
Cette indifférence pour un, objet que jus-
ques-là j ’avois .vu recherchéjvavec empressement
par toutes les nations sauyages et
regardé par elles comme une jouissance exquise
, m’annonçoit, ainsi que beaucoup
d’autres choses dont j’ai déjà parlé, que ce
peuple avoit dans le caractère des nuances
qui le distinguoient des autres. Il en étoit
de même des liqueurs fortes , qui .ne le
flattoit point j et s’il y avoit quelques inr
dividus qui parussent disposés à y trouver
du g o û t, le très-grand nombre le refusoit.
Mais, s’ils faisoient peu de cas de ce que
contenoient mes flacons, eii revanche fis
prisoient bcaucqup* le flacon lui-même..
Les bouteilles transparentes et solides les
ravissoient d’admiration. Ils .les appelloient
de Veau ferm e : c a r , malgré la chaleur du
climat, ces Sauvages avoient vu de la glace
sur les pitons des montagnes dont ils sont
environnes ; et ils ne doutoient pas que Je
verre de mes bouteilles ne fut une eau que
magiquement j ’avois trouvé le moyen de
rendre solide et que j’empêchois de fondre
dans leurs feux. L ’impossibilité d’une
explication à ce sujet m’empêchoit de son,-
ger à les désabuser ; et d’ailleurs quel bien
en eût-il résulté ? Je les'laissai donc dans
leur erreur, et me contentai de les obliger
,, en leur abandonnant tous les flacons
vides qui m’étoient inutiles.
De leur côté , ils se piquoient de générosité
envers mo i, et je n’avois point en-1
core vu de nation aussi désintéressée. Tous'
les soirs, ils apportaient dans mon camp
une quantité considérable de lait. Jamais
ils n’y venoient passer la soirée avec mes
gens, sans amener quelques moutons dont
il les régaloient. J’ai vu nombre d’entre
eux donner, gratuitement et sans troc ,
des pièces de leurs troupeaux • et quand
je partis , il y avbit dans ma caravane plu1-1
sieurs personnes qui possédoient en toute
propriété des moutons et des boeufs, qu’ils
avoient reçus en pur don.
Quelle différence entre ce peuple , si
lo y a l, si généreux , et ces Grands Nama-
quois, qui , d’un air piteux , vont sans
cesse tendant la main, comme des men-
dians, pour demander tout ce qu’ils voient.
Avec des inclinations nobles, le Kabo-
biquois a encore le caractère guerrier. Ses