c’est ainsi qu'apaisé, éclairé par cette lumière nouvelle, Fialar s’endort dans le sein des dieux. C’est avec
raison que Runeberg, dans une remarquable analyse qu’il fait de son poème en réponse à la critique de
Snellman, l'appelle un chant en l’honneur des dieux. En effet, dans aucune de ses oeuvres autant que
dans celle-ci, il n’a fait des plus nobles et des plus profonds mystères de la vie humaine le fond même
de son poème. Il y montre la nature bonne, éducatrice de la vie. Ce motif y est développé dans le
milieu le plus grandiose; jamais le génie du poète ne s’était montré si grand, si magistral, soit par l’art
de la composition, où tout est vivant, où rien n’est factice, ne paraît calculé, soit par la puissance caractéristique
du style et de la versification. Son vers, toujours parfait, rend aussi fidèlement l’harmonie âpre
et sauvage des vieux bardits Scandinaves, dans le premier et le dernier des cinq chants du poème, que
le ton plus doux de la poésie ossianique dans les trois autres.
Cependant Runeberg avait publié ses dernières poésies lyriques dans'un troisième volume de «Poésies
». en 1843. Les morceaux purement lyriques qu’on y trouve, et qui datent des dix dernières années,
sont d’une inspiration ou doucement élégiaque, ou même profondément mélancolique: le désespoir de la
femme abandonnée, des paysages d’automne, des pensées, des aspirations à une autre vie. Ce volume
contient aussi un certain nombre
lüte SÉI de légendes, arrangées ou librement
composées pendant que
l’auteur cherchait une solution
aux problèmes religieux. Le
recueil, commence par quelques
morceaux narratifs de peu d’étendue,
dont deux traitent de souvenirs
de la guerre et ont trouvé
place plus tard dans les «Récits
de renseigne •'Stâl». En effet,
le temps était venu où ces récits,
qui depuis sa jeunesse germaient
dans l’imagination du poète,
allaient prendre la formé sous
laquelle nous possédons ces précieuses
manifestationsj de son
amour pour. notre commune
patrie. Quelques circonstances
contribuèrent à fixer sur ces
I n t é r i e u r d e l a d e r n i è r e d e m e u r e d e R u n e b e r g
d e v e n u e p r o p r i é t é , n a t i o n a l e .
sujets la pensée du poète, dont le génie avait atteint alors sa pleine maturité. Ayant de nouveau rencontré
à Borgâ et dans les environs quelques survivants de la guerre de 1808 ou les descendants directs
des hommes qui y avaient pris part, il avait recueilli de leur bouche maint trait vivant et caractéristique;
puis, en 1842, parut l’histoire si vivement racontée et si riche en épisodes de cette guerre de G. Mont-
gomery. Pour relier entre elles ces pièces d’ailleurs parfaitement indépendantes, si variées de mètre et
de style, de ton et de couleur, il attribue les récits à un enseigne, coeur simple et droit, dont il avait
fait la connaissance du temps qu’il était précepteur. Cependant le nombre est petit des morceaux où
l’enseigne s’exprime en son propre nom, et moins nombreux encore sont ceux où le ton et le langage
sont appropriés à son caractère. Il ne faut voir dans le personnage de l’enseigne Stâl qu’une personnification
poétique de la tradition populaire. La forme est quelquefois purement lyrique, quelquefois plutôt
épique; le ton passe par toutes les gradations,* depuis les sentiments les plus élevés et les plus enthousiastes
jusqu’à l’ironie amère ou la gaîté populaire, variant avec la nature du sujet et la disposition
du poète. Cest une galerie de tableaux d’héroïsme inspiré par l’amour de la patrie, où chaque pièce
forme un tout achevé, mais qui dans son ensemble donne une image complète de cette lutte fatale qui
«Wilhelm von Schwerin»
(Réc its de l ’ enseigne Stâlj
d ’a p r è s u n d e s s in d e A. E d e l f k l t .