
Voir plus être harcelle que par-devant. J|
devinai sa ruse 5 et dans le dessein de le
prévenir, je me jettai yers les buissons ,
en faisant signe aux deux chasseurs les
moins éloignes de moi, de s’y porter aussi.
I l n’était plus qu’à trente pas de nous, lorsque
nous nous emparâmes du poste. Puis, le
visant tous trois en même tems, nous lui
lâchâmes nos trois coups à la fo is , et il
tomba sans pouvoir,plus se relever.
Sa chûte fut pour moi Une jouissance délicieuse.
Comme chasseur et comme naturaliste
, je goûtais un double triomphe;
Quoique blessé à mort, l ’animal se débattait
encore couché à térre, tomme il l ’a-
voît fait lorsqu’il étoit debout. Ses pieds
lançoient autour de lui des monceaux de
pierres, e t , ni nous, ni nos chiens n’osions
en approcher. J’eusse pu-lui épargner
les tourmens_de l ’agonie , en lui tirant
une dernière balle $ et c’est ce que jé
m'apprêtais à faire , si mes gens , parleurs
prières , ne m’en eussent détourné. Je ne
pouvois attribuer leur demande à un sentiment
de p itié } mais je n’en concevois pas
le motif.
I J’ai déjà dit que dans toutes les peuplades
sauvages, ainsi qu’au Cap et dans leS
colonies , on fait un grand cas du sang
desséché de rhinocéros j que le préjugé lui
attribue beaucoup de vertu pour la guérison
de certaines maladies, et qu?on le regarde
spécialement comme un remède souverain
contre les obstructions. On se rappelle
que quand Swanepoel, enivré par
pinard, tomba sous une des roues de mon
çharriot et qu’il eut une côte démise et cassée
, il me demanda du sang de rhinocéros,
Au défaut de sang, le malheureux continua
de boire de l’eau-de-vie. Il guérit par
les seules forces de la nature , et il avouoit
que ce dernier remède, -également bon ,
disoit-il, et pour l ’homme sain et pour
l ’homme malade , était préférable à l ’autre.
Mais ses camarades avoient conservé
leurs préventions, et ils vouloient du sang
de rhinocéros. Celui-ci en perdoit beaucoup
par ses blessures. Ce n’étoit pas sans
un très-grand chagrin qu’ils 1 yoyo i e n t la
terre s’en imbiber aütour de lu i , et ils
çraignoient qu’un nouveau coup de fusil
n’augmentât encore cette perte.
D 3