médiocrité des ressources et le défaut d’une atmosphère artistique. Fredrik Cygnaeus, qui fut pendant près
de trente ans l’âme de la Société des beaux-arts, nous offre bien le type d’un amateur d’art finlandais
de ce temps-là. L art était pour lui une sorte de religion et son amour de l’art se concentrait comme
en un foyer dans son patriotisme ardent, qui ne connaissait ni obstacles ni limites et d’où il rayonnait
au dehors, réveillant le zèle, relevant les courages abattus, rêvant d’un grand avenir pour l’art finlandais,
alors qu’il en était encore à la première aurore. Bien peu nombreux étaient ceux qui avaient pour l’art
l’oeil exercé, du critique ou le moyen de s’entourer d’oeuvrès dispendieuses, mais tous voyaient dans les
progrès de l’art une cause patriotique qu’il fallait servir de toutes ses forces. Les demandes de tableaux
d’autel — alors le seul véritable-besoin artistique en Finlande — ne profitaient qu’à la peinture; Sjôstrand
ne recevait guère de commandes particulières,- la mise en loterie de ses propres oeuvres était un moyen
auquel il ne pouvait pas recourir trop souvent, et alors seulement pour de petits ouvrages. Mais dès
qu’il s’agissait dé réaliser une pensée qui trouvait de l’écho dans les âmes finlandaises, la générosité
publique était tout de suite prête à fournir les moyens. Le successeur immédiat de Sjôstrand,, le sculpteur
W. Runeberg, éprouva encore dans sa jeunesse les effets de cette protection collective du public.
Y Telle jf® situation des beaux-arts,' et en particulier de. la sculpture, à cette époque; c’est dans
ces conditions exceptionnelles qu’ils prirent racine en Finlande.
M a g n u s v o n W r i g h t (181^-1868), lui aussi, eut son ample part d’encouragements et de soucis
pécuniaires. C’était un peintre habile et délicat, dont le coeur était chaud et la main sûre. Mais autodidacte
qu’il était, toute son application et tout son amour pour son art ne purent pas faire de lui un
artiste au libre essor. Dans ses tableaux d’oiseaux, la science du zoologiste entrave un peu le libre coup
d’oeil de l’artiste, et' dans ses innombrables paysages au crayon et à l’huile, il tente en vain de suppléer
au défaut d’ensemble par la minutie de détails habilement peints. Son frère, F e r d in a n d v o n W r i g h t
(né en 1822), -s’est aussi formé lui-même au maniement du pinceau. Mais malgré son isolement dans ses
terres paternelles au fond du Savolaks, il a progressé pas à pas avec une admirable persévérance vers
le but qu il s est fixé dans la peinture des animaux: une reproduction vivante de la nature (voir les gravîmes
pp. 21 et 22).
La génération d artistes finlandais qui suit les premiers pionniers est déjà plus nombreuse et elle a
1 avantage de trouver le terrain préparé. Les progrès que l’art finlandais fait actuellement sont dus en
première ligne aux impulsions reçues des grandes écoles de l’étranger. Nos artistes s’établissent à Rome,
à Dusseldorf, à Munich et à Paris, ou du moins y séjournent le plus longtemps possible et y retournent
souvent. Les talents se perfectionnent rapidement et les exigences de la critique augmentent dans la
même proportion; en même temps l’intérêt naïvement patriotique qui s’attachait au sujet tend à faire
place à des préoccupations plus purement artistiques. Puissamment-,soutenu par l’État depuis 1863, l’art
commence aussi à trouver dans le luxe croissant 7de meilleures conditions d’existence.
Déjà avant la fondation de la Société des beaux-arts, E r i k J o h a n L ô f g r e n (1825— 1884), suivant la
voie ordinaire, s’était rendu à Stockholm, dont l’Académie fut encore longtemps la première station des
jeunes artistes de l’ouest de la Finlande. Mais ce ne fut qu’après 1853, à Dusseldorf, qu’il fit sa véritable
éducation artistique. Malgré son tempérament passif et mou, qui s’était révélé dans une suite de
sentimentales figures de femmes, il aborda dans «Agar et. Ismael» (Dusseldorf 1858, à la galerie de la
Société des beaux-arts) et dans «Erik XIV et Karin Mânsdotter» (Paris 1864) la grande peinture d’histoire
dans le style romantique. Ce qu’il lui aurait fallu en premier lieu pour y réussir — l’entente de la
composition, la force dans la caractérisation, la fermeté du dessin lui était étranger, tandis qu’on
trouve dans ses tableaux un idéalisme souvent sympathique dans la conception et une couleur douce et
agréable.
Il n y avait en tout cas pas dans Lôfgren l’étoffe d’un chef pour la jeune génération qui rêvait
d’élever l’art en Finlande au niveau des autres pays. Ce rôle échut à W e r n e r H o lm b e r g (né à Hel-
singfors en 1830), peintre de paysage, qui suivit à peu près en même temps que Lôfgren le courant
Scandinave vers Dusseldorf. Doué d’un rare talent et d’une forte volonté, il atteignit rapidement une