Le 19 au .soir, les gens de Syouah se réunirent
sur la route, entre le village de Zabou
et celui d’el-Mendych, pour fêter un de leurs
saints, le cheykh Solymân. Le bruit des tambours
et des cris joyeux se firent entendre toute
la nuit : ces tambours sont formés de vases
grossiers en terre cuite, sur lesquels on tend
une peau. Le lendemain, jour de la fête, le
bruit continua ; les femmes, la figure toujours
couverte, exécutèrent des danses lascives. On
apporta sur la route une grande quantité de
plats de riz , de pâtes de kouskous, et de viande:
tout passant devait s’arrêter et prendre part au
festin. En nous rendant à el-Mendych avec le
cheykh Ibrâhym, nous fûmes obligés, comme
les autres, d’accepter une portion de riz.
Le 26, arriva une caravane de soixante-dix
chameaux, appartenant à des Arabes de la tribu
Ouaiad-Aly; ces hommes venaient du côté
d’Alexandrie, après s’être soumis au bey de
Damanhour. Je fis mille efforts, mais tous
inutiles, pour en obtenir des chameaux; alors
je commençai à craindre d’être retenu encore
long-temps dans cette oasis, et de ne pouvoir me
transporter de sitôt dans celle du sud. Jadis les
maîtres de l’Egypte reléguaient dans les oasis
les hommes accusés de crimes d’état ou suspects
au gouvernement ; si ma situatioii n eût point
changé, la petite oasis allait aussi devenir pour
moi une prison , et mon voyage un exil volontaire.
Le 28 janvier, ayant fini les opérations du
plan topographique, je fis tout préparer pdHir
nous rendre le lendemain au village de Qasr.
Le 2 9 , nous partîmes montés sur des ânes.
Au sortir d’el-Mendych, la route traveise un
banc de sable qui s’étend nord et sud, ainsi que
beaucoup de monticules couverts de sable et
où croissent des herbages. Nous traversâmes
une saline, e t, en laissant les dattiers du village
d’el-A’gouzeh sur notre gauche, nous gravîmes
la hauteur qui sépare les deux parties de l’oasis.
Sur le penchant de la montagne, la vue se porte
vers les palmiers d’el-Bâoueyt et du Qasr ,
situés à l’ouest. Le voyage fut dune heure tioîs
quarts : l’espace désert est d une lieue au plus.
Nous allâmes habiter le Qasr : le cheykh Moussâ,
cadi du lie u , me fit donner une maison ; il
me témoigna beaucoup d égards. Cetait le plus
savant des habitans du pays; il avait fait, disait
il , ses études au Caire ; et il savait à peine
lire et écrire l’arabe.