
mal, sans rien cacher de l ’un ni de l ’autre.
Je les engageai à renoncer aux idées
folles et chimériques dont on avoit nourri
leur avidité ; et leur dis que s i, au lieu de
perdre du tems à chercher , dans le pays,
de l ’or et des pierreries, qui ne s’y trou-
voient pas, ils vouloient s’y fixer et former
un établissement, il leur seroit facile
d’élever leurs enfans et de vivre dans
une aisance heureuse et tranquille.
On leur avoit inspiré beaucoup de préjugés
contre les Sauvages. Je les désabusai
sur cet article; et, me citant en exemp
le , je leur appris combien ils pourroient
tirer de services de ces peuples., s i, comme
moi , ils vou!oient se lier avec eu x , les"
prévenir par quelques amitiés, et suivre
une conduite qui m’avoit si bien réussi.
Enfin;, par un aveu qui s’accordoit mal
avec leurs idées, je les avertis, quoiqu’à
re g re t, de fuir le commerce de certains
Blancs qu’ils trouveroieht dans leur voisinage.
C’étOient-là, selon moi, leurs vrais
ennemis ; les seuls qù’iïs dussent craindre,
et dont il leur fallait sans cesse se défier.
.
Pendant tout mon discours , la femme
àvoit eu attentivement les yeux fixés sur
moi; et je voyois , par tous les mouve-
mens de son visage , l ’impression profonde
que je produisois chez elle. Cependant
le grand respect et la haute estime qu’elle
avoit pour son mari venoient de tems en
tems détruire ces sensations. Elle cherchoit
à lire dans ses regards ce qu’il pensoit,
afin de se décider sur ce qu’elle dèVoit
penser. Voyoit - elle chez ldi l ’expression
de l ’espérance ou de la joie pssa physionomie
s’épanouissoit de même a l’instant;
prenoit-il un air rêveur et inquiet , elle
changeoit de visage et se montroit inquiète
aussi; Tant d’amour pour tant de misère
me rendbit à moi-même son dévouement
respectable.
Mon discours parut le convaincre ;• il
avoua que quand on veut de l ’o r , il est
plus sûr de se .donner la peine d’en faire
par son travail que de le vouloir trouver
tout fait. Mais une grande difficulté l ’ar-
rêtoit ; c’étoit sa pauvreté.
Misérable , sans appui et sans ressource
a u c u n e q u e devenir dans le désert sau