un latin farci de tous les superlatifs de l’éloquence classique et était accompagnée d’un appareil de
fonctionnaires, praeses, custos, respondentes, opponentes, qui lui imprimait un cachet de cérémonie du moyen
âge. Tout cela a été simplifié par les statuts de 1852. Les thèses sont maintenant le plus souvent
écrites en suédois, ou bien en finnois depuis 1858, où fut soutenue la première thèse en cette langue,
quelquefois aussi en latin ou en une langue étrangère moderne. Le nombre total des thèses publiées
pendant les trois années académiques 1890— 1893, est de 55.
Une université comme celle de Finlande, placée à l’écart des grands courants de la civilisation, doit
se proposer comme tâche principale de faire participer sa propre nation à la haute culture scientifique.
Elle n’est pas dans les mêmes conditions que beaucoup de ses soeurs d’Europe pour frayer - des voies
nouvelles dans le domaine de la science pure. Elle a cependant contribué pour sa part aux travaux de
recherches scientifiques. Nous n’en voulons pour témoignage que les noms de quelques-uns dés hommes
qui en ont occupé les chaires, bien que chez nous les recherches, il est vrai, aient surtout porté, quand
la matière le permettait, sur des objets touchant à notre pays, à sa nature et à son peuple. Nous ne
citerons pas ici lés professeurs finlandais qui se sont fait un nom dans les annales de la science;- nous
renvoyons le lecteur au chapitre traitant de la littérature scientifique. Nous ferons observer cependant
que plusieurs des hommes qui ont atteint la célébrité - dans le monde de la science, avaient fait leurs
études à notre Université, si même ils n’avaient pas fait partie de son personnel enseignant ; ainsi Te
philologue A. J. S jö g r e n , l’astronome H. G y l d é n , le circumnavigateur du vieux monde N. A. E. N o r -
d e n s k iô l d .
Malgré l’augmentation des ressources matérielles, un certain engourdissement s’était emparé de la
vie intellectuelle à l’Université dans les années qui suivirent immédiatement 1809. Porthan était mort,
Calonius occupé ailleurs, Franzén s’était établi en Suède. La vie ne s’y montra plus que par étincelles
tant que l’Académie resta à Âbo. Une revue, la Mnemosyne, rédigée de 1819 à 1823 par le professeur
de littérature latine J. G. L in s e n , demandait qu’on travaillât dans l’intérêt de la langue et de la nationalité
finnoises, et A. I. A r v id s s o n , profésseur-agrégé d’histoire, se fit le champion de ces revendications,
en même temps qu’il s’attaqua avec une ardeur juvénile, mais inconsidérée, aux institutions établies.
Mais les temps n’étaient pas mûrs pour la réalisation de ces idées; Arvidsson ayant provoqué la colère
du vice-chancelier, le comte J. F. Aminoff, par un article de la Mnemosyne où il critiquait l’armée, fut
destitué sans aucune forme légale, et, resté sans ressources, dut partir pour la Suède en 1823.
Mais peu après le transfert de l’Université à Helsingfors, il se forma dans son sein une réunion
qu’on appela la Société du samedi et dont il sera question plus en détail dans un autre chapitre: c’était
un cercle de jeunes hommes supérieurement doués et animés de sentiments enthousiastes pour la littérature,
la science et la patrie. De ce cercle partit un mouvement d’idées qui, se propageant peu à peu,
finit par pénétrer jusque dans les couches profondes de la nation. L ’oeuvre poétique de Runeberg, où
la profondeur de sentiment des peuples du nord revêt les formes pures de l’art grec; le travail fructueux
de Lönnrot pour tirer de l’oubli les trésors anciens de la poésie et de la sagesse du peuple finnois; les
efforts énergiques de Snellman pour ouvrir la Finlande au puissant courant d’idées que la philosophie
idéaliste, sortie de l’Allemagne, répandait alors sur une grande partie de l’Europe: — toutes ces impulsions
ne pouvaient pas rester sans effet et devaient naturellement agir tout d’abord sur l’Université et
ses jeunes disciples.
Les moeurs des étudiants gardaient encore beaucoup de la rudesse et de la licence des temps
anciens. Les rixes, l’ivrognerie étaient fréquentes. Mais cet état de choses changea sous l’influence du
mouvement idéaliste. Diverses circonstances contribuèrent particulièrement à élever les pensées vers des
buts plus nobles: ainsi, le jubilé célébré en 1840 en l’honneur du deux centième anniversaire de la fondation
de l’Université. Les quatre facultés organisèrent des promotions; on s’y rendit en foule, non
seulement des différentes parties du pays, mais même de l’étranger. C’est ainsi qu’on vit, par exemple,
arriver de Suède l’évêque F r a n z é n , le vieux poète, qui revoyait sa patrie et l’Université dans de tout
autres conditions que lorsqu’il les avait quittées, trente ans auparavant. Salué avec enthousiasme par la
jeunesse, qui s’était portée en foule à sa rencontre, il fut pendant son séjour l’objet des hommages et
de la vénération de tous. Parmi les hôtes venus de Russie, on remarquait, parmi plusieurs savants et
hommes de lettres, l’éminent écrivain j . G r o t , appelé plus tard comme professeur de russe à l’Université
de Helsingfors, où il a laissé un souvenir respecté. Divers travaux scientifiques et littéraires furent
publiés à l’occasion du jubilé, qui par là e i par l’élan patriotique que ces fêtes communiquèrent aux
esprits, eut une influence • durable.
Il était de tradition dans le corps des étudiants de fêter chaque année une «fête de mai» à laquelle
ils conviaient de nombreux hôtes dés .deux sexes. La fête de mai de 1848 revêtit un caractère particulier
et a laissé un souvenir inoubliable à tous ceux qui y ont assisté. C’est là que fut chanté pour la première
fois le «Vârt Land» (Notre Pays) de Runeberg, sur la mélodie composée pour la circonstance par
Pacius: il fût dès* ce moment le chant national finlandais. A cette mênie occasion, le meilleur orateur
de la Finlande, F r e d r ik C y g n a e u s ,- connu aussi comme historien et comme'poète, prononça un discours
qui fit ¿éclater en une flamme claire le feu du patriotisme
qui couvait sous la cendre dans le coeur d# |a
jeuifesse.
Le mouvement national qui avait en vue-d’élever
l’idiome de la grande majorité du -peuple, le finnois,
au rang de langue de civilisation, avait à cette époque
gagné de nombreux partisans dans les rangs de la jeunesse
universitaire. Mais on avait réussi à persuader,
non seulement au gouverneur général, le prince M en -
s g h ik o f f , niais aussi à l’Empereur N i c o l a s lui-même,
que ce mouvement tachait des tendances révolutionnaires.
et que les étudiants finlandais n’étaient pas
restés étrangers aux idées de bouleversements politiques
du moment. Des excès regrettables dont quelques
étudiants s’étaient rendus coupables, semblèrent prêter
appui à cette opinion. On prit alors des mesures pour
Soumettre la jeunesse à une surveillance plus stricte, et
le vice-chancelier, le général J. M. No r d e n s t a m , reçut
l’ordre de réprimer sévèrement le moindre signe d’opposition..
Les étudiants avaient de tout temps été groupés,
d’après la province dont ils étaient originaires, en «nations
», ou «divisions», comme elles furent appelées depuis ^
A l e x a n d r e N i c o l a ï é v i t c h c om m e c z a r é v i t c h .
1828. Les autorités crurent voir dans ces divisions des foyers de propagande révolutionnaire; aussi furent-
elles Supprimées par les statuts de 1852 et remplacées par une répartition en facultés. Un autre changement
introduit par ces statuts fut la suppression de la chaire de philosophie. Comme l’on sait, l’Empereur
Nicolas attribuait à la philosophie. une grande part dans les opinions subversives qui agitaient alors
toute l’Europe.
Ce fut un bonheur inestimable pour l’Université, dans ces temps difficiles, que d’avoir pour intercesseur
auprès du Monarque le Czarévitch, le Grand-Duc A l e x a n d r e N ic o l a ï é v i t c h . Le jeune prince
avait visité Helsingfors et son Université, dont il était le chancelier, pour la première fois en 1842 et avait
gagné les sympathies générales par ses manières nobles et courtoises. Plus tard il employa son influence
en faveur de l’Université dans bien ;des circonstances critiques. En 1851, un certain nombre d’étudiants,
voulant témoigner leur mécontentement au vice-chancelier, le général Nordenstam, ne se rendirent pas à
son invitation à un bal qu’il donnait pour fêter le vingt-cinquième anniversaire de la nomination du
Grand-Duc Héritier au poste de chancelier. L ’Empereur, irrité de ce manque de respect envers son
représentant, menaça de fermer l’Université. Le Grand-Duc s’entremit alors, réussit à apaiser son père,