi l’auteur, de plusieurs chants pour choeur d’hommes et pour solo, et de morceaux
de piano.
K a r l F lodin (né en 1858), subissant l’influence, de la musique allemande moderne, et particulièrement
de Liszt, a travaillé comme critique et comme compositeur à imprimer au goût musical du public
une diretion toute moderne. Les plus importantes de ses compositions sont: un choeur d’hommes «Sur
les bords de la mer», «Cortège», pour orchestre de cuivres, «Par une nuit d’été», pour choeur mixte, et
«Hélène», scène tirée du Faust de Goethe, pour soprano et orchestre.
Kajanus avait tenté avec succès de rendre des sujets tirés de notre poésie populaire en conservant
le caractère de la musique populaire et, au besoin, en lui empruntant des motifs. Je a n S ib e l iu s (né en
1865) est allé plus loin encore dans cette voie. Inspiré, comme von Schantz et Kajanus, par le pathétique
sublime du mythe de Kullervo, Sibelius a composé une grande «Symphonie de Kullervo» (1892), où il
cherche à revêtir le merveilleux poème d’une forme musicale caractéristique et spécifiquement nationale;
il fait preuve dans cette oeuvre d’une puissante imagination et d’une remarquable originalité, qui pourtant
touche parfois au parti pris.