
le fort, et n’y trouvâmes plus que des vestiges
du dégât qu’avoit fkit cette famille
affamée. De tous côtés on voyoit des os
épars ou en tas ; et le- spectacle de ce charnier,
en rappelant à la horde les pertes
qu elle avoit faites -, mit chacun dans le cas
de raconter et de déplorer les siennes.
M o i, pendant ce tems, je m’occupois de
chercher les traces des lionceaux et de leur
père, pour juger de la grosseur de l ’un,
ainsi que du nombre et de la grandeur des
autres. Quoiqu’il y ait des exemples de
lionnes qui d’une seule portée ont eu trois
petits, celle-ci nous paru t n’en, avoir donné
que deux; mais ils s’annonçoient pour être
de la taille de mon grand chien Jager qui
m atteignoit à la ceinture, et par conséquent
ils étoient déjà redoutables et poü-
voient faire beaucoup de mal.
Quant au père , à juger "par l ’empreinte
de sa patte, qui étoit d’un tiers plus grande
que celle de la patte de sa femelle, il
devoit être de la plus grande taille.
Je ne sais quel est le critique qui s’étant
égayé à donner sur moi quelques détails
dans le Journal de Paris , 2,5 mai 1788,
«piès m’avoir mis en présence avec un
llprt y dit pompeusement qué nous nous
mesurâmes de notre regard superbe y et
que ma courageuse intrépidité le détermina
enfin à la fu ite .
L’attitude est belle assurément ; mais en
me prêtant un regard, si puissant, il fan - .
droit encore m’avoir donné la force et la
massue d’Alcide ; et quoi qu’en pense mon
critique, il est certain qu’à moins d’être
un extravagant ou en délire , la première
réflexion que fait un homme, quelque courageux
qu’il' s o it , quand il se trouve dev
a n t un ennemi formidable, c’est de coni-t
parer ses forces avec celles de cet ennemi ;
et s’il les sent fort inégales, nécessairement
1er sentiment du péril qu’il court doit
lui faire impression.. Voilà' du moins ce
que j’ai constamment éprouvé, et certes je
me vante de n’être pas plus poltron qu’un
autre. Oui , toutes les fois que je me suis
trouvé en présence d’éléphans, de rhinocéros
, de tigres, de lions, etc.y j ’avoue
que, malgré la confiance que m’inspiroient
me« armes, loin de m’être jamais , au
premier instant, trouvé entièrement dé~