
les cuisses et dans les jambes. L ’auteur du
désordre confirma lui-même ces éclaircis-
semens. Alors Peffervescence fut appaisée.
On mit bas les armes , et je ne fus plus entouré
que d’amis , comme auparavant.
Il ne restoit plus qu’à connoître l ’état des
blessés et à leur porter les secours qui dépen-
doient de moi. Sans perdre de terns , je me
transportai près d’e u x , toujours accompagné
du chef. Nous rencontrâmes la jeune
personne, qui revenoit du k ra a l, les yeux
baignés de larmes. C’étqit pour un grain de
plomb qu’elle se désoloit ainsi : encore ce
grain étoit-il si peu enfoncé dans la peau
qu’en la pressant avec les doigts je l’en fis
sortir. Quant aux trois hommes, ils se rou-
loient à terre ; ils hurloient d’une manière
épouventable et donnoient tous les signes
du désespoir.
Cette étrange consternation m’étonnoit
beaucoup ; et je ne concevois pas comment
des hommes accoutumés à la souffrance
s’affectoient à ce point de quelques
légères piqûres dont la douleur n’eût pas
même fait pleurer leurs enfans. Enfin , on
m’en apprit la raison. Cas Sauvages, dont
7/ / / / / / / / / '/ / / / / / / / / / / / / # / # iii H ; | f ¿-kl M i i ittmiwv
la coutume est d’empoisonner leurs flèches,
s’hnaginoient que j’empoisonnois de
même le plomb de mes fusils. En conséquence
ils se croyoient frappés à mort, et
s’attendoient à périr sous peu d’instans.
Ce ne fut pas sans beaucoup de peine que
je pus parvenir à leur faire expliquer qu’ils
n’avoient rien à craindre. Pour les en convaincre
d’une manière plus rassurante encore
, je baissai un de mes bas et leur fis
voir et sentir dans-les chairs de ma jambe
une douzaine de grains de plomb , dont
m’avoit gratifié autrefois la libéralité de M.
Papillon de la Ferté , qui, chassant dans la
plaine de Gennevilliers , m’avoit tiré pour
un lapin.
Klaas s’approcha aussi des blessés. Sans
perdre son tems en paroles qu’ils n’eussent
pas comprises, il tira de sa giberne quelques
grains de plomb, les leur montra, et
les avala aussitôt. Cette démonstration vraiment
concluante , et dont je ne m’étois pas
avisé , fit un effet prodigieux. Les cris cessèrent
à l ’instant même ,_la sérénité reparut
sur les trois visages , et il ne fut plus
parlé dés blessures.
F 3