
V o y a g e
ne , et se faisoient porter alternati vement parles
boeufs. Les Grands Namaquois, les veux
caves et l ’air abattu, n’avoient plus la fore®
de parler.) mais, quoiqu’ils ne parlassent
point, leur silence même m’annonçoit, à
chaque instant, qu’ils regrettoient bien de
s’être engagés à me suivre. Enfin, qui eût
vu ma caravane, l ’auroit prise pour un hôpital
ambulant.
Les animaux eux-mêmes , exténués par
de long jeûnes et'par des marches excessives
, se ressentoient ‘de l ’abaltément général.
Mes chevaux boitoient) et dans l ’iin-
possibilite de m’en servir, j ’avois été obligé
de faire la route â pied. J’ai déjà dit que la
fatigue des boeufs étoit telle qu’il m’avoit
fallu en abandonner deux. Mes chiens
avoient la plante des pieds douloureuse
et ensanglantée. Non seulement ils étoient
devenus indifférens pour la quête du gibier
; mais ils le yoyoient lever devant eux,
sans faire un pas pour le poursuivre. Je ne
pouvois plus, comme auparavant, les mettre
dans mes charriots, puisque je n’avois
pas de voitures. C’étoit une chose pitoyable
que d»e voir leur marche éreintée. De
tems en tems ils s'arrêtaient pour se lécher
les pieds 3 et ce soulagement momentané ,
e n attendrissant la p e au , les leur rendoit
plus douloureux encore.
Notre nuit n’eut d’autre événement que
la découverte de plusieurs feu x , que nous
apperçûmes en avant sur les montagnes ,
et q u i, par les idées d’espoir qu ils nous
annonçoient, me donnèrent quelque joie.
Mes Houzouânas sur-tout en témoignèrent
leur satisfaction , parce qu’ils les crurent
d’abord des signaux de leurs camarades.
Mais après bien des observations, n y ayant
point reconnu leur alphabet et leur langue ,
ils s’accordèrent à les regarder comme des
feux nocturnes, allumés par quelque horde
Voisine qu’ils ne connoissoient pas.
Le repos . et le sommeil d une nuit n a-
voient pu suffire pour rétablir les forces
de gens aussi harassés que les miens. Le
matin, ils se plaignirent tous de courbature
j et je crus, un moment, qu il me
faudroit rester au lieu où j ’etois campe.
Mais leur ayant représenté qu’il ne nous
falloit plus guère qu’une j ournee pour gat
gner les montagnes et la horde dont nous