
dcrient avec une impatience d’enfant. Tout !
ce qu’on leur avoit dit de m o i, portait le |
caractère de l ’enthousiasme le plus exa- |
géré , et leur imagination avoit enchéri 1
encore sur ces extravagances. Cet homme i
blanc , ces fusils , ces instrumens , toutes i
ces choses qu’ils n’avoient jamais vues , |
leur tournoient la tê te , et le retard de mon |
arrivée était pour eux un tourment.
Dès que ma troupe fut apperçue, la horde 1
tonte entière quitta le JCraal et accourut, i
avec empressément, à ma rencontre. J’é- |
prouvai ici avec un surcroit d’obsession,'I
tout ce que j ’avois plus d’une fois causé , |
de bouleversement dans des hordes toutes i
neuves de Sautages. Hommes et femmes,!
tous indistinctement, m’entourèrent et se i
précipitèrent autour moi pour m’examiner. !
Ne pouvant en croire leurs yeux sur ce 1
qu’ils voyoient, chacun me palpoit. On me I
touchoit les cheveux, les mains, tout le !
corps. Ma barbe sur-tout étonnoit à un |
point inconcevable. Plus de trente person-1
\ nés vinrent successivement entr’ouvrir mes I
habits.
Tous s’itnaginoient que j ’étais un animal I
velu, dont le corps sans doute étoit couvert
d’un poil aussi long que celui de mon
menton q et surpris de voir qu’il n'en étoit
.point ainsi, ils restaient pétrifiés d’étonne-
ment, et avouoient, avec une irygénuité
sauvagesse , qu’ils n’avoient point encore
rien vu de pareil dans aucun homme de
leur contrée. Les petits enfans, transis de
peur, se cachoient derrière leurs mères.
Si j’essayois d’en prendre quelqu’un pour
le caresser, il jettoit de hauts cris , comme
feroit en Europe un enfant q u i, pour
la,première fois, verroit un Nègre,
fe Telle étoit ma position au milieu de cette
multitude qui me pressoit en foule, et dont
j ’ai déjà parlé, par anticipation, dans mon
premier voyage. Seul de ma couleur parmi
eux , je me ljvrois à eux sans crainte. L ’é-
tonnement de beaucoup d’entre eux à la
vue d’un blanc, et le tumulte qui en étoit
la suite, ne me surprenoit pas.
|*A travers cette curiosité incommode, je
MÈmelois de plus en plus le principe constant
de la nature , qui donne un caractère
||î f i e , doux et confiant au Sauvage. Et
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