
se procurer et se conserver des amis, ils
m’invitèrent à prendre de ce côté-là.
Toutes ces considérations me déterminèrent.
Cependant, avant d’ordonner le départ,
je voulus connoître le chemin que
nous avions à faire. Dans ce dessein, je
montai sur l ’un des. pitons ; et estimant la
distance qui étoit entre les deux chaînes,
je la jugeai d’environ vingt-quatre lieues.
Mais ce qui m’inquiéta davantage, c’est
que la plaine, dans toute cette étendue,
ne présentoit que des sables arides, et que
je n y vis pas un seul arbre et peu de verdure.
Avec nos provisions et nos outres, nous
pouvions , nous autres, fournir à cette pénible
traversée 5 mais il falloit que nos bêtes
la fissent sans boire. En Europe, des
bestiaux , condamnés au jëûne pendant
deux jou rs , sous un soleil dévorant, et
avec une marche de; vingt-quatre lieues à
travers un désert horrible, périraient tons
infailliblement. Les nôtres, habitués à de
longues et fréquentes fatigues, étoient en
état de supporter celle-ci. Néanmoins, pour
les y préparer par quelque repos , je restai
deux
£ N A f n i q u a. jzoô
deux jours au lieu de mon campement j et
j ’employai ce tems à des chasses , dans lesquelles
nous tuâmes plusieurs gazelles-cou-
doux et un élépha'nt femelle, qui nous fournirent
d’abondantes provisiôns.
Au jour fix é , nous partîmes de grand
matin , et ne fîmes halte qu’à neuf heures
du soir. Nos boeufs , comme je m’y étois
attendu , n’avoient trouvé dans la route
point d’eau et peu d’herbe 5 et après une
journée aussi pénible, il leur fallut encore
passer la nuit à? jeun.
Quant à noits, les Houzouânas avoient
eu la sage précaution de remplir toutes
mes Outres de l ’eau des roches. Mais on
peut s’imaginer ce qu’étoit une boisson ,
battue pendant tout un jo u r , chaude comme
de la lessive, et qui , ayant contracté
l’odeur et le goût des peaux dans lesquelles
elle étoit renfermée , sembloit plus-propre
à faire vomir qu’à rafrachir et à désaltérer.
Heureusement j ’avois conservAquelquea
Cruchons de vin et de bierre qui, s’étant aigris
par la chaleur et le balottement, étoient
devenus un vinaigre assez bon au milieu
d’un désert. J’en versois quelqnès cueille-
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