
de marcher. Semblable à une pâte qui au-
roit été surprise par un feu trop âpre, il
formoit une croûte séparée du «ol, et qui
eût p u , non seulement recéler d’inombra-
bles familles de petits animaux, maislëur
permettre encore de faire , entre deux terres
, plusieurs lieues en tout sens.
La plupart de nos boeufs et suf-tout ceux
qui étoient pesamment chargés , y enfon-
çoient, à chaque pas , d’un demi pied , et
ces chûtes continuelles les tourmentoient
et les rendoient furieux. Nous-mêmes-nous
n’en étions pas exempts. Au moment où
•Mious nous y attendions le moins , le ter-
rein tout-à-coup s’enfonçojt sous nos pieds;
et l’on conçoit tout ce qu’une pareille marche
devoit nous donner de fatigues' et d’impatience.
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A cet inconvénient s’en joignoit un autre
, pins insupportable et pins désespérant
encore ; celui de cette cristallisation saline
q u i, répandue par-tout et frappée par un
soleil ardent, nous brûloit d’une réverbération
enflammée, en même tems qu’elle
nous éblouissoit par le reflet des. rayons.
La poussière légère qui la couvroit, et qui
1 en
enfaisoit partie, s’élevoit autour de nous
au moindre coup de vent. Nous-mêmes
d’ailleurs, par les mouvemens indispensables
de notre marche, nous en excitions
des nuages épais, qui, nous montant au v isage
, venoient remplir et picotter nos yeux.
Obligés de la respirer , nous en avions les
narines ulcérées. C’étoient des cuissons intolérables.
Nos lèvres en étoient même
tellement attaquées qu’au moindre mouvement
pour parler elles saignoient ; et qu’une
phrase à prononcer dçvenoit pour nous une
souffrance.
Je m’apprêtois à reprendre ma route après
le dîner, afin d’échapper à ce fléau. Un orage
qui survint suspendit ma marche et nous
obligea de passer la nuit près du lac.
Ce eontretems néanmoins ne fut pas perdu
pour mes gens. Nécessité d'industrie est la -
mère , a dit un poëte françois. Dans la marche
du matin, ils avoient extrêmement souffert
de la chaleur du soleil. Pour s’en garantir
pendant le reste du voyage, ils prirent;
tout ce qu’ils avoient de peaux sèches de
moutons et de gazelles , et s’en firent des
chapeaux plats , q u i, étant rabattus sur les
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