indigènes, représenta d’une façon toujours satisfaisante et quelquefois excellente un grand nombre d’opéras
célèbres. Le répertoire d’opéra du théâtre suédois fut aussi d’une certaine importance pendant cette
période. Cependant le public n’était ni assez nombreux ni assez riche pour soutenir longtemps de telles
entreprises; les représentations lyriques durent cesser, d’abord sur la scène finnoise (1879), peu après
au théâtre suédois (1880). Depuis lors, il n’y a plus eu de représentations régulières d’opéras dans
notre pays.
L ’histoire de la musique instrumentale en Finlande est vite passée en revue. Nous avons déjà dit
que la première tentative d’établir un orchestre fut faite à Àbo au commencement du siècle. Depuis
lors encore, cette source importante de jouissances musicales a pu être entretenue dans l’ancienne capitale,
et cela grâce, en première ligne, à K. G. Wasenius, qui a beaucoup fait pour l’entretien de la vie
musicale à Âbo, et qui, en 1868, alors que la «Société» fut réorganisée pour la troisième fois, constitua
un orchestre presque exclusivement composé de musiciens du pays. Actuellement la Société musicale
d’Àbo entretient, avec l’aide d’une subvention de l’État, un excellent orchestre, dirigé par un musicien
allemand connu, K. Müller-Berghaus.
Au temps de Pacius encore, Helsingfors n’avait pas d’orchestre permanent; celui-ci devait, quand
il avait besoin d’un orchestre, en aller chercher les éléments dans les musiques militaires et parmi les
amateurs; cependant, comme nous l’avons dit en passant, il fondit ces éléments divers en une «Société
symphonique». Vers 1860 et principalement sur son initiative, quelques jeunes gens furent envoyés en
Allemagne avec des bourses de l’État pour s’y perfectionner dans le maniement des instruments; ainsi
fut constituée une chapelle qui débuta en 1860 sous la direction de von Seharttz. Depuis lors, sauf un
court intervalle à la suite de l’incendie du théâtre en 1863, la capitale a eu un orchestre permanent,
habilement dirigé et qui n’a pas cessé de progresser. «L’orchestre des concerts de Helsingfors» est
entretenu par une société particulière et subventionné par l’État; nombreux, bien composé, habilement
dirigé par un artiste éminent comme R. Kajanus, cet orchestre peut être considéré à l’heure qu’il est
comme l’un des meilleurs du Nord.
D’autres villes encore, comme Vasa et Viborg, possèdent maintenant des orchestres importants.
Dans ces endroits du reste et dans plusieurs autres encore, des musiques militaires contribuent pour une
bonne part à la vie musicale. La plus distinguée de toutes est la musique de cuivres de la garde finlandaise,
dont le chef, A. L e a n d e r , qui la dirige depuis vingt ans, est un véritable artiste.
Mlle A l i e L in d b e r g (née en 1849) et H a r a l d v o n M i c k w it z (né en 1859) se firent connaître, à
dix ans de distance, comme d’habiles pianistes. La première exerce actuellement son art en Norvège;
le second est professeur au conservatoire de Carlsruhe. La toute jeune génération promet des pianistes
de réelle valeur (Edvard Fazer, Karl Ekman, et d’autres). Le plus distingué de nos violonistes, J o h a n
L in d b e r g (né en 1837), s’est établi, jeune encore, à Stockholm, où il est maintenant professeur à l’Académie
royale de musique.
La jeunesse peut faire des études musicales complètes à XInstitut de musique de Helsingfors, fondé
en 1882 par L . Borgstrôm et d’autres amis de la musique, soutenu par une «Société de musique», fondée
dans ce but, et subventionné par l’État. Sous l’habile et savante direction de M. Wegelius, cette école
n’a cessé de progresser; le nombre des élèves est allé en augmentant (126 en 1893—94); 13 professeurs,
dont quatre femmes, y enseignent la musique instrumentale et vocale et la théorie musicale. La Société
de musique organise en outre des auditions musicales et des concerts avec concours des professeurs et
des meilleurs élèves de l’Institut; c’est là depuis une dizaine d’années un élément important de la vie
musicale à Helsingfors.
A l’«Orchestre des concerts de Helsingfors» est aussi jointe une école qui enseigne la pratique des
instruments à de nombreux élèves. En outre, un grand nombre de professeurs particuliers propagent
dans tout le pays le goût et la science de la musique.
L intérêt croissant pour la musique en Finlande s’est manifesté d’une manière nouvelle dans ces
dernières années. Sur l’initiative de sociétés ayant pour but la diffusion de l’instruction parmi le peuple,
on a organisé des fêtes, musicales, où des sociétés de musique vocale et instrumentale de toutes les parties
du pays se réunissent en été, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, pour prendre part à des
concours et pour s’y réjouir ensemble. Ces fêtes n’ont pas eu pour unique résultat d’élever le niveau
des productions musicales des sociétés populaires qui y sont représentées; elles remplissent un but patriotique
en même temps qu’elles répandent de plus en plus l’amour de l’art musical. .
Nous possédons donc en musique aussi le commencement d’un art national. Un nombre croissant
de créations musicales tirent leur inspiration de l’antique musique épique, des mélancoliques mélodies
populaires, o,u de la grâce un peu triste des paysages finlandais, ou bien encore cherchent à donner une
expression poétique aux courants d’idées et de sentiments qui agitent l’âme de la communauté. En progressant
dans cette voie où la tâche de l’artiste est ennoblie par l’inspiration patriotique, la musique finlandaise
concourra avec les autres forces intellectuelles à fortifier la vie spirituelle de la nation et à lui
imprimer un càractère original.
R. F. VON W lL L E B R A N D .
. C. L’ART SCÉNIQUE.
Les commencements de l’art dramatique furent en Finlande ce qu’ils ont été dans les grands pays
d’ancienne civilisation. Des représentations théâtrales données, dans les églises pour rehausser l’éclat des
fêtes religieuses en ont sans doute été l’origine ici comme ailleurs, bien que le souvenir n’en ait pas été
conservé1, comme dans le Midi, dans de volumineux manuscrits de miracles et de mystères et qu’il n’en
reste aucun témoignage tangible. Seules les visites que font de maison en maison, aux environs de
Noël, les «enfants à l’étoile» avec leur étoile de Bethléem au bout d’une perche, leurs trois rois mages —
la couleur du visage du roi nègre suppléant ce qui manque d’ailleurs en fait de fidélité historique — et
leur maigre chant, se continuent encore dans . quelques endroits du pays comme une image tronquée,
presque méconnaissable, de ce qu’étaient les pieux spectacles de l’Église catholique.
De l’Église et du clergé, l’art dramatique passa comme ailleurs aux mains de l’école et de ses
disciples. Les jeux du carême et la comédie scolaire, les deux genres dramatiques gais du commencement
de l’ère moderne, paraissent s’être fondus dans les «jeux du carême» des écoles. Les véritables
moralités eurent leur foyer proprement dit à l’Université d’Àbo, dont l’inauguration fut célébrée, le 17
juin 1640, par une comédie de ce genre — en suédois* tandis que les comédies scolaires étaient généralement
en latin, et’ elles y fleurirent jusqu’à la fin du siècle, si bien qu’il y eut là comme un modeste
commencement d’un art dramatique indigène.
Ensuite les guerres et la dureté dès temps étouffèrent en Finlande pendant près d’un siècle tout
intérêt pour les jeux de la scène. Mais l’art dramatique, qui pendant longtemps avait été une plante
exotique en Suède, y ayant pris racine en soi indigène sous Gustave III, envoya quelques rejetons jusque
chez nous. La première troupe suédoise qui donna dès représentations en Finlande était dirigée par un
certain S e y e r l in g ; Allemand de naissance et parlant mal le suédois, il n’en jouait pas moins intrépidement
dans cette langue. Arrivée vers 1780, cette troupe se maintint ici non moins de vingt ans, réjouissant
de ses productions selon toute apparence singulièrement primitives un public reconnaissant, et cela
non seulement à Helsingfors et à Âbo, mais même dans de petites villes de province qui jamais peut-être
depuis lors n’ont été honorées de la visite de comédiens de profession. Les représentations se donnaient
dans des granges, sous des hangars, dans le grenier des auberges ou quelquefois dans leur salle commune.
Le répertoire n’était point du tout classique; néanmoins des titres tels que «La création», «Le
visionnaire», «Susanne à Babylone», indiquent qu’on visait haut; en représentant les «Baillis royaux»
d’Envallson, on payait son tribut au nouvel art dramatique suédois.