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oreilles et noués ayec des courroies sous leur
menton, lesfaisoient ressembler, d’une manière
ridicule, aux Alsatiennës des environs
de Strasbourg, lorsqu’elles vont dans les
champs sarcler leur tabac et leurs légumes.
Les douleurs vives que j ’éprouvois aux
yeux et au gosier, la crainte d’en éprouver
de plus dangereuses encore, me firent
prendre, dp,mon côté , quelques précautions.
Ce n’étoit pas pour m’abriter la tête
du soleil, comme eux ; mon chapeau rabattu
et fort garni de plumes d’autruches
suffisoit pour me garantir : niais je voulois
nie faire un garde-vue contre cette éblouissante
réverbération du soleil, et une sorte
de paravant contre ces nuages de pbussière
caustique qui m’ulcéroient.
A cet effet, je me fabriquai, avec du
fil de laiton, un petit parasol, que je couvris
d’un mouchoir, et qui, assez léger pour
ne me fatiguer en aucune manière , me devint
pourtant très-utile. Son usagë parut à
mes gens d’une telle commodité qu’à mon
exemple , tous voulurent en avoir, et que
changeant la forme des peaux dont ils s e-
toient couvert la tê te , ils les transforme^
B n A F R i q ti B. i 4y
rent en parasols. Ces abris étoient ridiculement
faits, j ’en conviens j mais ils avoient
leur avantage, et ils leur furent d’une grande
ressource dans la route.
Une invention plus risible encore fut
celle de plusieurs de mes gens. Ils avoient
arrangé une grande peau de buffle sur des
piquets, et la portèrent au-dessus de leurs
têtes , en guise de dais.
Les femmes seules supportèrent avec courage
l ’extrême fatigue d’un voyage si extraordinaire.
Rien n’altéra leur gaieté. Toujours
également lestes, toujours folâtres,
elles ne scmgeoient qu’à plaisanter aux dépens
des hommes et de leur ridicule affu-
blement. Pour moi, j ’étoh à pied comme
les femmes, et bravois la fatigue, tant pour
épargner mes chevaux que pour ne pas risquer
ma vie sur des animaux q u i, bronchant
et buttant des genoux très-fréquemment
, m’eussent infailliblement cassé le
cou. Au reste, dans la circonstance où je
me tronvois , c’étoit pour moi un avantage
inappréciable que l’infatigable courage des
femmes. Il aiguillonnoit par la honte les
dégoûts et l’indolence de ces hommes, qui,
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